Skip to main content

Full text of "Des maladies nerveuses en général, de l'épilepsie en particulier, et des moyens de les combattre avantageusement; recherches précédées d'un court examen physique et moral du système nerveux, et mêlées de réflexions sur quelques changemens à faire subir à notre législation"

See other formats


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2016 


I 


https://archive.org/details/b28740154 


2 b S 


t 


DES 

MALADIES  NERVEUSES 

EN  GÉNÉRAL, 


EN  PARTICULIER. 


% 


V 


* . 


COCXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX)  ■ccoooooo 

IMPRIMERIE  DE  E.  CHAIGNET,  A RAMBOUILLET. 

^vyyyv/yyvyyyyyyYyyyvYVvysi'yYYVN  /s/y^ 

V V v'  V V V v V V V V y v y V 'Vv  V V W V V V'v  V V ' v •/  y/'V  V W y 


DES 


MALADIES  NERVEUSES 


/ __  J 


EN  GENERAL  , 


EN  PARTICULIER, 

TO  ID1B3  UKDWERS  IDS  LL3£3  (ÊDMÜ^^ÎB 

AVANTAGEUSEMENT  ; 

UE  CHE  RC  II E S 

PRECEDEES  d’un  COURT  EXAMEN  PHYSIQUE  ET  MORAL  DU 
SYSTÈME  NERVEUX  , ET  MELEES  DE  REFLEXIONS  SUR  QUEL- 
QUES CHANGEMENS  A FAIRE  SURIR  A NOTRE  LEGISLATION. 

U Bpçfm  Î3.0VIC* 


Antequàm  de  remediis  statua tur,  primùm 
constare  oportet  quis  morbus  , et  quæmorbi 
causa  : alioqui  inutilis  opéra  , inutile  omne 
consilium. 

Ballokius,  lib.  i , consil.  i 


£ 


PARIS, 

CHEZ  GABON,  LIBRAIRE,  RUE  DE  L’ÉC  O LE-DE-MK  DECINE  , \n  : 

El  BECIIET  J°,  LIBRAIRE,  PLACE  DE  L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE  , No  f,  ; 

VERSAILLES, 

CHEZ  L AUTEUR,  RUE  DE  L ORANGERIE  , N°  ?.q. 


1830. 


/ 


ConMetù?' 


ie  IDocIcue  jjavisct 


oui m fe 


Lorsque  le  Roi-M artjr , de  douloureuse  mé- 
moire , institua  V Académie  de  Médecine  , il 
égala  y en  bienfaisance  durable , le  grand  Mo- 
narque j son  aïeul , qui , un  siècle  auparavant  y 


y) 

avait  illustré  son  règne  par  tous  les  genres  de 
gloire. 

Digne  successeur  de  Eicq-d’  Azyr , comme  lui 
vous  occupez  dignement  ce  fauteuil , d'où  descen- 
dit souvent  son  éloquente  voix , pour  foudroyer 
les  systèmes  erronés  et  les  funestes  paralogismes. 

Comme  lui , vous  poursuivez  à outrance  les 
charlatans  qui , sous  des  formes  diverses , gâtent 
tout  ce  quils  touchent , et  dont  les  ruses  menson- 
gères se  propagent  aussi facilement  que  la  fièvre 
meurtrière  étudiée  et  observée  par  vous  dans 
toutes  ses  phases , avec  autant  de  succès  que  de 
courage  et  de  persévérance. 

Enfin,  de  plus  que  le  secrétaire  et  fondateur 
de  la  société  médicale  la  plus  savante  de  l’Eu- 
rope , vous  avez  atteint  au  cœur  ces  novateurs , 
dont  les  opinions  tendraient , innocemment  sans 
doute,  à laisser  pénétrer  dans  notre  belle  France 


t • 

V1J 

V ennemi  le  plus  cruel  qui  ait  encore  ensanglanté 
son  sol. 


Poursuivez  , docte  et  intrépide  Pariset  ! que 
les  Galien  modernes  et  les  nouveaux  Hecquet  ne 
vous  arrêtent  pas  ! Que  les  clameurs  de  l’envie 
ne  privent  pas  votre  patrie  et  la  science  de  la 
continuité  de  vos  précieux  travaux , et  ne  para- 
lysent pas  i un  des  plus  beaux  talens  dont  elles 
puissent,  s'honorer. 


Ce  sont  tous  ces  litres  a la  reconnaissance  de 
l humanité  qui  ni  ont  suggéré  l idée  de  vous  dé- 
dier ce  livre. 


L.  BORIE. 


4 


I 


■ 


■ ' 

, 


’ 


DISCOURS  PRÉLIMINAIRE. 


Si  la  Providence  a mis  tous  ses  soins  à former 
l'homme,  son  plus  bel  ouvrage,  elle  a placé  aussi 
à coté  de  cette  machine  animée  et  merveilleuse, 
une  foule  d’agens  prêts  à la  détruire,  lorsqu’elle 
méconnaît  la  main  qui  lui  donna  l’être,  ou  les 
régies  quelle  daigna  lui  prescrire  pour  sa  con- 
servation. 

Ces  agens  amènent  dans  notre  économie  des 
changemens  connus  sous  le  nom  de  maladies. 

Les  unes  sont  héréditaires,  et  furent  créées 
pour  punir  les  pareils  qui,  corrompus  parle  vice, 
•transmettent  à leurs  rejetons  des  germes  de 
mort. 

Les  autres  sont  communiquées  par  des  nour- 
rices mercenaires  auxquelles  des  mères,  ou  plu- 
tôt des  marâtres,  confient,  sans  nécessité,  leur 
avenir  le  plus  précieux. 


î 


X 


Ici  j ce  sont  toutes  les  affections  dépendantes 
dune  mauvaise  éducation  et  d’habitudes  aussi 
honteuses  qu’exténuantes. 

Là,  les  maux  causés  par  l’influence  des  cli- 
mats divers,  par  celle  des  astres,  par  les  chan- 
gemens  de  saisons,  leur  intempérie  ; par  les  si- 
tuations plus  ou  moins  variables  de  l’atmos- 
phère. 

Plus  loin,  les  altérations  que  font  éprouver  à 
nos  fonctions  vitales  ces  principes  invisibles  et 
impondérables  que  l’on  nomme  miasmes,  cer- 
taines émanations  animales,  végétales  ou  miné- 
rales. 

Ailleurs,  les  égaremeus  de  nos  facultés  plus 
particulièrement  attribués  à la  colère  divine,  et 
si  communs  de  nos  jours,  parce  qu’il  faut  re- 
venir aux  principes  qu’on  avait  oubliés,  à la 
moralité  qu’on  avait  abandonnée  ; parce  qu’enfm 
les  facultés  morales  s’usent  par  suite  des  com- 
bats des  passions,  comme  le  corps  se  détruit 
par  les  fatigues  et  les  excès.  On  ne  quitte  pas 
sans  remords,  ni  sans  crainte  la  route  de  la  vertu, 


XJ 

et  ce  sont  cette  crainte  et  ces  remords  qui  con- 
duisent souvent  à ces  différentes  aberrations  de 
l’esprit,  dont  les  noms  font  frémir,  et  qui  de- 
vraient seules  suiïire  pour  retenir  la  raison  hu- 
maine. 

Nous  avons  réservé,  pour  terminer  la  courte 
énumération  des  maladies  auxquelles  l’homme 
est  exposé,  celles  qui  reconnaissent  pour  causes 
éloignées  1 âge,  le  sexe  et  la  prédominence  de 
tel  ou  tel  tempérament  ; ainsi  le  tempérament 
sanguin  prédispose  aux  inflammations,  aux  hé- 
morragies passives,  souvent  à l’apoplexie , etc. 

Le  bilieux,  aux  embarras  des  voies  digestives, 
au  choiera— morbus , à la  fièvre  bilieuse,  à la  mé- 
lancolie, etc. 

Le  lymphatique,  aux  catarrhes,  à lhydropi- 
sie  passive,  aux  engorgemens  glanduleux,  aux 
scrofules,  etc. 

Le  nerveux,  aux  névroses  variées,  à l’hystérie, 
aux  convulsions,  au  tétanos,  à l’épilepsie , etc. 

t 

Nous  nous  bornerons,  dans  cet  essai,  à ces 
dernières  affections,  c’est-à-dire,  à celles  aux- 

i 

!.. 


1 


xij 

quelles  nous  condamne  un  système  nerveux  bien 
tranché. 

C’est  donc  des  névroses  que  nous  allons  nous 
occuper  spécialement,  et  parmi  elles  l’épilepsie, 
dont  il  ne  sera  question  qu’à  la  fin  de  notre  tra- 
vail, fixera  toute  notre  attention,  puisque  cette 
maladie  a été  l’objet  particulier  de  nos  études 
et  de  nos  recherches. 

La  tâche  que  nous  nous  sommes  imposée 
n’est  nullement  facile;  car  s’il  est  aisé  de  déter- 
miner pendant  la  vie  le  siège  d’un  exanthème, 
d’une  liydropisie,  et  de  leur  appliquer  des  re- 
mèdes utiles;  si  l’on  peut  reconnaître,  après  la 
mort,  qu’uné  hépatite,  un  épanchement,  ou 
tout  autre  phénomène  morbide,  ont  existé;  il 
n’en  est  pas  de  même  des  maladies  que  nous 
avons  la  témérité  d’aborder. 

Les  anti- spasmodiques  les  plus  énergiques 
ont-ils  le  même  succès  dans  le  traitement  des 
névralgies  (i),  que  la  saignée  dans  celui  de  la 
pneumonie  la  plus  intense? 

(i)  Nous  nous  servirons  alternativement  des  deux 
expressions  névrose  et  névralgie,  attendu  qu’elles  signi- 


% 


xi  i ] 

Hâtons-nous  d’entrer  dans  l’histoire  des  né- 
vroses, afin  de  démontrer  plus  évidemment  que, 
jusqu’à  notre  époque,  la  description  de  ces  ma- 
ladies, de  leurs  causes,  de  leurs  symptômes,  et 
des  traitemens  tour-à-tour  préconisés,  n’ofïre 
qu’incertitude. 

Ce  n’est  pas  chez  les  anciens  qu’il  faut  cher- 
cher des  renseignemens  sur  les  névroses.  Les 
Egyptiens  et  les  Hébreux,  qui  tenaient  leur  peu 
de  science  médicale  des  premiers,  ont  cepen- 
dant connu  quelques  maladies  nerveuses. 

* 

La  mélancolie  de  Saul , qui  fut  calmée  par  la 

fient  à-peu-près  la  même  chose,  c’est-à-dire,  maladie 
nerveuse;  et,  en  effet,  qu’un  nerf  soit  irrité,  enflammé, 
en  état  d éréthisme,  d atrophie,  etc. , c’est  toujours  le 
meme  tissu  qui  est  affecte.  Le  mot  névralgie , sans 
doute,  exprime  plus  particulièrement  la  douleur  d’un 
nerf,  mais  la  douleur  n’est-elle  pas  la  sensibilité  alté- 
iée,  et  cette  altération  n’est-elle  pas  opposée  au  bien 

ou  à la  santé  du  corps? Tandis  que  le  mot  de  né- 

< rose,  d apres  Pinel,  rend  plus  facilement  la  lésion  du 
sentiment  et  du  mouvement  sans  inflammation,  ni  dé- 
rangement de  structure. 


XIV 


harpe  de  David  • la  fièvre  maligne  à laquelle  La- 
zare succomba  ; ce  démoniaque  guéri  par  un 
J uif,  au  rapport  de  Y espasien,  etc. , attesteraient, 
au  besoin,  ce  que  nous  avançons,  s’il  n’était  pas 
parlé  de  1 épilepsie , surtout  dans  l’évangile.  On 
se  rappelle  cet  enfant  qui  fut  présenté  à Jésus- 
Ch  ri st  lorsqu’il  descendit  du  mont  Tliabor. 

Arrivons  promptement  au  véritable  fondateur 
de  la  médecine.  Hippocrate  s’est  occupé  de  plu- 
sieurs névroses,  principalement  de  la  sciatique  ; 
mais  cette  douleur,  qui  commence  dans  l’arti- 
culation supérieure  de  la  cuisse , qui  parcourt 
toute  l’étendue  de  ce  membre  et  delà  jambe, 
est-elle  toujours  une  névrose? 

Peu  de  temps  après  la  naissance  de  Jésus- 
Christ,  les  médecins  romains  et  grecs  écrivi- 
rent sur  quelques  affections  spasmodiques  très 
incomplètement,  il  est  vrai  ; ainsi  Cclse  n’en  dit 
presque  rien. 

Arètée  parle  de  l’épilepsie,  qu’il  attribuait  au 
démon. 

Galien  nous  laisse  dans  la  même  obscurité 
sur  les  névroses  proprement  dites.  Comme  le 


XV 


prince  de  la  médecine,  il  confond  toutes  les 
maladies  de  l’articulation' de  la  hanche  dans  la 
sciatique;  ainsi  Galien  n’a  pas  toujours  dit  non. 
Le  médecin  de  Pergame  avait  cependant,  de 
plus  que  le  vieillard  de  Cos,  des  vues  certaines 
sur  la  section  des  nerfs,  soit  comme  affection , 
soit  comme  moyen  curatif  des  névroses;  il  con- 
naissait la  danse  de  Saint -Guy  qu’il  a décrite 
sous  le  nom  de  scélotirbe. 

Les  médecins  qui  viennent  après  Ceise  et  Ga- 
lien, nous  entretiennent  légèrement  des  mala- 
dies nerveuses,  et,  dans  ce  qu’ils  en  disent,  on 
voit  qu’ils  n’ont  fait  que  copier  ces  derniers,  et 
principalement  Galien. 

De  ce  nombre  sont  Platon,  qui  appelait  l’épi- 
lepsie morbus  divinus ; Dioscoride,  moins  mé- 
decin que  naturaliste;  Pline,  avec  ses  erreurs; 
Aëtius ; Paul  d’Egine,  grand  partisan  des  bains 
de  sable  chaud,  et  plusieurs  autres  qui  se  sont 
contentés  de  chercher  des  remèdes  plutôt  que 
d’étudier  la  nature  de  la  maladie  qu’ils  vou- 
laient combattre,  négligeant  cet  adage  si  vrai, 
si  important  : Principiis  obsta , etc. 


Le  s nécroses  ne  purent  rester  inconnues  aux 
Arabes , qui  puisèrent  la  plus  grande  partie  de 
leurs  connaissances  dans  des  sources  grecques. 

Le  musicien,  le  chimiste,  le  philosophe  Rha- 
zès , le  plus  célèbre  des  médecins  arabes , fut 
celui  qui  fit  le  plus  d’efforts  pour  étudier  les 
nerfs  et  les  altérations  de  ces  parties. 

C’est  lui  qui  a découvert  que  le  nerf  récur- 
rent (nerf  de  la  trachée-artère,  ainsi  nommé 

i 

parce  qu’il  remonte  vers  son  origine)  est  quel- 
quefois double  du  coté  droit.  Rhazès  a parfai- 
tement connu  la  fièvre  lente  nerveuse  ; il  dé- 
couvrit aussi  que  l’epilepsie  pouvait  tenir  à la 
présence  des  ganglions  (i)  dans  les  nerfs. 

Avicenne  a lui-même  etc  atteint  de  1 epilep- 
sie  , à laquelle  il  donna  le  nom  d 'analepsie , 
comme  l’avaient  désignée  avant  lui  d’autres  cé- 
lèbres médecins  orientaux. 

Mais  jusque-là  les  médecins  n’avaient  pu  ac- 

(j)  Renflemens  ou  nœuds  particuliers  qui  se  rencon- 
trent sur  le  trajet  des  nerfs.  Leur  substance  inté- 
rieure est  formée  par  V union  des  fibres  nerveuses. 


XV  IJ 

I 

quérir  des  idées  précises  sur  les  maladies  qui 
nous  occupent,  parce  qu’ils  n’avaient  pas  dis- 
séqué, et  point  connu,  par  conséquent,  les  nerfs 
organes  principalement  affectés  par  elles;  car 
il  ne  faut  pas  prendre  pour  des  dissections  ré- 
gulières et  fructueuses , ni  les  sacrifices  des 
druides,  ni  ces  ouvertures  de  cadavres  que  né- 
cessitaient les  embaumemens  auxquels  se  li- 
vraient fréquemment  les  Égyptiens,  ni  ces  pré- 
parations ostéologiques  dont  parlePausanias,  ni 
les  déchiremens  des  criminels  vivans  par  Era- 
sistrate  et  Hérophile,  etc. 

La  religion  inspirait  aux  anciens  un  si  grand 
respect  pour  les  morts,  qu’ils  n’osèrent  cultiver 
l’anatomie  humaine  sur  le  cadavre. 

Les  écorchés  antiques,  qu’on  a trouvés  à di- 
verses époques,  ne  prouvent  pas  le  contraire  de 
ce  que  nous  avançons. 

i 

Les  statuaires  grecs , qu’on  pourrait  encore 
opposer  à notre  opinion,  sont,  en  effet,  parve- 
nus à muter  parfaitement  les  formes  humaines 
extérieures,  leurs  mouvemens  si  variés  et  si 


XV  11  J 

compliqués;  mais  ces  statuaires  n’ont  pas  eu  be- 
soin, pour  atteindre  cette  perfection,  d’étudier 
à fond  l’anatomie  de  l’homme. 

Du  rétablissement  de  l’école  de  Salerne  da- 
tent les  progrès  de  l’anatomie,  de  cette  seule  et 
unique  base  de  la  science  médicale;  aussi  cette 
école  s’occupa-t-elle  plus  particulièrement  des 
nerfs  et  de  leurs  affections,  en  suivant  toutefois 
la  saine  doctrine  hippocratique,  comme  l’attes- 
tent en  vers  latins  les  préceptes  de  cette  ancienne 
faculté. 

L’école  de  Montpellier,  fondée  par  des  Arabes 
en  i i5o,  marcha  sur  les  traces  de  celle  de  Sa- 
lerne. 

Les  médecins  du  quatorzième  siècle  ne  nous 
ont  presque  rien  laissé  sur  les  névroses.  Parmi 
ceux  des  quinzième,  seizième  et  dix-septième, 
on  aurait  de  la  peine  à en  citer  un  seul  qui  ait 
bien  connu  le  caractère  de  ces  maladies.  Ils  ont 
cependant  eu  occasion  de  les  observer,  mais  ils 
les  ont  confondues,  comme  tous  leurs  prédé- 
cesseurs, avec  d’autres  affections  qui  présentent 
quelque  similitude  avec  celles  dont  il  s agit. 


XIX 


Ce  n’est  que  vers  le  commencement  du  siècle 
dernier  que  les  névroses  , devenues  plus  fré- 
quentes peut-être  par  suite  des  progrès  de  l’es- 
prit humain  et  par  l’effet  de  la  dissolution  mo- 
rale, ont  été  décrites  avec  plus  desavoir,  quoi- 
qu’il existe  encore  de  ces  maladies  sur  lesquelles 
on  n’ait  rien  écrit  de  satisfaisant. 

Les  Langius  , les  W epfer,  les  W illis,  les  \ i- 
ridet,  les  Baiiiou,  les  Lazare-Rivière,  et  plus 
tard  Morgagni , Boërhaave  , De  Haen  , van 
Swiéten , La  Roche,  Pomme,  Tissot,  Lieu- 
taud,  etc.,  nous  donnèrent  des  notions  plus 
précises  sur  les  maladies  nerveuses. 

Nous  croyons  devoir  comprendre,  dans  le 
nombre  des  livres  classiques  qui  ont  paru  de- 
puis sur  cette  matière,  l’excellente  Monographie 
de  Cotugno,  approuvée  par  Barthez;  les  Traités 
de  Fothergill,  de  Pujol,  de  Fortsmann;  les  Dis- 
sertations de  Hamel,  de  Bailly , deRousset,  de 
Coussays,  le  seul  qui  ait  considéré  les  névralgies 
en  général  ; de  Loyer-\  illermay , d’Esquirol,  de 
Gcorgct,  d’Amédée Dupau;  enfin,  le  savant  ou- 


4 


XX 

vrage  de  M.  Portai , du  Nestor  de  nos  premiers 
médecins  , sons  le  titre  d 'Observations  com- 
plètes sur  l’épilepsie , etc. 

Quant  aux  nosologistes  (auteurs  de  nomen- 
clatures médicales,  qui , comme  on  sait,  datent 
de  173?.  ; car  il  faut  bien  se  garder  de  donner  le 
nom  de  nosologie  aux  Essais  de  Césalpin,  mé- 
decin italien  ; de  Plater-Félix,  de  Bâle;  de  Jean 
Joutonus,  hollandais,  etc.),  les  uns,  tels  que 
Sauvages,  Linnée  et  autres,  suivent  les  mé- 
thodes botaniques,  et  font  mention  des  ma- 
ladies nerveuses;  le  premier,  dans  la  4e  et  Se 
classes  ; le  second,  dans  les  5e,  6e  et  7e. 

L.es  autres,  Vogel,  par  exemple,  n’indiquent 
qu’une  partie  des  affections  des  nerfs. 

Ceux-ci,  Cullen,  Machride,  Sagar,  etc.,  pren- 
nent pour  hase  les  grandes  divisions  du  système 
nerveux.  Cullen  , savant  professeur  d’Edim- 
bourg , est  le  premier  qui  ait  prononcé  la  déno- 
mination de  névrose.  Sagar,  dont  la  classifica- 
tion est  justement  appréciée,  n’en  a pas  moins, 
comme  tous  scs  prédécesseurs,  copié  Sauvages. 


xxj 

Ceux-là,  tels  que  Vitet,  médecin  à Lyon, 
dans  son  espèce  de  nosologie,  divisée  en  huit 
classes,  parlent  des  convulsions  à la  4e* 

Da  rwin,  médecin  anglais,  dans  sa  Zoonomie, 
diffère  de  ses  devanciers,  et  confond  tellement 
les  maladies,  qu’il  est  impossible  d’y  démêler 
des  névroses. 

Selle,  médecin  de  Frédéric-le-Grand,  à la 
fin  de  sa  Pyrétologie,  propose  dix-huit  classes.  La 
7e  est  consacrée  aux  maladies  nerveuses.  C’est 
un  bon  praticien,  mais  un  écrivain  médiocre;  il 
est.  vrai  que  non  omnia  novimus  omnes. 

Quoi  qu  il  en  soit,  Cullen  fut  toujours  pré- 
féré, jusqu’en  1799,  époque  à laquelle  Pinel, 
dont  la  gloire  est  impérissable,  malgré  quelques 
piqûres  de  sangsues,  publia  sa  Nosographie  phi- 
losophique, L analyse,  le  bon  sens,  un  jugement 
sain,  ont  présidé  à l érection  de  ce  monument, 
comme  a toutes  les  productions  de  ce  génie 
vraiment  médical,  à qui  nous  devons  celui  de 
Thchat,  voire  même  la  Doctrine  physiologique. 

Paumes,  Tourdes,  Tourtelle,  etc.,  n’adoptent 


pas  une  division  plus  utile.  Il  est  même  éton- 
nant que  leurs  efforts  diffèrent  essentiellement 
de  la  Nosographie  de  Pinel.  C’est  l’ordre  dans 
lequel  les  névroses  sont  disposées  dans  ce  pré- 
cieux ouvrage,  que  nous  suivrions,  si  nous  trai- 
tions de  ces  maladies  en  particulier. 

Beaucoup  d’affections  nerveuses  sont  négli- 
gées et  même  abandonnées  à cause  de  la  funeste 
habitude  de  considérer  le  plus  grand  nombre  de 
ces  maladies  comme  simulées  ou  comme  enfan- 
tées par  l’imagination.  Est-ce  qu’on  voudrait 
nous  prouver  qu’une  imagination  qui  enfante 
ainsi , n’est  pas  malade? 

Quelques  médecins,  même  de  nos  jours,  à 
l’instar  de  Lieutaud,  poussent  l’originalité  jus- 
qu’à ne  pas  croire  aux  maladies  nerveuses  appe- 
lées communément  vapeurs. 

Il  devenait  donc  indispensable  de  bien  carac- 
tériser les  différentes  altérations  du  système  ner- 
veux, d’en  faire  connaître  l’origine,  la  marche, 
le  développement,  les  terminaisons  si  souvent 
terribles,  et  d’indiquer  le  traitement  qui  con- 


xxiij 

\ient  à chacune  d’elles.  Ce  but  a été  rempli  par 
plusieurs  auteurs,  d’une  manière  digne  d’éloges  ; 
aussi  ne  nous  attacherons-nous  à signaler  à nos 
lecteurs  que  quelques  moyens  de  traitement,  peu 
connus,  et  des  substances  qu’on  a eu  tort  d’a- 
bandonner. 


Ci. 


I 


* 


DES 


w 


ïi 


EN  GÉNÉRAL, 


DE 

ï’itoaibupsos  æa  smmmki  enaa», 

ET  DES  MOYENS 


DE  LES  COMBATTRE  AVANTAGEUSEMENT. 


Cet  ouvrage  devait  être  imprime  dans  le  courant  de 
ï année  1828;  des  circonstances  indépendantes  de  la 
volonté  de  V auteur , Vont forcé  à en  reculer  jusqu  a ce 
jour  la  publication. 


DES 


EN  GÉNÉRAL, 


DE 

wiftpaurasiiift  w wismmmi!WL9 

ET  DES  MOYENS 

DE  LES  COMBATTRE  AVANTAGEUSEMENT. 


PREMIERE  PARTIE. 

DU  CERVEAU  ET  DE  SES  DÉPENDANCES. 


CHAPITRE  PREMIER, 
i.  Du  Cerveau  proprement  dit. 

De  tous  nos  organes,  ]e  plus  précieux,  le  plus 
essentiel,  le  plus  fécond  en  prodiges,  c’est  le 
cerveau  ; c’est  de  lui  qu’émanent  tous  nos  sens, 
c’est  lui  qui  recèle  la  pensée,  opération  de  lame 
intelligente  à laquelle  l’homme  est  redevable  du 
rang  qu’il  occupe  clans  ce  vaste  univers. 


De  même  qu'il  plut,  à la  Providence  de  mettre 
l’homme  au  sommet  de  l’échelle  des  êtres  , elle 
plaça  le  cerveau  à la  partie  la  plus  élevée  du 
corps  humain ? comme  sur  un  trône  d’ou  il  plane 
en  souverain  sur  les  autres  organes,  qu’il  tient 
dans  une  dépendance  plus  ou  moins  étroite,  sous 
la  puissance,  bien  entendu,  d’un  principe  qui 
échappe  aux  recherches  de  quelques  observa- 
teurs, ou  plutôt  de  certains  incrédules.  Ce  prin- 
cipe, pour  nous,  est  Dieu. 

Le  cerveau  comprend  la  masse  nerveuse  ren- 
fermée dans  le  crâne  et  dans  le  canal  vertébral  ; 
c’est-à-dire,  le  cerveau  proprement  dit , le  cer- 
velet, la  moelle  allongée  et  la  moelle  épinière. 

Les  précautions  prises  par  le  Créateur  pour  la 
conservation  de  cet  organe,  attestent  de  quelle 
importance  il  est  à la  vie.  Une  boite  osseuse, 
figurée  en  voûte,  composée  de  plusieurs  pièces, 
recouverte  par  quelques  muscles  et  par  des  te- 
gumens  d’un  tissu  très  serré,  tapissée  à 1 inté- 
rieur par  trois  membranes  d une  densite  ex- 
trême ; un  canal  dans  lequel  ces  trois  mem- 


29 

branes  se  prolongent,  formé  par  vingt-quatre 
vertèbres  et  l’os  sacrum , fortifié  par  des  couches 
ligamenteuses,  protégé  en  dehors  par  des  chairs 
épaisses  : tels  sont  les  remparts  multipliés  qui 
entourent  la  substance  molle  du  cerveau. 

L’exposition  détaillée  de  ces  pièces  osseuses 
ne  convient  qu’à  un  ouvrage  d’anatomie;  bor- 
nons-nous à dire  quelques  mots  des  membranes 
et  de  la  masse  cérébrale. 

La  dure-mère , blanche,  fibreuse,  adhère  ex- 
térieurement au  crâne,  surtout  à l’endroit  des 
trous  et  des  sutures;  elle  se  sépare  assez  facilement 
en  deux  lames,  1 une  interne  et  l’autre  externe. 
Les  répits  sphénoïdaux , la  faux  du  cerveau , la 
lente  et  la  faux  du  cervelet , dépendent  de  la 
première;  mais  la  seconde  concourt  aussi  à la 
production  des  prolongemens  dont  les  princi- 
paux se  portent  dans  l’orbite  et  l’épine  dorsale. 
Les  sinus,  canaux  triangulaires  ou.  demi-circu- 
laires, résultent  de  l’écartement  de  ces  lames; 
Mtués  dans  les  différentes  régions  cérébrales,  ils 
reçoivent  le  sang  des  veines,  en  ralentissent  le 


cours , et  vont  le  verser  dans  les  jugulaires  in- 
ternes. 

JJ  arachnoïde  y mince,  transparente,  est  pla- 
cée sous  la  dure-mère.  Elle  secrète  la  sérosité 

t 

qui  humecte  leur  surface  contiguë. 

La  pie-mère , enfin  , cette  membrane  vascu- 
leuse  s’insinue  dans  toutes  les  anfractuosités  des 
circonvolutions  cérébrales,  s’enfonce  dans  les 
ventricules  par  plusieurs  fentes,  donne  naissance 
aux  plexus  choroïdes,  et,  se  continuant  d’un  autre 
côté  dans  le  canal  vertébral,  dégénère  en  un  li- 
gament qui  s’attache  à la  partie  postérieure  du 
Coccyx. 

L’examen  de  la  masse  encéphalique , en  com- 
mençant par  sa  partie  supérieure , est  assez  con- 
nu , il  ne  nous  reste  donc  qu’à  en  exposer  une 
description,  moins  répandue  jusqu’à  présent, 
que  l’on  a proposée  dans  ces  derniers  temps. 

Deux  substances  composent  le  système  ner- 
veux ; l’une, blanche  et  douée  de  sensibilité,  a été 
successivement  considérée  comme  solide,  tubu- 
leuse , vasculeuse,  mais  elle  est  plus  vraisembla- 


3i 


fol em en t fibreuse  -,  l’autre,  grise,  pulpeuse,  et 
moins  sensible  en  général,  est  regardée  comme 
l’unique  source  de  la  première.  Son  tissu  n’a 
d’abord  paru  qu’un  entrelacement  de  vaisseaux 
sanguins,-  cependant  il  existe  encore  entr’eux 
une  matière  particulière  que  peut-être  ils  se- 
crétent. Ces  deux  substances  varient  par  leur 
arrangement  : elles  sont  tantôt  confondues,  tan- 
tôt séparées,  tantôt  en  masse,  et  tantôt  en  cou- 
ches. La  grise  occupe  la  partie  interne  de  la 
moelle  vertébrale,  toute  la  surface  interne  du 
cerveau  et  quelques  points  de  son  intérieur- 
ses  différens  amas  ont  été  nommés  ganglions. 
La  blanche  offre  une  disposition  presque  in- 
verse. 

2.  De  la  Moelle  èpini'ere. 

La  moelle  épinière  s’étend  depuis  le  trou  oc- 
cipital jusqu’à  la  première  ou  la  deuxième  ver- 
tèbre des  lombes , et  se  termine  par  la  queue  de 
cheval , nom  sous  lequel  on  a désigné  le  faisceau 
des  nerfs  lombaires  et  sacrés  formés  par  les  di- 
visions inférieures  de  la  moelle  épinière.  Un  sil- 


32 


Ion  antérieur  et  un  postérieur  divisent  cette 
moelle  en  deux  portions , unies  au  moyen  de 
libres  transversales  appelées  commissures.  On  la 
regarde  comme  une  suite  de  renflemens,  sépares 
par  un  nombre  de  rétrécissemens  égal  à celui  des 
paires  de  nerfs  qui  s’en  détachent.  Ces  neris 
doivent  leur  origine  à des  filets , dont  les  uns 
montent  et  les  autres  descendent.  Ils  portent  les 
noms  de  cervicaux,  dorsaux,  lombaires  et  sacrés, 

% 

suivant  les  régions  auxquelles  ils  appartiennent. 

3.  Du  Cervelet. 

Le  cervelet  occupe  les  forces  occipitales  inlé- 
rieures  et  postérieures , au-dessous  de  la  tente,- 
et  le  cerveau,  placé  immédiatement  au-dessus, 
remplit  le  reste  de  la  capacité  du  crâne  : l’un  et 
l’autre  sont  partagés  en  deux  hémisphères.  Le 
dernier  est  encore  subdivisé  en  quatre  lobes.  Le 
grand  renflement  occipital  (moelle  allongée)  leur 
donne  naissance. 

Deux  faisceaux  fibreux  ( processus  cerebelli 
ad  medullam ) sortent  de  scs  parties  latérales, 


s’enfoncent  dans  chaque  moitié  du  cervelet , et 
pénètrent  au  milieu  d’un  ganglion  (le  corps  ci- 
liaire).'Des  branches  nombreuses  partent  de  ce 
noyau  central  et  se  ramifient  de  tous  cotés;  leur 
section,  par  une  coupe  verticale,  donne  une  figure 
semblable  aux prolongemens  delà  substanceblan- 
che  du  cervelet  dans  la  substance  cendrée,  aux- 
quels les  anatomistes  ont  donné  le  nom  d’arbre 
de  vie.  Une  de  ces  branches  se  dirige  vers  la 
ligne  médiane,  se  joint  à celle  du  côté  opposé, 
et  concourt  à la  formation  de  la  partie  fonda- 
mentale de  l’organe. 

D’autres  cordons  primitifs  (les  éminences  oli- 
vaires  et  pyramidales)  naissent  aussi  de  la  moelle 
allongée,  montent  en  s’entrecroisant  jusqu’à  la 
protubérance  annulaire , se  plongent  dans  son 
intérieur,  sortent  de  là  considérablement  gros- 
sis, s’avancent,  sous  le  nom  de  pédoncules  du 
cerveau,  jusque  dans  les  couches  opticpies , et 
passent  ensuite  dans  les  corps  striés. 

Apres  avoir  traversé  ces  trois  ordres  de  f?an- 
glions  , ils  s’élargissent  en  faisceaux  de  grau- 


34 

(leur  variée;  et  sc  prolongeant  conséquemment  à 
des  distances  inégales , se  terminent,  sous  une 
couche  mince  de  substance  grise,  aux  différens 
points  de  périphérie  du  cerveau.  Les  circonvo- 
lutions de  ce  viscère  sc  trouvent  formées  par  ce 
simple  mécanisme  ; et  chacune  d’elles  est  par- 
tagée en  deux  couches  égales  réunies  au  moyen 
d’un  névrilème  muqueux  ou  d’un  tissu  cellulaire 
délié,  si  l’on  en  croit  G a 11,.  qui,  sur  ce  mode  de 
structure,  fonde  la  possibilité  de  leur  déplisse- 
ment : mais  si  l’on  s’en  rapporte  à M.  Cuvier, 
ces  couches  sont  liées  par  la  substance  nerveuse 
elle-même,  seulement  un  peu  ramollie. 

L’opinion  de  Gall  doit  être  ici  d’un  grand 
poids  - plus  heureux  en  anatomie  qu’en  crano - 
logie,  il  nous  a fait  rencontrer  des  découvertes 
qu’il  ignorait  et  que  ne  cherchaient  pas  les  ana- 
tomistes les  plus  habiles.  Nous  lui  devons  d’a- 
voir continué  la  dissection  du  cerveau  par  sa 
base,  qu’avait  commencée  Bartholin,  anato- 
miste célèbre  du  Dancmarck.  Cette  méthode 
est  bien  plus  facile  pour  suivre  les  développe- 


mens  et  la  formation  des  nerfs  dans  la  pulpe  cé- 
rébrale ainsi  renversée. 

Les  fibres  de  l’appareil  de  formation  du  cer- 
velet et  du  cerveau  ont  été  appelées  divergentes 
mais  il  en  est  de  convergentes , et  leur  ensemble 
constitue  un  appareil  de  réunion.  Ces  dernières 
naissent  toutes  de  la  circonférence  et  se  diri- 
gent vers  le  centre  de  la  masse  encéphalique. 
Celles  d’un  côté  se  continuent  avec  celles  de 
l’autre.  Toutes  les  parties  situées  sur  la  ligne 
médiane  du  viscère  cérébral , sont  le  résultat  de 
leur  jonction j et  portent  le  nom  général  de 
commissure.  Ce  terme  n’est  donc  plus  , comme 
auparavant,  restreint  à trois  petites  bandelettes 
nerveuses. 

Les  commissures  du  cervelet  sont  principale- 
ment le  pont  devarole,  et  les  valvules  comprises 
entre  les  prolongemens  qui  s’étendent  de  cet  or- 
gane aux  éminences  pyramidales  postérieures  et 
aux  tubercules  quadrijumeaux  ; et  celles  du  cer- 
veau sont  la  voûte  à trois  piliers , les  corps  fran- 
ges ? plusieurs  cordons  médullaires,  enfin  le 


3G 


corps  calleux , auquel  on  peut  rattacher  les  pieds 
d ippocampe  et  les  tubercules  appelés  ergots  ou 
éperons. 

Il  existe  d’autres  objets  dont  la  place  n’est  pas 
déterminée  dans  les  appareils  convergent  et  ren- 
trant; tels  sont  la  bandelette  demi-circulaire  et 
tous  les  entrelacemens  transversaux  des  centres 
de  renforcement. 

Tels  sont  de  petits  corps  composés  de  subs- 
tances grise  et  blanche.,  très  semblables  aux  gan- 
glions, parmi  lesquels  on  compte  les  tubercules 
quadrijumeaux  (source  présumée  des  nerfs  op- 
tiques), les  éminences  mamillaires,  et  les  glandes 
pinéale  et  pituitaire. 

Telle  est,  enfin,  la  cloison  transparente. 

Les  ventricules,  tapissés  par  une  membrane  ex- 
halante, prolongement  de  la  pie-mère,  paraissent 
le  résultat  de  l’écartement  des  dilférens  ordres 
de  fibres  cérébrales.  Les  deux  latéraux  et  celui 
du  septum- lucidum  vont  s’ouvrir  dans  le  troi- 
sième, entre  les  couches  optiques;  et  ce  dernier 
se  continue  avec  le  quatrième,  au  moyen  de 


37 

Vaqueduc  de  Sylvius . Tous  ne  forment  ainsi 
qu’une  seule  cavité. 

Douze  paires  de  nerfs  sortent  du  crâne  , pour 
se  rendre  aux  appareils  des  sens  et  à plusieurs 
autres  encore.  Elles  viennent  presque  toutes  de 
la  moelle  allongée , ou  de  la  moelle  épinière; 
car,  à l’exception  de  la  première,  nulle  ne  paraît 
naître  directement  du  cerveau.  Il  est  présu- 
mable que  chacune  tire  son  origine  d’un  noyau 
de  substance  grise,  et  que  chacune  a sa  com- 
missure. Ces  deux  faits  sont  démontrés,  au  moins 
pour  plusieurs  d’entr’ellcs.  Le  deuxième  semble- 
rait, d’après  M.  Cuvier,  aider  à expliquer  l’unité 
d’action  des  organes  doubles. 

Cette  nouvelle  méthode  pour  décrire  les  par- 
ties cérébrales,  présente  sans  doute  un  but  très 
physiologique;  elle  tend  à faire  connaître  leurs 
connexions  réciproques , et  peut  vraisemblable- 
ment conduire  à des  vues  nouvelles  sur  leurs 

* 

usages. 

M.  Laurencet  s’y  prend  d’une  autre  manière 
pour  disséquer  le  cerveau.  Il  pose  ce  viscère  sur 


38 


sa  face  convexe,  sa  petite  pointe  regardant  celui 
qui  l’examine;  il  détaclie  le  lobe  moyen  du  pé- 
doncule cérébral,  en  passant  entre  deux  le  scal- 
pel,* il  prolonge  cette  incision  tout  le  long  du 
sillon  externe  de  Sylvius , jusque  dans  la  ca- 
vité digitale,  située  au  fond  du  lobe  postérieur; 
il  ouvre  ainsi  le  sinus,  où  se  trouvent  logées  la 
partie  inférieure  du  ventricule  latéral  et  l’extré- 
mité postérieure  de  la  partie  supérieure  du  meme 
ventricule. 

Cela  fait,  M.  Laurencet  renverse  l'un  sur 
l’autre  et  en  arrière  les  deux  lobes  moyens , en 
évitant  de  trop  les  tirailler,  ce  qui  ferait  rompre 
les  piliers  postérieurs  de  la  voûte. 

Toujours  en  soulevant  le  cervelet,  cet  ana- 
tomiste fait  une  autre  incision  dans  la  partie 
latérale  du  lobe  antérieur , en  commençant 
en  arrière  et  en  dessous  de  la  couche  optique , 
jusques  en  avant  à la  pointe  de  ce  lobe,  sans 
néanmoins  le  séparer  entièrement  ; puis  il  ren- 
verse en  avant  tout  ce  qui  faisait  la  base  du 
cerveau  et  occupait  les  trois  fosses  de  la  base 


du  crâne.  La  membrane  cérébrale  qui  était  pliée 
en  cinq,  ne  se  trouve  plus  qu’en  deux  doubles  ; 
mais  il  n’est  pas  nécessaire  de  dé/aire  ce  der- 
nier pli  pour  s’en  rendre  compte.  On  peut  ce- 
pendant y parvenir  quand  le  cerveau  est  un  peu 
ferme;  il  ne  s’agit  pour  cela  que  de  détacher,  en 
coupant  le  septum  lucidum  et  les  piliers  anté- 
rieurs, la  voûte  qui  est  fixée  au  corps  calleux , 
puis  la  corne  d’Ammon , et  de  rejeter  le  tout  en 
arrière;  alors  toute  la  surface  du  cerveau  re- 
garde la  table  sur  laquelle  on  opère , et  l’inté- 
rieur de  i’organe,  que  l’on  peut  parcourir  suc- 
cessivement, est  entièrement  développé  sous 
les  yeux  de  l’observateur. 

Voilà  ce  que  M.  Laurencet  nous  dit  de  sa 
méthode,  que  nous,  trouvons  préférable  à celles 
qui  l’ont  précédée,  en  ce  que  l’on  peut,  par  elle, 
déployer  entièrement  le  cerveau  et  le  replier  en- 
suite sans  entamer  sa  substance,  ce  qui  est  très 
essentiel  pour  examiner  isolément  les  parties  in- 
nombrables de  ce  viscère,  auxquelles  on  a donné 
les  noms  les  plus  bizarres. 


4.  Produit  de  l'analyse  du  cerveau  par 


M.  D auquel  lu. 

Eau.  80,100 

Matière  grasse  blanclie 4?  4^ 

rouge o,  70 

Osmazome 12 

Albumine 7 ; 00 

Phosphore.  1 > 


Soufre \ 

Phosphate  acidulé  de  potasse.  . F ^ ^ 

Phosphate  de  chaux  et  de  ma-  / 

gnésie J 

Un  atome  de  sel  marin. 

Total 100,  00 

5.  De  la  Sensibilité  du  cerveau. 

Peu  sensible  à sa  circonférence,  le  cerveau  pa- 
rait l’être  beaucoup  vers  sa  base.  La  diminution 
de  son  volume,  dans  les  commotions  violentes, 
indique  que  cet  organe  jouit  aussi  d’un  certain 
degré  de  tonicité.  Que  l’on  exerce,  par  un  moyen 
quelconque , une  pression  sur  le  cerveau , on  dé- 


4i 

trait  la  sensation  dans  tous  les  nerfs  qui  sont  en 
communication  directe  avec  ce  viscère  , quoi- 
qu’ils n’aient  eux-mêmes  éprouvé  aucune  lésion  ; 
mais  faites  cesser  la  pression  cérébrale  , la  faculté 
de  sentir  se  rétablit  aussitôt. 


I 


v 


3 


$3©  -r  «C^  r&.  '■*£=(  o^  °£3;' 


CHAPITRE  II. 

I.  De  T Appareil (i)  des  sens  destiné  à recevoir 
les  impressions  externes. 

Malgré  les  découvertes  plus  ou  moins  in- 
génieuses des  Vésale , des  \\  illis,  des  Vieus- 
sens  , des  Winslow , des  Bichat,  des  Gall , 
des  Legallois,  etc.,  nous  sommes  porté  à croire 
qu’il  n’existe  qu’un  système  nerveux  dans  l’écono- 
mie animale.  En  effet , le  nerf  grand  sympa- 
thique (2)  dont  on  veut , à toute  force , faire  un 

/ 

(1)  Assemblage  d’organes  dont  le  but  est  de  concou- 
rir à l’exercice  d’une  même  fonclion;  ainsi  la  trachée- 
artère,  le  poumon  et  sa  membrane,  forment  l’appareil 
de  la  respiration , etc. 

(2)  Ce  nerf,  ainsi  nommé  par  Winslow , et  que 
Chaussier  appelle  trisplanch nique , à cause  des  trois 
sortes  de  viscères  auxquels  il  envoie  des  rameaux,  est 
cette  série  de  ganglions  et  de  filets  de  communication 
qui  s’étendent  le  long  de  la  colonne  vertébrale  depuis 
le  col  jusqu’au  bassin. 


3.. 


système  nerveux  distinct , ne  prend-il  pas  nais- 
sance dans  la  moelle  épinière  , et  cette  dernière 
n’est— elle  pas  la  suite , la  continuation  de  la  moelle 
allongée , qui  est  la  réunion  de  toutes  les  parties 
blanches  ou  médullaires  que  Ton  aperçoit  à la  base 
de  r encéphale  ? N’y  a-t-il  pas  d’ailleurs  une  iden- 
tilé  parfaite  entre  la  substance  médullaire  des 
nerfs  et  celle  du  cerveau  ? 

Qu’on  nous  cite  maintenant  un  nerf  qui  ne  soit 
pas  fourni  par  un  autre  nerf  dépendant  du  cer- 
veau , et  nous  admettrons  la  division  qui  a été 
établie. 

Les  nerfs  cardiaques,  les  grands  et  petits  splanch- 
niques , le  ganglion  semi-lunaire , le  plexus  so- 
laire, le  rénal,  les  ganglions  lombaires  et  sacrés, 
ne  naissent-ils  pas  des  différentes  portions  du  tri- 
splanchnique  ? et,  encore  une  fois,  ce  dernier  n’est- 
il  pas  une  production  cérébrale  ? 

Parce  que  la  branche  nerveuse  , dite  ophthal- 
mique,  est  une  des  divisions  des  nerfs  triju- 


meaux , clic  ne  sera  pas  considérée  comme  une 
dépendance  du  cerveau  ? 

Allons  plus  loin.  Tl  est  convenu,  et  meme  cons- 
tant, que  les  artères  naissent  des  ventricules  du 
cœur  ; eh  bien  ! les  artères  coronaires , par  exem- 
ple, qui  sont  fournies  par  la  portion  ascendante 
de  l’aorte  , qui  naît  de  la  base  du  ventricule 

t 

gauche  du  cœur,  ne  seraient  donc  pas  considé- 
rées comme  provenant  de  cet  organe. 


On  aura  beau  nous  dire  que,  dans  certains  ani- 
maux , il  y a des  nerfs  sans  cerveau  ; que  les  acé- 
phales sentent  et  se  meuvent,  etc.  , nous  répon- 
drons à ces  objections  que  nous  ne  croyons  pas 
que  l’organe  de  toute  sensation  et  de  tout  mou- 
vement volontaire  soit , dans  tous  les  animaux  , 
borné  à l’ensemble  de  la  substance  nerveuse  ren- 
fermée dans  le  crâne.  Cet  organe  , quclqu  imper- 
ceptible  qu’il  soit,  existe  toujours,  selon  nous,  et 


ailleurs  que  dans  le  crâne,  dans  quelques  classes 
d animaux  d un  ordre  très  inférieur.  Gardons-nous 
de  croire  qu’une  chose  n existe  pas  , par  cela  seul 


que  nous  ne  pouvons  la  voir.  Tout  a une  origine  ; 
ii  s'agit  de  la  découvrir.  Il  n’est  point  d’acépha- 
les, proprement  dits,  quoi  qu’en  disent  quel- 
ques écrivains  célèbres.  La  plus  petite  parcelle 
nerveuse  peut  servir  de  cerveau,  et  toutes  les 
expériences  faites  sur  des  Lortues  et  des  pigeons , 
par  Duvernoy  et  autres,  prouvent  seulement  qu  on 
n’avait  réellement  pas  enlevé  le  cerveau  de  ces 
animaux , puisque  ces  derniers  continuaient  a 
faire  toutes  leurs  fonctions  ; on  avait  pu  les  priver 
d’une  partie  nerveuse  qui  n’était  pas  la  source 
primitive  des  organes  des  sens  et  du  mouvement. 

Rendons  grâces  aux  anatomistes  qui , sous  d’au- 
tres rapports,  ont  fait  faire  de  si  grands  pas  à la 
science  j mais  simplifions , s’il  est  possible  , l’étude 
de  l’organisation  humaine.  Les  sciences,  en  acqué- 
rant trop  de  développement  et  de  surface,  peu- 
vent quelquefois  perdre  de  leur  solidité  et  de 
leur  profondeur. 

Les  nerfs  sontdes  organes  exclusifs  de  la  sensi- 
bilité ; ceux  des  sens,  proprement  dits , viennent 
directement  du  cerveau  et  de  la  moelle  épinière  ; 


47 

ils  sont  spécialement  chargés  de  recevoir  les  im- 
pressions externes.  De  ce  nombre  sont  les  organes 

immédiats  de  la  vue,  du  goût,  de  l’odorat,  de 
l’ouïe , du  loucher. 

Les  nerfs  de  l’œil  et  de  ses  dépendances  , sont 
1 oculaire  y Y oculo-musculaire  commun,  Yoculo- 
musculaire  interne , Y oculo-musculaire  externe  , 
et  l’ orbito-palpébral.  Ces  nerfs , que  le  cerveau 
fournit  à l’œil , ne  sont  point  les  seuls  que  cet  or- 
gane reçoive  ; le  IHsplanchnique  lui  en  fc  .mit 
aussi.  Aucun  anatomiste  n’en  parle  ; c’est  Chaus- 
sierqui  , le  premier,  a fait  connaître  cette  disposi- 
tion-, qu’avait  cependant  pressentie  Petit  de  Na- 
niur. 

La  langue,  organe  spécial  du  goût,  présente 
trois  nerfs  principaux , qui  sont  le  rameau  lingual 
de  la  cinquième  paire , Y hypoglosse  et  le  glosso - 
pharyngien,  quelques  filets  venant  du  maxillaire 
supérieur,  du  ganglion  sphéno-palalin  ou  naso- 
palatin  de  Scarpa. 

11  paraît  que  c est  surtout  dans  le  rameau  lin- 
gual et  le  grand  hypoglosse  que  gît  le  goût , puis- 


que  la  section  de  ces  deux  parties  nerveuses  en- 
traîne également  la  perte  de  ce  sens. 

L7odorat  a lieu  dans  les  fosses  nasales  et  la 
membrane  pituitaire  qu’elle  revêt,  par  quelques 
branches  venant  du  maxillaire  supérieur,  et  par- 
ticulièrement par  le  nerf  olfalctif , qui  lire  son 
nom  à1  olfactus , ou  qui  appartient  à l’odorat. 

L’ouïe  est  placée  immédiatement  dans  le  vesti- 
bule , le  limaçon  et  les  canaux  demi-circulaires 
(parties  de  l’oreille  interne).  Ce  sens  ne  reconnaît 
d’autre  ressort  que  le  nerf  auditif,  dont  les  ra- 
meaux se  distribuent  aux  parties  de  l’oreille  in- 
terne que  nous  venons  de  nommer. 

Le  toucher  réside  notamment  dans  la  peau, 
membrane  formée  de  deux  feuillets , l’épiderme 
et  le  derme.  Les  nerfs  que  la  peau  reçoit  sont 
plutôt  des  extrémités  nerveuses,  sous  forme  de 
papilles , qui  ne  fondent  pas  un  système  nerveux 
spécial , mais  qui  proviennent  des  mêmes  centres 
que  ceux  qui  se  distribuent  aux  organes  des  mou- 
vcmens  volontaires. 


49 

2.  Del  appareil  des  sens  destiné  a recevoir  les 
impressions  internes.  Les  nerfs  qui  composent 
l’appareil,  dont  il  s’agit  dans  cet  article,  sont  ceux 
qui  se  terminent  dans  la  profondeur  des  viscères. 

Nous  citerons  seulement  les  deux  plexus  pul- 
monaires q ui  naissent  du  nerf  vague  ou  pneumo- 
gastrique , et  sont  destinés  à la  membrane  et  aux 
glandes  muqueuses  des  poumons.  Nous  croyons 
inutile  de  citer  ici  ceux  des  appareils  digestif, 
génital,  etc. 


3.  De  t appareil  des  sens  destiné  a transmettre 
les  impressions  internes.  Les  rameaux  nerveux  qui, 
provenus  des  ganglions , vontse  distribuer  aux  dif- 
fère™ viscères  de  la  digestion,  etc.  Notre  opinion 
est  que  les  extrémités  des  nerfs  reçoivent  les  im- 
pressions que  ceux-ci  transmettent  par  leurs  anas- 
tomoses ou  communications  au  siège  de  la  per- 
ception des  sensations , qui  est  le  cerveau. 

« Le  besoin  de  respirer,  dit  M.  Broussais , est  le 
résultat  d une  impression  interne  qui  réside  dans 
la  membrane  muqueuse  pulmonaire  ; il  est  trans- 


5o 

mis  au  cerveau  par  le  nerf  de  la  huitième  paire , 
qui  a des  expansions  dans  celle  membrane.  Le 
point  du  cerveau  qui  le  reçoit  est  celui  où  ce  nerf 
aboutit , c’est-à-dire , la  partie  supérieure  de  la 
moelle  allongée , et  c’est  aussi  de  là  que  part  la 
volition  qui  met  en  contraction  les  muscles  dila- 
tateurs de  la  poitrine.  Mais  ce  n’est  pas  par  les 
nerfs  de  la  huitième  paire,  qui  ont  apporté  la  sen- 
sation du  besoin  de  respirer,  que  chemine  celle 
volition;  elle  parcourt  la  moelle  allongée, se  répand 
dans  la  moelle  épinière  , et , de  là  , dans  les  nerfs 
cervicaux  qui  vont  animer  les  muscles  dilatateurs 
de  la  poitrine  : ainsi  l’acte  de  T inspiration  est 
provoqué  par  une  sensation  ; le  point  d’où  naît  la 
huitième  paire  est  celui  où  aboutit  la  sensation 
du  besoin  de  respirer,  et  la  volition  qui  va  mettre 
en  activité  les  muscles  inspirateurs  descend  parla 
moelle  cervicale.  ( Journal  universel  des  Sciences 
médicales').  » 

Quoiqu’on  puisse  demander  à M.  Broussais  ce 
qu’il  en  sait , voilà  néanmoins  des  idées  séduisan- 
tes sur  le  mécanisme  de  la  respiration.  Nous  les 
devons  à un  médecin  militaire , qui,  avec  les  Cosle, 


les  Père  y,  les  Descend  tes , les  Larrey,  les  Cou- 
faneeau,  etc. , etc. , a porté  aux  confins  de  l’Eu- 
rope la  réputation  médicale  de  son  pays , comme 
les  guerriers, auxquels  ces  médecins  prodiguaient 
leurs  soins  généreux,  ont  su  y faire  arriver  la  gloire 
de  nos  armes.  Qu’on  ne  croie  cependant  pas  qu’en 
plaçant  M.  Broussais  au  nombre  des  plus  grands 
médecins  de  notre  époque,  qu'en  reconnaissant 
qu  il  a presque  changé  la  face  de  l’art  de  guérir, 
nous  cessions  d’im prouver  l’opinion  qu’il  a de  ne 
voir  que  les  solides,  et  les  altérations  dont  ils  sont 
susceptibles. 

Ce  serait  peut-ctre  le  cas  de  faire  mention  ici 
de  la  cause  qui  préside  à l’exercice  des  fonctions 
cérébrales. 

Mais  moins  hardi,  et  surtout  moins  pénétrant 
que  les  psychologistes , nous  nous  abstiendrons 
d entrer  dans  l’examen  des  phénomènes  de  la 
pensée.  Aucune  de  nos  facultés  intellectuelles  ne 
peut  s’expliquer  nettement  que  par  la  révélation. 
La  physiologie  n’y  peut  rien,  la  philosophie  non 


plus  , nous  entendons  la  philosophie  purement 
raisonneuse  qui  se  sépare  de  la  religion. 

Siquelque  chose  estprouvé  en  philosophie,  c est 
que  les  premières  vérités  ne  peuvent  être  ni  senties  y 
ni  démontrées . Leur  origine  est  donc  en  Dieu  , 
source  de  toutes  vérités,  ou,  pour  mieux  dire,  Ici 
vérité  meme. 

La  cessation  de  la  perception  et  du  mouvement 
que  produit  quelquefois  la  section  des  nerfs  qui 
unissent  les  appareils  de  la  locomotion  et  des  sens, 
ne  prouve  pas  que  l’intégrité  du  cerveau  3oit  in- 
dispensable pour  assurer  l’existence  des  actes  de 
l’entendement.  Nous  avons  vu  des  individus  qui 
ont  vécu  et  joui  de  toutes  leurs  facultés  intellec- 
tuelles, après  avoir  perdu  une  partie  plus  ou  moins 
grande  de  leur  cerveau. 

Le  siège  de  famé  est  entièrement  ignoré  ; elle 
est  partout,  comme  le  Créateur  du  monde  d’où 
elle  descend,  invisible  comme  lui,  comme  lui 
inaccessible  au  scalpel.  Ainsi  cest  lame  qui 
pense,  qui  voit,  qui  agit,  qui  veut,  qui  entend  , 


qui  est  libre,  qui sc  souvient,  qui  prévoit,  etc.  Elle 
n’est  point  corporelle  , elle  est  toute  divine  , et  il 
est  aussi  impossible  d’expliquer  l’existence  de  Dieu 
que  de  la  nier. 

i 

Prenons  la  mémoire,  pour  exemple  de  l’erreur 
des  philosophes.  Cond illac  regarde  cette  faculté 
comme  un  effet  de  l’habitude  que  le  cerveau 
( qu’un  célèbre  anatomiste  nomme  l’homme  inté - 
rienr)dL  contractée  d’exécuter  certains  mouvemens. 

N’est-ce  pas  là  un  premier  pas  vers  la  brute? 
L’habitude  facilite  bien  le  retour  d’une  série  d’ac- 
tes quelconques,  mais  ne  suffit  pas  pour  le  déter- 
miner. Nous  avons,  à coup  sûr,  n’en  déplaise  à 
ces  messieurs,  un  œil,  une  ouïe,  un  odorat,  etc., 
intérieurs. 

Nous  engageons  le  lecteur  à méditer  les  admi- 
rables chapitres  de  Saint  Augustin , sur  la  mémoire 
et  sur  les  autres  facultés  de  l’âme,  dans  les  derniers 
livres  de  ses  Confessions;  l’excellent  ouvrage  de 
M.  l’abbé  Montaigne,  sur  les  sourds-muets;  l'in- 
troduction à la  Philosophie,  de  M.  Laurentïe. 


Il  ne  nous  est  pas  plus  possible  d’expliquer  le 
mécanisme  des  sensations  que  les  effets  que  leur 
attribuent  les  philosophes. 

Toutes  les  idées  nous  arrivent  par  les  sens  , 
dit  Locke.  Les  organes  des  sens  frappés  par  les 
impressions  extérieures,  ajoutent  quelques  physio- 
logistes, s’en  emparent,  et  après  les  avoir  modifiées, 
les  confient  aux  nerfs  qui  les  transmettent  à l’en- 
céphale , comme  les  veines  transportent  au  cœur 
le  sang  contenu  dans  les  extrémités  capillaires  : 
mais  quelle  est  la  force  qui  pousse  ce  sang  ? 

Par  quel  mécanisme  les  nerfs  remplissent-ils 
leur  double  emploi  ? est-ce  par  une  sorte  d’ébran- 
lement? mais  ces  cordons  ne  sont  pas  tendus.  Ou 
bien , comme  l'analogie  de  leurs  usages  avec  les 
deux  ordres  de  vaisseaux  sanguins  a pu  le  faire 
présumer,  est-ce  par  le  secours  d’une  espèce  de 
fluide  soit  électrique,  soit  galvanique,  sécrété  par 
lenévrélime(i)?  Mais  rien  n’en  démontre  Fexis- 


(i)  Espèce  de  tunique  membraneuse  qui  forme  un 


tence  malgré  la  supposition  de  M.  Cuvier;  et  celle 
existence  fut-elle  prouvée,  elle  n’expliquerait  rien 
encore,  et  ne  ferait  que  reculer  la  difficulté.  En 
effet,  comment  ce  fluide  agit-il  pour  déterminer 
les  opérations  de  l’entendement?  Ne  peut-on  pas 
aussi  bien  se  demander  comment  les  sensations 
agissent-elles  ? Toutefois  il  se  passe  probablement 
dans  le  cerveau,  quand  il  est  en  activité,  un  chan- 
gement d’état,  peut-être  une  série  quelconque  de 
mouvemens  inappréciables. 

11  en  est  de  même  de  la  conscience,  du  libre- 
arhire ; il  faut  le  croire,  parce  qu’il  nous  est  révélé 
et  non  parce  qu’on  le  sent.  Il  y a grand  nombre 
de  gens  qui  sentent  qu’il  n’y  a pas  de  conscience, 
et  qui  se  conduisent  en  conséquence. 

lousles  philosophes  des  écoles  modernes  ont 
pris  pour  base  de  leurs  raisonnemens  un  homme 
philosophique , cest-à-dire  isolé , qui  n’a  jamais 

véritable  canal  pour  chacun  des  nerfs.  Bicliat,  et  avant 
lui  Red,  en  ont  démontré  l’existence,  mais  ne  nous 
ont  rien  appris  sur  sa  nature  intime. 


5G 


existé.  L’intelligence  de  l’homme  se  développe 
par  la  parole , parce  qu’il  est  impossible  de  le  con- 
cevoir autrement  que  comme  être  social.  Suppo- 
sez-le  seul,  sans  rapport  avec  ses  semblables  ; ses 
sens,  loin  de  développer  son  intelligence,  nel’élc- 
veront  pas  même  à l’instinct  de  l’animal,  parce 
que  l’instinct  de  la  brute  est  dans  Y ordre  de  la 
création,  et  que  l’homme  isolé  n’y  est  pas.  Nous 
prions  encore  le  lecteur  de  voir  sur  ce  point  l’ou- 
vrage très  curieux  et  très  instructif  de  M.  l’abbé 
Montaigne,  sur  les  sourds-muets. 

Ainsi  Locke,  Condiliac,  comme  tous  les  philo- 
sophes que  l’on  nomme  sensualistes , par  opposi- 
tion à ces  autres  insensés  que  l’on  appelle  spiri- 
tualistes, etc. , ont  cherché  la  vérité  hors  du  chris- 
tianisme, c’est-à-dire  là  où  elle  n’est  pas.  Cette 
philosophie  cartésienne  est  certainement  ce  que 

’ i 

l’esprit  humain  a produit  de  plus  faux.  Elle  tombe 
maintenant  de  toutes  parts  dans  le  mépris,  et  on 
la  ruine  de  fond  en  comble. 


CHAPITRE  III. 

i.  Réaction  du  Physique  sur  le  Moral. 

« On  peut  , dit  un  savant  publiciste,  conce- 
voir F influence  de  l’organisation  sur  l’âme,  en 
se  rappelant  le  besoin  qu’elle  a des  organes  pour 
atteindre  sa  félicité.  Si  les  fonctions  de  la  vie  phy- 
siologique deviennent  pénibles,  contraintes,  em- 
barrassées , lame  ne  trouve  plus  dans  le  cerveau 
qu’un  instrument  rebelle  à ses  désirs,  et  un  senti- 
ment de  tristesse  morale  doit  accompagner  le  dé- 
rangement de  la  santé.  Ainsi,  la  cause  de  la  mé- 
lancolie peut  être  matérielle,  comme  celle  de  la 
gaîté  peut  être  également  matérielle  par  la  raison 
contraire.  » 

Le  physique  influe  donc  sur  le  moral  ou  le  corps 
sur  1 esprit,  ou  enfin  tous  les  organes  sur  le  cer- 
veau, organe  spécial  de  la  pensée  et  de  la  volonté. 
C’est  une  vérité  palpable  pour  les  personnes  qui  se 
connaissent  le  moins.  S’il  n’en  était  pas  ainsi  . 


58 


l'homme  le  plus  obscur  ne  saurait  nous  expliquer, 
plus  ou  moins  bien,  les  effets  des  tempéramens, 
de  l’âge , du  sexe  , d’un  régime  bon  ou  mau- 
vais, etc. , sur  les  fonctions  de  l’encéphale,  sur  la 
détermination  des  penchans,  sur  la  naissance  des 
habitudes,  etc. 

2.  Des  Réactions  morales  sur  le  physique. 

« L’âme,  à son  tour,  continue  M.  Àlletz,  peut 
réagir  sur  les  organes.  Sa  joie  intellectuelle  ra- 
nime la  langueur  de  l’économie  animale  ; son 
ardeur  imprime  au  sang  inactif  un  véritable  mou- 
vement , et  sa  constance  réfléchie  triomphe  de  la 
faiblesse  des  organes  qui  l’enveloppent.  C’est  là 
vraiment  ce  qu’il  faut  nommer  le  caractère. 
Avoir  du  caractère , c’est  demeurer  volontaire- 
ment fidèle,  dans  la  pratique  de  la  vie,  aux  règles 
de  conduite  adoptées  par  notre  raison.  L’homme 
de  caractère,  c’est  Caton,  dont  l’âme  , au  milieu 
de  l’univers  dompté,  demeure  seule  invincible. 
C’est  l’homme  de  bien  que  les  débris  du  monde 
écraseraient  lavant  de  l’avoir  fait  pâlir.  11  faut 


donc  reconnaître  à-la-fois  l’empire  qu’exercent 
sur  notre  aine  nos  organes  formés  , au  moment 
de  la  naissance,  d’une  certaine  manière,  et  la 
réaction  ultérieure  que  produit  sur  ces  organes 
le  développement  de  l’intelligence.  » 

Les  matérialistes  attribuent  tout  à la  nature. 
Voyons  d’abord  ce  qu’ils  entendent  par  ce  terme. 
Les  uns  en  font  leur  Dieu  unique;  les  autres  la  puis- 
sance créatrice  de  l’univers;  ceux-ci  l’ensemble 

/ 

des  êtres  créés;  ceux-là  l’ordre  éternel  ou  âme 
du  monde.  Tous  n’admettent  point  d’âme,  mais 
bien  une  mécanique  capable  de  se  soutenir  d’elle- 
même,  et  qui  ne  cesse  d’exister  que  lorsque  les 

9 

rouages  sont  usés.  Mais  par  qui  et  comment  cette 
machine  a-t-elle  été  formée,  où  est  son  régula- 
teur ? Nous  savons  de  quelle  manière  se  fait  une 
horloge  et  par  quels  moyens  ses  mouvemens  s’en- 
tretiennent; mais  dites-nous,  philosophes  de  tou- 
tes les  sectes,  où  est  le  premier  moteur  de  la  pen- 
dule humaine  ? 

^ ous  le  sentez,  vous  le  voyez  même;  mais  vous 


4.. 


Go 

n’osez  en  convenir , parce  qu’il  vous  faut  une  cé- 
lébrité. Vous  avez  beau  faire,  il  existe  un  principe 
spirituel,  qui  est  Dieu , et  cette  nature  que  vous 
expliquez  de  tant  de  manières  diverses , n’est  que 
l’émanation  de  ses  décrets  éternels. 

/ 

L’homo  duplex  existe  donc  : nous  avons  donc 
une  âme,  et  un  Dieu  qui  la  dirige. 

Revenons  maintenant  au  véritable  but  de  cet 
article,  et  prouvons,  par  quelques  faits  frappans, 
que  le  moral,  à son  tour,  est  susceptible  d’in- 
Üuencer  le  physique. 


Un  entrepreneur  de  bâtimens  qui  réunissait 
toutes  les  apparences  d’une  santé  parfaite,  apprend 
brusquement  que  sa  fortune  va  s’écrouler  par 
suite  d’une  banqueroute  considérable.  Il  tombe 
et  meurt.  On  l’ouvre,  on  cherche  dans  toutes  les 
cavités  les  causes  d’une  fin  aussi  subite  ; rien  ne 
se  présente  à l’habileté  du  scalpel  auquel  on  a eu 


recours. 


Gi 


Un  médecin,  dont  noire  pays  s’honore,  arrive 
au  milieu  de  quelques  braves  que  le  fer  des  Mu- 
sulmans n’avait  point  intimidés  , mais  que  la 
frayeur  inspirée  par  la  peste  est.  près  de  moisson- 
ner. L’illustre  Desgenettes  imprime  à leur  esprit 
une  autre  direction,  et  fait  ainsi  sortir,  de  leur 
ame,  l’idée  du  danger,  qu’ils  ne  redoutaient  que 
parce  que  les  guerriers  de  la  France  préfèrent 
mourir  les  armes  à la  main. 

Un  chevalier  qui  n’est  ni  sans  peur , ni  sans  re - 
proche y est  violemment  tourmenté  par  la  crainte 
de  perdre  un  emploi  lucratif,  parce  que,  dit-il , 
d est  depuis  long- temps  souffrant  des  nerfs , et 
que  les  médecins  les  plus  distingués  de  la  capitale 
n’ont  pu  changer  sa  constitution,  qui  est  prédis- 
posée aux  ébranlemens  du  système  sensible;  aussi- 
tôt une  débilité  générale  se  manifeste  dans  les  or- 
ganes circulatoires,  le  sang  arrive  à peine  aux 
vaisseaux  capillaires , la  face  devient  pâle  ; les 
étouffemens,  l’oppression  et  d’autres  phénomènes 
attestent  que  la  respiration  est  gcnce,  la  digestion 
interrompue,  etc.  Le  médecin,  nouvellement 


appelé,  s’empare  de  l’esprit  du  malade,  le  rassure, 
et  lui  annonce  que  dans  trois  mois  il  reprendra  ses 
fonctions  pour  ne  plus  les  quitter,  et  qu’en  consé- 
quence il  conservera  sa  place. 

Cet  officier  supérieur,  par  son  grade,  continue 
de  servir  très  activement  , élève  des  maisons  en 
France  au  lieu  de  bâtir  des  châteaux  en  Espagne, 
et  rien  n’annonce  qu’il  soit  menacé  de  retomber 
dans  le  même  état  de  maladie,  puisqu’il  y a plus 
de  trois  ans  que  ce  fait  a eu  lieu,  et  que  ce  servi- 
teur , quoique  faible , n’a  encore  éprouvé  aucun 
symptôme  nerveux.  C’est  ainsi  qu’on  magnétise 
l’imagination  d’un  homme  pusillanime. 

Le  jeune  militaire  nouvellement  arraché  aux 
foyers  paternels,  aux  habitudes,  aux  inclinations 
de  son  enfance,  aux  tendres  penchans  de  la  nature, 
regrette  les  lieux  qui  l’ont  vu  naître,  alors  même 
çppq  Es  a quittes  volontairement,  toutes  ses  idees 
se  réunissent  sur  un  seul  objet,  il  11e  songe  qu  au 
pays  natal,  le  désir  d’y  retourner  l’enflamme,  ir- 
rite son  imagination,  et  l’impossibilité  de  satisfaire 


03 

ce  besoin  impérieux,  développe  en  lui  la  cruelle 
maladie , dite  nostalgie. 

L’art  combat  vainement  la  nostalgie , elle  mois- 
sonne une  foule  de  sujets  ; il  n’est  qu’un  seul 
moyen  auquel  elle  cède  momentanément,  c’est  la 
permission  de  revoir  ses  loyers,  et  souvent  le  nos - 
t algique  est  à peine  en  route  qu’il  a recouvré  la 
santé.  Nous  avons  eu  occasion  d’observer  un  grand 
nombre  de  nostalgiques , et  nous  les  avons  vus 
maigrir,  se  miner,  s’éteindre  insensiblement  sans 
que  rien  pût  prendre  le  moindre  ascendant  sur 
eux  : tout  leur  moral  était  affecté,  et  la  plaie  pro- 
fonde faite  à leur  cœur  ne  pouvait  se  cicatriser; 
il  semblait  meme  que  tous  les  moyens  de  distrac- 
tion, auxquels  nous  avions  recours,  ne  donnassent 
que  plus  d activité  à leur  humeur  sombre;  et 
lorsque  nous  les  quittions,  ils  retombaient  dans  une 
mélancolie  qui  absorbait  toutes  leurs  facultés. 
Abandonnes  à eux-memes,  ils  éprouvaient  de 
bien  plus  terribles  angoisses. 


: , > • r . . , • : 


CHAPITRE  IV. 


Connexions  intimes  de  l notion  cérébrale  avec 
les  J onctions  d organisation  et  de  reproduc- 
tion. 

Le  cerveau  est,  comme  nous  l’avons  dit,  le  cen- 
tre primitif  de  tous  les  phénomènes  de  la  locomo- 
tion. La  volonté  est  excitée  par  le  jugement  et  les 
passions;  la  volition  est  le  résultat  de  son  exer- 
cice, et,  transmise  par  les  cordons  nerveux,  elle  est 
exécutée  par  l’appareil  musculaire.  Tous  les  mou- 
vemens  ont  pour  but  l'entretien  de  nos  relations 
avec  les  objets  extérieurs , la  conservation  de  l’in- 
dividu ou  celle  de  l’espèce;  ainsi,  tantôt  ils  se  rap- 
portent aux  actes  de  l'intelligence , tantôt  aux 
déterminations  instinctives. 

i ° L action  cerebrale  est  liee  avec  la  digestion  , 
puisque  la  section  de  la  paire  vague  affaiblit  les 
forces  digestives,  puisque  des  dissections  fréquen- 
tes ont  fait  voir  une  correspondance  réciproque 


entre  les  maladies  du  bas-ventre,  et  les  altérations 
du  produit  des  facultés  mentales. 

2°  L’action  cérébrale  est  unie  avec  les  mouve- 
mens  respiratoires,  puisqu’une  lésion  du  nerf  va- 
gue ou  du  nerf  diaphragmatique  les  fait  dispa- 
raître. 

3°  L’action  cérébrale  est  intimement  liée  avec 
la  circulation  puisqu’en  interrompant  leurs  rela- 
tions on  suspend  l’une  et  l’autre  à-la-fois;  les  batte- 
mens  du  coeur  cessent  par  une  blessure  de  la  partie 
supérieure  de  la  moelle  épinière  ; la  ligature  des 
artères  carotides  et  des  vertébrales , est  suivie  de 
la  mort  la  plus  prompte  ; l’alllux  plus  abondant 
du  sang  artériel  vers  la  tête  développe  les  opéra- 
tions de  l’intelligence. 

4°  L’action  cérébrale  a des  rapports  particu- 
liers avec  la  génération  : ainsi , lors  de  certaines 
époques,  le  développement  du  système  repro- 
ducteur , créant  un  nouvel  ordre  de  sensations  , 
entraîne  des  changemens  remarquables  dans  les 


G 7 

dispositions  morales,  comme  dans  la  constitution 
physique. 


Enfin,  l’action  cérébrale  est  nécessaire  aux  sé- 

\ 

çrétions,  à la  nutrition,  à la  calorification  , et  se 
rattache  d une  manière  générale  à l’organisme 
animal:  les  passions  violentes  , les  méditations 
profondes  , se  peignent , en  effet , par  des  signes 
manifestes  dans  tout  1 individu  • la  cessation  su- 
bite de  tous  les  phénomènes  vitaux  est  la  suite 
d’une  apoplexie  foudroyante  : les  acéphales  ne 
pourraient  donc  subsister. 

Nous  avons  successivement  examiné  l’appareil 
renfermé  dans  le  crâne  et  dans  le  canal  verté- 
bral, etc.  ; mais  le  cerveau  serait-il  partagé  en 
plusieurs  départemens  organiques,  suivant  l’in- 
génieuse expression  de  Bordeul  et  serait-ce  sur 
chacune  des  divisions  de  ce  viscère  que  le  prin- 
cipe intellectuel  agirait  tour— à— tour  pour  dé- 
cider les  différens  actes  de  la  pensée  ? Celle  hypo- 
thèse appartient  à des  physiologistes  du  premier 
oi dre,  et  nest  point  entièrement  dépourvue  de 


G8 


< 


vraisemblance.  Elle  peut,  au  moins,  faciliter  l’ex- 
plication de  certaines  aliénations  mentales,  limi- 
tées à une  série  particulière  d’idées  ; de  certains 
phénomènes  partiels  de  l’intelligence  (comme  les 
rêves,  le  somnambulisme  ) ; enfin,  de  cette  espèce 
de  délassement  qui  suit  le  changement  de  médi- 
tation, et  qui  semble  indiquer  le  changement  de 
siège  du  travail  de  l’esprit.  Peut-être  aussi  la 
multiplicité  des  fonctions  cérébrales,  et  la  diffé- 
rence d’énergie  de  chacune  d’elles  , se  conce- 
vraient-elles mieux  par  l’existence  de  la  pluralité 
des  portions  organiques,  et  par  leurs  divers  degrés 
de  dével  oppement . 


Ces  subdivisions  de  l’encéphale  n’excluraient 

toutefois  pas  l’unité  de  son  action  : ainsi  une  vie 

s’exerce  bien  avec  plusieurs  appareils,  et  une  seule 

volonté  avec  les  nombreux  instrumens  de  la  loco- 
* / 
motion. 


Peut-être  les  parties  cérébrales  nous  laisseront- 
elles  un  jour  apercevoir  leurs  différens  usages , et 
si  chacune  d’elles  remplit  une  destination  parti- 


culière.  Le  Créateur,  qui  ne  fait  rien  en  vain  , au- 
rait-il mis  inutilement  tant  d’art  dans  la  forma- 
tion du  cerveau?  aurait -il  déployé,  dans  la 
structure  de  ce  viscère , un  arrangement  si 
varié,  sans  attacher  aucun  dessein  à chacune  des 
pièces  de  cette  savante  architecture?  mais  nous 
doutons  que  ces  usages  puissent  se  transmettre  à 
nos  sens  par  la  forme  différente  des  protubérances 
du  crâne. 


CHAPITRE  V, 

i ° Du  Sommeil. 

Nous  croyons  devoir  terminer  celle  premier 
partie  par  quelques  réflexions  sur  les  deux  phéno- 
mènes physiologiques  connus,  la  veille  et  le  som- 
meil , pendant  lesquels  le  cerveau  suspend  ou 
enouvelle  son  activité. 

La  cause  première  du  sommeil  nous  est  incon- 
nue. 11  s’annonce  par  des  bâillemens  et  des  pen- 
diculations.  Les  sens  externes  ne  tardent  pas  à 
s’endormir  successivement.  Les  causes  occasio- 
nelles  sont  les  fatigues  du  jour,  le  silence  de  la 
nuit,  l’absence  des  stimulans  externes,  et  la  pré- 
sence des  objets  propres  à émousser  nos  sensations. 
Le  goût,  l’odorat  et  la  vue  ne  sont  plus  excités  par 
les  stimulans  extérieurs  ; bientôt  après,  l’ouïe  et 
le  toucher  ne  repondent  plus  aux  impressions  qui 
les  frappent;  la  voix  et  le  mouvement  ont  aussi 


cessé  leur  action.  Les  articulations  se  sont  à 
moitié  fléchies,  et  l’individu,  replié  en  quelque 
sorte  sur  lui-même,  semble  ne  présenter  qu’une 
surface  plus  étendue  à l’attaque  imprévue  des 
objets  environnans. 

Les  différentes  fonctions  subissent  également 
des  changemens  dans  leur  activité . 

Le  sommeil  est  complet  quand  il  présente  l’en- 
semble de  tous  les  objets  que  nous  venons  d’indi- 
quer • et  partiel  seulement,  lorsque  tous  n’existent 
pas.  Dans  ce  dernier  cas,  la  voix,  Faction  mus- 
culaire , ou  plusieurs  actes  de  l’intelligence  , peu- 
vent continuer  à s’exécuter,  et  même  avec  un  sur- 
croît d'énergie  ; des  idées  se  reproduisent,  se  com- 
binent d’une  manière  variée;  et  de  là  naissent 
les  songes  dont  la  nature  est  sou  vent  modifiée  par 
les  sensations  internes,  émanées  des  organes  de 
la  digestion,  de  la  circulation,  etc.  Les  mou- 
vemens  du  corps  s’associent  souvent  au  travail  de 
\ l’esprit,  et  même  aux  accens  de  la  voix  et  de 


la  parole; et  cet  état  de  repos  incomplet  carac- 
térise le  somnambulisme  ; qui  n est  qu  une  folie 
incomplète. 

« Le  fou  y dit  encore  M.  Alletz  , et  avec  rai- 
son n’est  pas  séparé  entièrement  du  monde  exté- 
rieur ; il  reçoit  des  impressions  immédiates , mais 
il  les  confond  avec  les  images  de  sa  mémoire  ; il 
lait  un  mélange  bizarre  de  ses  sensations  et  de  ses 
souvenirs , et  son  âme  est  obligée  de  tirer  des  juge- 
mens  de  cette  combinaison  monstrueuse  qui  se 
renouvelle  et  se  diversifie  à chaque  moment.  Le 
somnambule  ne  reçoit  aucune  sensation  réelle; 
l’organe  intérieur  est  seul  éveillé  chez  lui , et  son 
intelligence  ne  peut  agir  que  sur  les  images  des 
sensations  passées.  Le  fou  habite  à-la-fois  deux 
mondes , et  sa  maladie  consiste  à ne  pas  les  dis- 
tinguer l’un  de  l’autre  ; le  somnambule  n’habite 
que  le  monde  de  son  cerveau,  et  son  état  est  le 
rêve  en  action 

» Si  1 ame  ne  demeure  pas  oisive  chez  l’homme 
qni  rêve.,  elle  doit  l’être  encore  moins  chez  celui 


74 

qui  parle,  marche  et  agit  en  rêvant.  Aussi  n’est-il 
pas  rare  de  trouver  les  traces  profondes  de  l’intel- 
ligence marquées  sur  les  faits  du  somnambu- 
lisme. » 

2.  De  la  veille.  Les  causes  de  la  veille  tiennent 
à l’impression  vive  des  sons  et  de  la  lumière,  aux 
excitations  internes,  enfin  à l’habitude,  à la  vo- 
lonté même , et  surtout  à la  réparation  des  forces 
physiques  et  morales  ; dans  ce  dernier  cas  , le  but 
du  sommeil  est  complètement  rempli. 

Les  sens  reprennent  successivement  leur  tra- 
vail en  suivant  un  ordre  à-peu-près  inverse  à 
celui  dans  lequel  ils  Font  abandonné. 

✓ 

L’âge  , le  sexe , le  tempérament,  les  habitudes , 
le  climat , la  saison,  etc. , font  varier  la  durée  du 
sommeil  et  de  la  veille. 

Sans  cesser  d’observer  cette  gravité  si  néces- 
saire dans  la  rédaction  d’un  livre  de  médecine  , 
ne  pourrions-nous  pas  , avec  une  espèce  de  jus- 


tcsse  , comparer  le  système  nerveux  à une  monar- 
chie constitutionnelle,  où  tout  se  passe  avec  ordre 
et  sans  confusion  de  pouvoirs  ? 

Le  cerveau  est  le  roi , et  cette  foule  d’autres 
organes  qui  lui  sont  soumis,  oiit  chacun  leurs  fonc- 
tions, qu’ils  remplissent  avec  exactitude  et  fidélité  ! 
Le  cœur , l’estomac  , les  poumons  occupent  les 
plus  hautes  fonctions  et  distribuent  les  rôles  secon- 
daires à des  employés  en  sous-ordre  , mais  tou- 
jours sous  la  surveillance  du  monarque  encépha- 
lique , que  la  Providence  soutient  ou  détrône  à 
son  gré  , dans  les  grands  comme  dans  les  petits 
états. 

Le  sujet  de  la  première  partie  de  cet  essai  pou- 
vait, sans  doute  , être  exposé  d’une  manière  plus 
étendue  ; mais  notre  but  était  plutôt  d’en  donner 
un  aperçu  que  d’entrer  dans  des  détails  qui  eus- 
sent demande  des  lumières  bien  supérieures  aux 
nôtres. 


' 

■ 

. • 

■ • 

• 

■ 

, 

DEUXIÈME  PARTIE. 


CONSIDÉRATIONS  GÉNÉRALES  SUR  LES  NÉVROSES. 

Dans  la  série  des  phénomènes  physiologiques 
que  le  Créateur  offre  au  médecin  , il  n’en  est  point 
de  plus  digne  d’attirer  son  attention , d’exciter  son 
zèle  et  de  commander  son  respect,  que  le  phéno- 
mène de  la  sensibilité  ; par  elle  tout  vit  dans  la 
nature,  depuis  la  mousse  jusqu’au  chêne,  depuis 
l’insecte  le  moins  pourvu  d’instinct  jusqu’à 
l'homme. 

Privés  de  cette  propriété  , entourés  d’agcns 
nuisibles , de  dangers  imminens  , nous  serions 
sans  cesse  exposés  à finir  noire  misérable  exis- 
tence. 


Savans  de  toutes  les  époques  et  de  toutes  les 
sectes!  retournez  donc  ainsi  votre  axiome  : Nihil 
est  in  sensu , quod  non  fuent  in  intelleclu , et 
contentez-vous  de  croire.  L âme  intelligente  est 
un  rayon  du  Créateur,  que  vous  ne  trouve- 
rez ni  dans  le  sensorium  commune , ni  dans  la 
glande  pinéale , ni  dans  la  protubérance  cé- 
rébrale , ni  dans  l’origine  de  la  moelle  allon- 
gée, ni  dans  les  entrailles.  Cette  âme,  que  le  phj- 
siologisme  place  si  bas,  n’est  point  subordonnée 
aux  sens , mais  elle  les  règle  comme  elle  dirige 
l’esprit. 

Les  nerfs  seraient  donc,  par  la  sensibilité  qu’ils 
possèdent  exclusivement , les  ressorts  les  plus  es- 
sentiels de  l’économie  animale , s’ils  ne  l’étaient 
déjà  par  leur  naissance , qu’ils  tiennent  du  roi  des 
organes(le  cerveau)  , et  l’influence  qu’ils  exercent 
sur  le  système  de  la  vie. 

Les  maladies  nerveuses  ont  reçu , des  auteurs 
qui  s’en  sont  spécialement  occupés  , différentes 
dénominations  qui  dérivent  des  parties  sur  les- 


79 

quelles  elles  se  sont  fixées  , des  fonctions  qu’elles 
troublent,  de  celles  qu’elles  abolissent,  ou  des 
phénomènes  qui  les  accompagnent.  De  là  , pour 
le  premier  cas,  l3 odontalgie , ou  la  douleur  qu’on 
rapporte  aux  dents;  V hystérie , ou  névrose  uté- 
rine ; la  sciatique , ou  affection  du  nerf  de  ce 
nom  , etc. 

Pour  le  second  cas,  la  diplopie,  ou  vue  double, 
la  dysécie , ou  audition  faible,  etc. 

Pour  le  troisième  , la  surdité  , la  paralysie. 

Pour  le  quatrième  enfin,  la  démence,  l’hydro- 
phobie,  etc. 

Les  affections  qui  nous  occupent  varient  con- 
sidérablement cl  intensité  , selon  le  tempérament 
de  chaque  individu  et  le  défaut  d’énergie  de  ses 
forces  , 1 âge  , le  sexe  , l’influence  des  saisons , la 
fréquentation  plus  ou  moins  prolongée  des  per- 
sonnes atteintes  de  ces  maladies , les  privations 


So 


qu’on  a éprouvées  , les  habitudes  , les  émotions, 
les  chagrins , etc. 

Les  observations  ont  constaté  que  les  personnes 
faibles  , d’une  constitution  nerveuse , à passions 
violentes  , étaient  les  plus  exposées  aux  maux 
dont  il  s’agit  ; que  les  femmes  , qu’un  médecin 
nomme  si  peu  galamment  de  véritables  machines 
à vapeurs  , en  étaient  plus  souvent  tourmentées  ; 
et  qu’en  général , tonte  tension  de  l’esprit  y pré- 
disposait d’une  manière  particulière,  de  même 
que  l’abus  des  liqueurs  spiritucuses  et  celui  des 
plaisirs  énervans.  C’est  ce  que  nous  examinerons 
plus  au  long  à l’article  suivant. 

On  a remarqué  également  de  la  différence  dans 
l’apparition  des  symptômes  principaux  des  mala- 
dies nerveuses.  Dans  les  unes  , la  douleur  et  la 
tension  se  développent  dès  leur  invasion.  Exem- 
ple , le  tétanos.  Dans  les  autres , comme  dans  la 
parai \sie,  ces  symptômes  manquent  entièrement. 

Dans  celles-ci  , la  sensibilité  est  exaltée  3 dans 


8x 


celles-là,  il  y a vraiment  atonie  de  cette  propriété, 
ce  qui  aurait  dû  engager  les  nosographes  à dis- 
tinguer les  maladies  du  système  nerveux  en  sthé- 
niques, ou  par  excès  de  ton  , et  en  asthéniques  r 
ou  par  débilité  (i). 

La  plupart  des  névralgies  se  retrouvent  natu- 
rellement dans  les  premières,  et  le  plus  grand 
nombre  des  névroses,  proprement  dites,  dans  les 
asthéniques , quoiqu’il  y ait  peu  loin  , comme 
nous  l’avons  déjà  fait  observer,  de  névrose  à né- 
vralgie; nous  serions  même  tenté  de  ne  considérer 
la  névralgie  que  comme  le  premier  degré  de  la 
névrose. 

Les  principes  fondamentaux  de  la  science  de- 
vaient nécessairement  faire  admettre,  io  des 


(0  Quelques  oreilles  se  formaliseront  peut-être  de 
\ oir  reproduire,  aux  beaux  jours  de  la  doctrine  physio- 
logique,  le  langage  de  Brown  ; mais  Inexpérience  nous 
en  a démontré  la  justesse  , et  nous  l’adoptons  , quand 
même  ! 


82 

névroses  idiopathiques  ou  primitives  ; exemples  : 
la  névrite,  ou  irritation  d’un  nerf , qui,  d’après 
MM.  Martinet  et  Bar  ras,  se  borne  au  névrilème  ; 
I encéphalite , ou  inflammation  du  cerveau  que  le 
docteur  Récamier , dont  les  efforts  sont  si  sou- 
vent couronnés  par  des  succès  inespérés,  a si 
bien  démontrée  dans  ses  cours  et  combat  si 
heureusement  dans  sa  pratique;  l’inflammation  de 
la  moelle  épinière,  que  M.  Ollivier  d’Angers  a , 
le  premier,  désignée  sous  le  nom  de  myélite. 

20  Des  symptomatiques  ou  consécutives  ; 
exemples  : les  affections  nerveuses  qui,  pendant 
qu’elles  étaient  encore  locales,  ont  atteint  d’autres 
organes,  et  ont.  déterminé  des  altérations  secon- 
daires, comme  le  délire , et  Je  carus  ou  assoupis- 
sement, qui  surviennent  parfois  dans  la  gastralgie 
ou  névrose  de  l’estomac. 

Cette  série  est  sans  doute  la  plus  nombreuse,  si 
l’on  fait  attention  qu’il  est  rare  qu’un  organe  soit 
profondément  affecté  sans  qu’il  y ait  névralgie  , 
plus  ou  moins  vive  , puisque  le  système  nerveux 


83 

se  distribue  aux  parties  les  moins  apparentes  de 
l'économie  animale. 

3o  Les  sympathiques , qu’il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  précédentes,  et  qui  se  conçoivent 
facilement , lorsqu’on  connaît  les  liens  qui  unis- 
sent les  nerfs  d’une  même  paire  ; deux  nerfs  d’un 
même  colé  du  corps  , les  nerfs  cnlin  de  tous  les 
organes. 

Bichat,  le  célèbre  Bichat  (sans  les  travaux 
d uquel  les  médecins  physiologistes  feraient  moins 
de  bruit  ),  en  agaçant , après  les  avoir  mis  à dé- 
couvert, les  nerfs  des  membres  supérieurs,  occa- 
sionnait des  convulsions  dans  des  muscles  des 
extrémités  inférieures  , bien  étrangers  sans  doute 
aux  nerfs  que  ce  grand  anatomiste  soumettait  à ses 
expériences.  Ne  sont-ce  pas  là  des  convulsions 
sympathiques  ? 

L n nerf  optique  est-il  souvent  lésé  sans  que  l’au- 
tre le  soit?  Bichat,  notre  ancien  maître,  qui,  mort 

* 

a trente  ans , a mérité  que  des  honneurs  publics 


fussent  décernés  à sa  mémoire,  et  qu'il  faudra 
toujours  citer  quand  il  s’agira  de  saine  physiolo- 
gie , lit,  en  notre  présence,  tomber  un  chat  dans 
des  mouvemens  nerveux  généraux , apres  avoir 
piqué  le  filet  nerveux  qui  passe  au-devant  de  la 
veine  jugulaire  externe. 

Nous  avons  vu,  en  Suède,  un  général  distingué, 

le  baron  T , perdre  la  vue  à la  suite  d’un  coup 

de  feu  qui  avait  déchiré  un  rameau  du  nerf 
frontal . 

On  ne  peut  donc  s’empêcher  de  reconnaître 
des  névroses  purement  sympathiques. 

Quant  à la  distinction  des  affections  nerveuses, 
en  aiguës  et  en  chroniques,  on  ne  doit  y attacher 
que  peu  d’importance;  car  les  chroniques  passent 
très  facilement  à l’état  d’acuité,  et  vice  versa.  Ce- 
pendant le  tétanos , V iléus  ou  névrose  de  l’intestin 
grêle,  V asphyxie,  etc.,  sont  essentiellement  ai- 
guës. Il  serait  même  exact  de  considérer  généra- 
lement les  névralgies  comme  aiguës,  et  les  né- 


V roses  comme  chroniques.  Mais,  encore  une  fois, 
cette  distinction  n’est  que  très  secondaire,  attendu 
que  les  unes  et  les  autres  reconnaissent  pour  leur 
production  les  memes  causes;  au  reste  , le  traite- 
ment de  ces  altérations  prouvera  suffisamment, 
nous  l’espérons  du  moins,  en  faveur  de  notre 
opinion. 

Les  maladies  du  système  nerveux  sont  encore 
intermittentes,  comme  presque  toutes  les  névral- 
gies; ou  continues,  comme  plusieurs  névroses  ; ou 
périodiques,  exemples  : V hystérie , l’épilepsie,  etc.  ; 
car  nous  établissons  une  différence  entre  l’inter- 
mittence et  la  périodicité , quoiqu’il  n’existe  pas 
toujours  une  grande  régularité,  ni  pour  l’une  ni 
pour  1 autre;  mais  la  périodicité  n’en  est  pas  moins 
ce  retour  marqué  de  certaines  maladies  à des  épo- 
ques régulières  et  déterminées;  tandis  que  l’inter- 
mittence se  manifeste  plus  rapidement,  et  que  le 
danger,  qui  la  suit,  est  souvent  pins  grand. 

On  a cherche , mais  en  vain , à expliquer  les 
causes  de  tous  ces  intervalles  dans  la  marche  de 


86 

plusieurs  maladies  ; ce  sont  de  ces  prévoyances 
de  FEternel  dont  on  ne  se  rendra  jamais  compte. 
L’homme  ne  pourrait,  en  effet,  résister  long-temps 
à une  fièvre  violente  qui  ne  lui  donnerait  aucun 
relâche,  à l’épilepsie,  etc. , que  nous  supportons 
cependant  à cause  des  distances  qu’elles  mettent  à 
reparaître.  Si  l’hydrophobie  était  périodique,  on 
la  guérirait  vraisemblablement. 


CHAPITRE  PREMIER. 

Causes  prédisposantes. 

« 

Ainsi  que  nous  l’avons  déjà  dit  , les  névroses 
n’épargnent  ni  âge,  ni  sexe,  ni  tempérament;  elles 
peuvent  se  montrer  dans  tous  les  climats , dans 
toutes  les  saisons  de  l’année,  dans  tous  les  lieux  , 
et  dans  toutes  les  conditions  de  la  vie;  mais  ces 
diverses  circonstances  peuvent  leur  imprimer  des 
modifications  qu’il  est  utile  d’examiner. 

^ • i 

i . Age  et  sexe.  Les  névralgies  peuvent  affecter 
les  individus  de  tout  âge  et  de  tout  sexe;  elles 
sont,  d’après  l’observation,  plus  fréquentes  et  plus 
dangereuses  chez  les  femmes  et  les  enfans  que  chez 
les  hommes,  les  adultes  et  les  vieillards.  Chez 
ces  derniers  elles  sont  surtout  moins  fâcheuses 
( principalement  dans  les  pays  chauds  où  elles  pas- 
sent souvent  à l’état  chronique),  c’est  lentement 
qu’elles  les  conduisent  à la  mort. 


88 

Il  est  vrai  cependant  que  chaque  époque  de 
la  vie  a ses  névroses  propres  ; il  en  est  de  même  de 
chaque  sexe  ; dans  l’enfance  le  cerveau  et  le  sys- 
tème nerveux  présentent  un  volume  relatif  consi- 
dérable. La  dentition  et  la  présence  des  vers  dans 
les  intestins,  à laquelle  cet  âge  est  plus  particuliè- 
rement sujet,  l’expose  beaucoup  plus  souvent  aux 
convulsions;  il  faut  placer  ici  une  mauvaise  édu- 
cation physique,  cause  si  commune  des  nombreu- 
ses affections  du  système  nerveux. 

La  puberté  termine  l’enfance  ; à cette  époque 
le  système  vasculaire,  peu  développé  dans  le  pre- 
mier âge,  prend  une  force  d’activité  qui  domine 
sensiblement  celle  du  système  nerveux. 

Les  maladies  delà  jeunesse  offrent  évidemment 
l’action  augmentée  surtout  du  système  artériel. 
Mais  à cet  âge,  les  passions  et  l’activité  particulière 
des  facultés  intellectuelles,  étant  continuellement 
en  jeu , le  système  nerveux  reçoit  une  disposition 
très  favorable  à contracter  la  fièvre  maligne,  dite 
nerveuse  par  Stoll. 


Dans  l’âge  \ iril  la  pléthore  veineuse,  11  est  vrai, 
succède  à la  pléthore  artérielle,  mais  cet  âge  n’en 
est  pas  moins  exposé  à la  sciatique,  et  les  passions, 
comme  nous  le  verrons,  causent  également  du 
trouble  dans  le  système  des  nerfs. 


Tout  dégénère  dans  la  vieillesse , tous  les  sys- 
tèmes languissent  et  ne  tardent  pas  à être  anéantis. 
La  fin  de  la  vie  générale  est  annoncée  peu  à peu  , 
et  sans  secousse,  par  la  mort  successive  des  diffé- 
rons organes.  « Dieu,  dit  Montagne,  fait  grâce  à 
ceux  à qui  il  soustrait  la  vie  par  le  menu  ; c’est  le 
seul  bénéfice  du  vieillard.  La  dernière  mort  en 
sera  d’autant  moins  pleine  et  nuisible  ; elle  ne 
tuera  plus  qu’un  demi  ou  un  quart  d’homme.  » 

La  sciatique  est  une  espèce  de  fléau  de  la  vieil- 
lesse 5 sous  le  rapport  moral,  chaque  âge  produit 
aussi  dans  l’homme  de  grands  changemens  ; chez, 
lesenfans,  les  facultés  de  l’âme  sont  peu  dévelop- 
pées. Les  objets  se  gravent  facilement  dans  leur 
mémoire  , mais  ils  en  sortent  de  même.  La  gour- 
mandise et  la  curiosité  sont  leurs  passions  do  mi- 

6 


liantes.  « Lesenfans  n’ont  ni  passé  ni  avenir,  dit 
La  Bruyère;  mais,  ce  qui  ne  nous  arrive  guère, 
ils  jouissent  du  présent.  » 

L’imagination  est  la  faculté  de  l’âme  la  mieux 
développée  chez  les  jeunes  gens  : l’amour  est  leur 
passion  dominante.  L’impétuosité  et  le  goût  de 
l’indépendance  forment  leur  caractère. 

Dans  l’âge  mur  le  jugement  est  tout-à-fait  en 
vigueur.  Les  passions  s’agitent  autour  de  lui  pour 
s’en  emparer. 

Les  facultés  de  l’âme  éprouvent  dans  la  vieil- 
lesse le  même  décroissement  que  nous  avons  re- 
marqué dans  les  organes  du  corps  (i). 

(i)  Il  faut  en  excepter  les  vieillards  religieux:  il  en 
.est  un  grand  nombre  dont  toutes  les  facultés  intellec- 
tuelles semblent  s’accroître  sans  cesse  et  jusqu’au  der- 
nier moment;  preuve  frappante  que  Dieu  est  la  vie  de 
notre  âme.  In  Deo  vivimus , movemur  et  sumus , dit 
l’apôtre. 


91 

Prima  langues cit  senuni 

Memoria  Ion  go  , lassa  sublabens  situ. 

Ces  courtes  considérations  sur  les  âges  ne  prou- 
vent-elles pas  encore  les  rapports  qui  existent  en- 
tre le  physique  et  le  moral. 


Les  femmes  conservent  long-temps  le  tempé- 
rament de  l’enfance.  On  remarque  chez  elles  la 
même  fréquence  respective  du  pouls  , la  meme 
imperfection  dans  la  vigueur  de  l’âme  et  du 
corps  ; la  même  inconstance  de  caractère  (i),  de 


(i)  Nous  ne  dirons  pas  moins  innocente , pour  no 
rien  adresser  de  désobligeant  à ce  sexe  qui  vaut  bien  le 
notre.  L’homme  n’a  en  effet,  déplus  que  la  femme, 
que  la  force  dont  il  fait  trop  fréquemment  un  si  indigne 
usage  ; encore  est-ce  de  la  force  physique  que  nous  en- 
tendons parler,  car  la  force  morale  est  plus  réelle  chez 
la  femme  que  chez  l’homme,  à moins  qu’on  ne  veuille 
faire  consister  cette  faculté  dans  l’enlèvement  d’une  re- 
doute, dans  le  duel,  etc.  Nous  ne  craignons  pas  de  le 
répéter,  les  femmes  qui  sont  courageuses,  ont  plus  de 
cette  vertu  que  les  hommes.  Écoutons  un  moment  m» 

6.; 


plus  une  sensibilité  exquise  , une  irritabilité  ex- 
cessive. La  grossesse,  cetle  fonction  qui  nous  les 

de  nos  plus  sincères  écrivains  sur  ce  sujet  si  digne  de 
notre  admiration  comme  de  notre  intérêt  ; 

« Des  formes  douces  et  gracieuses  de  cette  moitié  du 
genre  humain , de  la  délicatesse  de  ses  fibres , de  la  mol- 
lesse et  du  développement  de  son  tissu  cellulaire,  Ton 
doit  attendre  toutes  les  affections  d’humanité,  de  com- 
passion, de  charité  tendre,  de  conciliation,  qui  entre- 
tiennent la  société,  lient  ses  divers  membres,  resserrent 
les  nœuds  de  la  famille,  et  forment  le  plus  délicieux  apa- 
nage de  la  maternité.  Par  sa  faiblesse,  la  femme  sent  le 
besoin  de  s’attacher,  d’aimer,  de  plaire;  elle  s’adresse 
au  cœur,  elle  se  plaint  au  cœur;  jamais  l’enfant  n’im- 
plore en  vain  sa  pitié  : elle  brave  toutes  les  souffrances, 
elle  affronte  tous  les  dangers  pour  son  fils;  elle  s’élance 
pour  le  sauver,  dans  les  flammes  connue  dans  les  ondes: 
tous  les  infortunés  lui  appartiennent.  Dévouée  à l’op- 
primé , à l’infirme,  elle  partage  ses  afflictions,  elle  se 
charge  de  ses  douleurs;  on  la  voit  marcher  à l’écha- 
faud avec  une  victime;  et,  satisfaite  de  scs  sacrifices, 
elle  ne  demande  pas  de  plus  douce  récompense  que 
d’être  aimée. 

» Ne  sont-cc  pas  des  femmes  qui  ont  porté  la  vertu 


rend  si  chères  et  si  précieuses,  après  qu’elles  ont 
obtenu  notre  amour  par  la  douceur,  les  grâces  , 

jusqu’aux  plus  sublimes  excès  î C’est  A.lceste  mourant 
pour  son  époux;  c’est  une  indienne  se  précipitant  sur 
le  bûcher  qui  consume  son  mari;  c’est  une  Lacédémo- 
nienne  sacrifiant  son  fils  échappé  à une  défaite;  c’est 
Eponine  se  dévouant  avec  Sabinus  aux  longues  hor- 
reurs de  la  misère  et  de  l’exil  ; c’est  Àrric  montrant  à 
Pœtus  l’horreur  d’une  belle  mort;  ce  sont  encore  ces 
magnanimes  Françaises  qui  accompagnaient  dans  la 
proscription,  dans  les  cachots,  dans  les  supplices,  des 
parens,  des  fils,  des  époux,  au  milieu  de  nos  tournions 
révolutionnaires.  » 

Nous  ajouterons  : c’est  une  illustre  fille  de  France  , 
épuisée  par  la  douleur,  qui  suivait  en  tous  lieux  l’au- 
guste frère  de  son  père  et  roi , tombé  sous  l’horrible  insa 
trumeut  de  l’anarchie,  qu’on  a oublié  de  soustraire  à 
ses  yeux  flétris  par  les  larmes  ;.  c’est  une  princesse  su- 
blime qui,  pour  sauver  à la  patrie  un  Bourbon  de  plus, 
brave  le  coup  terrible  que  lui  fait  subir  le  fer  assassin  ; 
ce  sont  enfin  ces  filles  hospitalières  que  rien  n’arrête, 
ni  les  peines,  ni  les  fatigues,  ni  les  privations  , ni  la 
contagion,  pas  même  la  mort,  quand  il  est  question  de 
secourir  l’infortune. 


! 


94 

le  charme  (le  l’innocence  et  de  la  faiblesse,  les 
expose  bien  plus  fréquemment  aux  maladies  ner- 
veuses que  les  hommes. 

3.  Climats.  Les  névroses  ont  été  observées  sur 
tous  les  points  du  globe  ; elles  régnent  surtout 
dans  les  contrées  où  la  chaleur  est  intense  ; elles 
sont  ( quelques-unes  du  moins  ) comme  endémi- 
ques dans  les  pays  méridionaux,  où  la  sensibilité 
est  singulièrement  exaltée. 

D’autres  sont  plus  fréquentes  chez  les  nations 
septentrionales  , où  le  froid  diminue  et  supprime 
la  transpiration.  Les  rhumatismes  en  sont  un 
exemple. 

i 

Les  pays  bas , humides , marécageux , comme 
la  Hollande,  l’Angleterre,  etc.  , ont  aussi  leurs 
névroses.  La  sciatique  et  les  maladies  nerveuses 
que  l’on  remarque  dans  la  cité  du  spleen  ( Lon- 
dres ) en  sont  des  preuves  suffisantes. 

L’atmosphère  , dans  les  îles  Britanniques,  est 


en  général  brumeuse , surchargée  de  substances 
étrangères  ou  irritantes.  Aussi  voit-on  ses  liabi- 
tans  accourir,  aussitôt  que  cela  leur  est  possible , 
dans  notre  belle  France  , et  préférer  le  ciel  pur 
de  la  Touraine,  comme  leur  offrant  le  plus  de 
ressources  hygiéniques  contre  cette  névrose  qui 
les  porte  à se  suicider  avec  calme  et  sang-froid  , 
souvent  même  au  milieu  des  honneurs , des  jouis- 
sances domestiques  les  plus  recherchées. 

Nous  ne  prétendons  cependant  pas  que  ce  soit 
uniquement  l’air  de  leur  pays  qui  porte  les  An- 
glais au  tœdium-vitœ , mais  nous  pensons  qu’il 
y est  pour  beaucoup,  puisqu’au  milieu  des  rian- 
tes distractions  de  l’Italie,  et  sous  la  température 
de  notre  patrie , ils  cessent  de  s’ennuyer  et  sont 
beaucoup  moins  portés  à se  détruire  (i).  Nous 
croyons  donc  que  beaucoup  d’autres  causes  mul- 
tiplient le  suicide  chez  eux. 

(i)  Nous  tenons  de  plusieurs  médecins  de  Londres , 
que,  depuis  i8i5  , les  suicides  en  Angleterre  sont  d’un 
tiers  moins  communs. 


Nous  nous  dispenserons  de  les  énumérer,  pour 
ne  pas  encourir  le  courroux  de  ces  favoris  d’Eole 
et  de  Neptune 4 

Les  affaires  publiques  qui,  dans  ce  pays,  oc- 
cupent si  sérieusement  les  hommes  d’état , fati- 
guent ces  derniers  d’une  manière  extraordinaire. 
On  les  voit,  pour  peu  qu’ils  soient  contrariés,  se 
pendre  ou  se  couper  la  gorge  : aussi  le  gouverne- 
ment anglais  est-il  le  plus  riche  et  le  plus  puis- 
sant, mais  le  moins  moral  de  l’Europe  civilisée. 

Ce  qui  nous  étonnera  long-temps,  toutefois, 
c’est  qu’après  une  concession  semblable  faite  à 
l’avantage  de  notre  situation  topographique,  les 
Anglais  ne  veuillent  pas,  par  pur  orgueil  natio- 
nal , reconnaître  l’influence  du  climat  et  appré- 
cier, en  partie  du  moins , l’importance  d’un  trai- 
tement médical  approprié  à l’état  de  l’air,  du 
lieu  , etc.  ; ce  qui  est  cause  qu’on  les  voit  sou- 
vent et  rapidement  enlevés  par  des  affections  qui, 
dirigées  plus  sagement,  céderaient  avec  facilité. 

Ils  préfèrent  souffrir  avec  une  dose  de  calomel \ 


97 

de  poudre  de  Gjms  ou  d’huile  de  castor , que 
d’être  soulagés  par  un  régime  convenable  , qui 
guérit  souvent  et  ne  nuit  jamais. 

i 

Nous  n’oublierons  pas  l’observation  que  nous 
ht  un  Anglais  , dont  la  femme  , accouchée  tout 
récemment , éprouvait  une  irritation  d’entrailles 
violente , et  pour  laquelle  nous  proposions  une 
trentaine  de  sangsues  sur  le  ventre  , etc.  a En 
Angleterre,  nous  dit-il , on  purge  avec  l’huile  de 
castor  jusqu’à  deux  , trois  et  quatre  fois.  » En 
France , lui  répondîmes-nous  , nous  traitons  nos 
dames  plus  doucement.  Notre  avis  ne  fut  point 
suivi,  et  la  malade  succomba  à tous  les  déchire- 
mens  que  cause  presque  constamment  un  pareil 
incendie. 

Dans  une  circonstance  semblable,  le  contraire 
lut  fait , et  la  nouvelle  accouchée , quoique  plus 
faible  , fut  complètement  guérie. 

Nous  fûmes  un  jour  invité  à nous  rendre  au- 
près d’un  colonel  anglais  qui  souffrait  horrible- 
ment d une  maladie  du  foie.  c(  Je  vous  remercie, 


9» 

Monsieur,  nous  dit-il,  mais  j’aime  mieux  être 
envoyé  dans  l’autre  monde  par  un  médecin  de 
ma  nation , cjue  d’être  même  sauvé  par  un  doc- 
teur français.  Les  médecins  de  ce  pays  sont  peu 
capables;  ils  vous  laissent  mourir.  Cependant, 
si  vous  voulez  me  donner  votre  opinion  par  écrit, 
je  la  communiquerai  à mon  médecin  que  j’at- 
tends. » 

Nous  remerciâmes  ce  malheureux  des  choses 
obligeantes  qu’il  venait  de  nous  adresser,  l’assu- 
râmes qu’il  valait  mieux  , quand  on  ne  pouvait 
faire  autrement,  laisser  mourir  ses  malades  que  de 
les  assommer.  L’opinion  que  nous  laissâmes  à 
notre  confrère  britannique,  la  voici  : « Nous 
proposons  au  docteur  A....  de  faire  entrer  le 
colonel  W à Charenton,  ou  dans  une  mai- 

son de  santé.  » 

Nous  ne  croyons  pas  être  sorti  de  notre  sujet 
en  entrant  dans  ces  détails  minutieux  ; nous 
avons  voulu  prouver  que  l’influence  des  climats 
est  plus  importante  qu’on  ne  le  pense  en  Angle- 


99 

terre , et  qu’un  habile  médecin  , qui  n’a  jamais 
quitté  Londres,  peut  n’êtrc  qu’un  mauvais  prati- 
cien à Paris  ou  ailleurs , et  vice  versa. 

3.  Saisons.  Les  névralgies  peuvent  régner  dans 
toutes  les  saisons  ; mais  c’est  surtout  dans  les  sai- 
sons humides  et  froides  que  plusieurs  exercent 
leurs  tourmens , tandis  que  d’autres  sont  plus 
communes  dans  les  fortes  chaleurs  de  l’été , ou  les 
grandes  vicissitudes  du  chaud  au  froid  sont  plus 
sensibles  et  plus  dangereuses. 

C’est  pendant  l’été  que  se  manifestent  la  ma- 
nie, l’hydrophobie,  l’épilepsie,  le  tétanos,  les  co- 
liques nerveuses,  l’iléus,  la  nymphomanie,  la  cata- 
lepsie, le  somnambulisme,  etc.,  parce  que  c’est 
alors  que  la  chaleur  épanouit  le  système  nerveux  à 
l’extérieur,  quelle  avive  ses  fonctions  , surtout 
quand  elle  n’est  pas  intense. 

L’hiver,  au  contraire,  excite  plutôt  les  toux 
convulsives  , les  vertiges , les  céphalalgies  , les 
apoplexies,  etc. 


IOO 


4-  Tempéramens.  Les  névroses  peuvent  atta- 
quer tous  les  individus  quel  que  soit  leur  tempé- 
rament ; mais  ce  dernier  peut  influer  beaucoup 
sur  leur  développement  : aussi  les  voit-on  s’adresser 
de  préférence  aux  personnes  douees  d un  tempé- 
rament nerveux,  d’une  constitution  faible , déli- 
cate , sensible  , irritable  ; aux  convalescens  ou 
valétudinaires , aux  hypocondriaques , aux  phthi- 
siques , etc. 

5.  Lieux . Les  névralgies  peuvent  régner  dans 
tous  les  lieux  , comme  sous  toutes  les  tempéra- 
tures , dans  toutes  les  saisons  ; car  il  existe  pour 
ces  maladies,  comme  pour  beaucoup  d’autres  , 

i 

des  variations  infinies,  et  des  exceptions  sans 
nombre  à tous  les  principes  qu’011  veut  établir; 
mais  l’expérience  a généralement  démontré  leur 
présence  dans  les  lieux  élevés , humides  ; dans 
ceux  où  l’air  est  vif,  où  dominent  les  vents  du 
Nord  et  du  Sud. 


G.  Profession . Les  maux  de  nerfs  s’attachent 
de  préférence  à ceux  qui  se  trouvent  plus  expo- 


ior 


ses  aux  vicissitudes  atmosphériques  et  au  pas- 
sage brusque  du  chaud  au  froid.  Tels  sont  les 
marins,  les  soldats , les  cultivateurs,  les  indi- 
gens;  aux  hommes  de  lettres,  de  cabinet,  dont 
l’esprit  est  constamment  tendu  , aux  personnes 
qui  mènent  une  vie  molle  et  efféminée,  à celles 
qui  spéculent  beaucoup  ; aux  ouvriers  qui  travail- 
lent les  métaux , tels  que  le  plomb  , le  mercure  , 
etc.  j à ceux  qui  broient  les  couleurs. 

Les  grands  du  monde  n’en  sont  point  à l’abri. 
La  vie  sédentaire  qu’ils  mènent,  la  dissipation, 
les  plaisirs  de  tous  les  genres  les  exposent  à leur 
tour  aux  maladies  du  système  nerveux.  On  pour- 
rait citer  plus  d une  te  te  couronnée  qu’ont  frappées 
la  manie  ou. la  démence,  et  c’est  encore  chez  nos 
superbes  voisins  d’outre -mer  que  notre  opinion 
trouverait  un  plus  grand  nombre  d’appuis. 


( 


. 

- 


. 


CHAPITRE  II. 

Causes  occasionelles. 

i.  Atmosphère.  Parmi  le  grand  nombre  de 
causes  susceptibles  de  produire  les  névroses  , il 
n’en  est  pas  de  plus  fréquentes  que  celles  qui  sup- 
priment d’une  maniéré  subite  la  transpiration  cu- 
tanée , et  portent  sympathiquement  sur  le  système 
nerveux  un  surcroît  d’action  destiné  à y sup- 
pléer. 

Au  premier  rang  des  causes  agissantes  ou  dé- 
terminantes , nous  placerons  donc  les  \icissitudes 
atmosphériques  , l’humidité  froide  , la  tempéra- 
ture chaude  et  également  humide  , les  temps  né- 
buleux , 1 insolation  sur  la  tête , le  refrdidissement 
du  corps,  notamment  des  pieds;  l’inspiration  d’un 
air  a Itéré  par  des  odeurs  lortes  ou  par  des  miasmes 
délétères.  Ainsi  la  proximité  des  fosses  d’aisances, 
des  cimetières , ou  autres  lieux  de  sépulture , des 


fabriques  d’acides  minéraux,  l’habitation  dans 
des  lieux  où  se  trouvent  entassés  beaucoup  d’in- 
dividus malades. 

2.  Choses  appliquées  à la  surface  extérieure 
du  corps.  Celte  section  fournit  peu  de  causes  aux 
maladies  nerveuses  , si  ce  n’est  l’emploi  des  vêtc- 
meirs  trop  légers  en  hiver  et  trop  lourds  en  été , 
l’application  de  vê terriens  mouillés  sur  la  peau  , 
l’oubli  des  premiers  soins  de  propreté , les  bains 
trop  lroids  ou  trop  chauds , les  ligatures  trop 
serrées,  l’ usage  des  cosmétiques,  etc. 

3.  Alimens  et  boissons.  C’est  surtout  parmi 
ceux-là  que  se  trouvent  fréquemment  plusieurs 
•causes  des  affections  du -système  nerveux.  L’usage 
d’alimens  de  mauvaise  qualité,  âcres  ou  indiges- 
tes , le  pain  fait  avec  le  seigle  ergoté , le  porc  ou 
salé  ou  fumé  , l’usage  exclusif  d’une  nourriture  de 
porc-frais , de  fruits  âcres  ou  acerbes , de  bois- 
sons vineuses  ; l’abus  des  liqueurs  spiritUeusés  , 
du  café  , du  tiré  , des  aromates , des  narcotiques , 
•ries  remèdes  débilitans  $ l’emploi  des  purgatifs 


IOJ 

drastiques  , les  préparations  mercurielles  , la  pré- 
sence îles  vers  dans  les  intestins  , etc. 

4-  Sécrétions  extérieures . La  suppression  de 
quelques  fluxions  habituelles  naturelles  ou  acci- 
dentelles ; de  la  transpiration  , des  hémorragies 
nasales , du  flux  hémorrhoïdal , des  cautères  ou 
autres  exutoires  à la  peau,  existant  depuis  long- 
temps et  qu’on  a inconsidérément  laissé  fermer, 
la  métastase  de  quelque  virus  sur  un  organe  princi- 
pal j l’abus  des  plaisirs  vénériens,  l’onanisme,  etc. 

5.  Conduite.  Les  fatigues  extrêmes  du  corps, 
les  veilles  prolongées  , l’indolence  , l’oisiveté  , le 
repos  absolu , les  marches  excessives  pendant  les 
grandes  chaleurs  , surtout  si  en  même-temps  les 
sujets  font  usage  d’une  nourriture  abondante  ou 
excitante  , qu’ils  prennent  de  l’eau  froide  , ou 
même  modérément  des  boissons  alcoholiques  ; 
c’est  ce  qui  s’observe  chez  les  moissonneurs. 

G.  Passions.  Faire  1 histoire  des  causes  occa- 
sionelles  des  névroses  comprises  .dans  les  passions , 

? 


ioG 

c’est  faire  celle  des  causes  les  plus  fréquentes  des 
maladies  nerveuses.  Entrons  donc  un  moment 
dans  le  domaine  de  ces  causes. 

« Pour  connaître  l’homme  , dit  le  spirituel  et 
profond  auteur  de  la  Physiologie  des  passions,  il 
faut  le  chercher  dans  son  âme , et  non  dans  les 
organes  matériels  de  son  enveloppe  corporelle.  » 
« L’homme  extérieur  , ajoute  Dupaty  dans  sa 
trente-troisième  Lettre  , n’est  que  la  saillie  de 
l’homme  intérieur.  » Les  passions,  quelles  soient 
tristes  comme  le  chagrin , l’ennui , la  mélanco- 
lie , la  nostalgie  j ou  vives  , telles  que  la  colère , 
l’emportement,  la  joie,  la  culture  excessive 
des  facultés  intellectuelles , troublent  les  fonc- 
tions et  rendent  l’influence  des  alimens  beaucoup 
plus  énergique >\En  réveillant  la  susceptibilité 
nerveuse  des  intestins,  elles  produisent  le  spasme , 
et  par  suite  la  concentration  des  forces  vitales 
vers  ce  point  , d’où  naît  l’irritation , l’afflux  du 
sang , et  enfin  l’inflammation  ; il  devient  donc 
important  d’exposer  rapidement  ici  l’origine  des 
passions,  de  faire  mention  des  organes  sur  les- 


io? 

quels  elles  exercent  leur  influence  et  comment 
elles  allèrent  les  fonctions  et  produisent,  par 
suite  , des  lésions  dans  la  structure  des  parties. 


Avant  que  les  travaux  des  moralistes  moder- 
nes eussent  éclairé  l’histoire  des  passions  , les 
philosophes  anciens  avaient  eu  sur  elles  des  idées 
plus  ou  moins  exactes.  Pj  thagore , et  après  lui 
Platon,  frappés  des  combats  que  l’homme  éprouve 
intérieurement  , entre  les  désirs  de  satisfaire  scs 
goûts  naturels  ou  ceux  qu’il  s’est  formés  , et  la 
raison  qui  tend  à supprimer  ces  désirs  quand  ils  se 
portent  sur  des  objets  quelle  condamne  , ont 
reconnu  en  nous  deux  parties  : l’une , tranquille  et 
située  dans  la  tête  , qu’ils  ont  nommée  raison 
sereine  ou  maîtresse  des  cupidités  * l’autre  brutale, 
sauvage,  farouche,  asservie  aux  voluptés  et  s’y 
livrant  sans  mesure  : c’est  elle  que  Platon  com- 
pare à un  cheval  sans  frein.  Fondée  sur  l’influence 
du  physique  sur  le  moral,  cette  distinction  rela- 


tive à l’origine  des  passions , a été  adoptée  par 
quelques  pères  de  l’Église  ; on  la  retrouve  dans 
saint  Paul  et  dans  saint  Augustin* 


io8 

D’autres  philosophes,  peu  satisfaits  de  celte 
division  ; dirent  qu’il  y avait  trois  âmes  , la  rai- 
sonnable , qu’ils  établissaient  toujours  dans  la 
tête  -,  l’animale,  ou  celle  qui  cause  nos  désirs  , à 
laquelle  ils  donnaient  le  foie  pour  domicile  ; enfin 
la  vitale  ou  l’irascible  \ celle-ci , logée  dans  le 
cœur,  était  le  siège  de  la  colère. 

Le  chef  des  stoïciens , Zénon  , qui , comme  le 
dit  M.  Alibert , regardait  la  vertu  comme  le  pre- 
mier instrument  de  la  félicité  des  peuples , défi- 
nissait ainsi  les  passions  : c’est  un  trouble  d’esprit 
contre  nature  , qui  empêche  la  raison  de  gou- 
verner l’homme , qui  maîtrise  la  volonté  et  ren- 
verse le  libre-arbitre. 

La  joie,  la  douleur  et  le  désir,  étaient  les  prin- 
cipales passions  admises  par  les  sectateurs  d’Épi- 
cure. 

Les  péripathéticiens  en  admettaient  huit  pri- 
mitives : la  colère  , la  peur,  la  douleur,  la  pitié, 
la  joie  , l’amour,  la  haine  et  la  confiance. 

Hippocrate  et  le  médecin  de  Pergame , son 


commentateur , considéraient  les  passions  comme 
des  mouvemens  contre  nature  de  lame  raisonna- 
ble j toutes  , suivant  eux , ont  pour  origine  un 
désir  sans  cesse  renouvelé  et  qui  s’irrite  à mesure 
qu’il  est  satisfait. 

Cicéron  , après  une  longue  énumération  des 
passions,  leur  donne  à toutes  l’intempérance  pour 
origine. 

Les  philosophes  du  moyen  âge , asservis  aux 
doctrines  d’Aristote  , adoptèrent  les  principes  des 
péripathéticiens. 

Descartes  traita  des  passions  draprès  sa  philo- 
sophie, et,  renouvelant  une  hypothèse  ancienne  r 
les  regarda  comme  des  esprits  vitaux,  provenant 
d’un  petit  corps  glanduleux  que  l’on  trouve  dans 
le  cerveau,  près  la  voûte  à trois  piliers  , ganglion 
dans  lequel  son  imagination  avait  placé  l’âme. 

V 1 an  Helmont  donna  à son  archée  le  pouvoir  de 
mettre  en  jeu  les  passions,  qu’il  ne  regarde  que 
comme  les  a.gcns  de  cet  être  idéal. 


1 IO 


Sthal  à son  âme  rationnelle  ( espece  de  prin- 
cipe conservateur  et  prévoyant  , auquel  il  fait 
régir  l’organisme  ),  celui  de  les  exciter,  toujours 
dans  des  intentions  salutaires , pour  garantir  le 
corps  de  ce  qui  peut  lui  être  nuisible. 

Hoffmann  donna  pour  principale  origine  aux 
passions  , des  désordres  survenus  dans  la  circula- 
tion du  sang. 

Boerhaave  9 Han-Swiéten , et  les  nombreux 
disciples  sortis  de  l’école  de  Leyde,  considérèrent 
les  passions  comme  des  mouvemens  particuliers 
aux  esprits  infernaux,  et  se  livrèrent  à des  suppo- 
sitions erronées  sur  les  changemens.  et  les  dispo- 
sitions de  ces  esprits. 

Plus  tard , Buffon , et  d’autres  écrivains  moins 
célèbres,  rappelèrent  d’attention  sur  l’opinion  de 
Yan-Iïelmont,  en  faisant  soupçonner  que  le  siège 
des  passions  était  plutôt  dans  le  centre  épigastri- 
que que  dans  toute  autre  partie  du  corps  : cette 
opinion,  Bichat  l’a  développée  avec  son  génie 


I [ I 


accoutumé  ; maïs  ce  grand  homme  paraît  avoir 
tenu  peu  de  compte  de  l’action  de  la  vie  animale 
dans  la  production  des  passions,  qu’il  regarde 

comme  siégeant  exclusivement  dans  les  viscères. 

/ 

L.es  moralistes  et  les  métaphysiciens  modernes  , 
Mallebranche  , Locke  , Condillac  et  Helvétius  , 
n’ont  traité  des  passions  que  sous  le  point  de  vue 
intellectuel  ; ils  se  sont  bornés  à étudier  leur  in- 
fluence sur  le  moral  ; ils  les  ont  fait  naître*  puis, 
les  suivant  dans  leur  développement,  ils  ont  vu 
leurs  efforts  relativement  au  bonheur  des  indivi- 
dus , des  sociétés  particulières  et  des  nations  • ils 
ont  donné  des  préceptes  dans  l’intention  de 

combattre  et  de  diriger  les  passions. 

\ 

Il  appartenait  au  moraliste  médecin  , que  nous 
avons  déjà  nommé , et  que  nous  aurions  voulu 
^ on  conti ibucr  a 1 éducation  du  jeune  Prince  , 
espoir  de  la  patrie,  d’envisager  les  passions  sous 
tous  les  rapports.  Plus  versé,  que  les  grands  hom- 
mes qui  1 ont  précédé,  dans  la  structure  du  corps 
humain,  reconnaissant  la  puissance  d’en -haut. 


I l 2 


comme  la  seule  créatrice  du  génie  de  l’homme, 
armé  du  flambeau  de  la  physiologie  , M.  Alibert 
pénètre  dans  l’empire  des  passions , et  y recherche 
les  dispositions  qui  sont  les  plus  favorables  au  dé- 
veloppement de  ces  oppresseurs  du  cœur  humain. 

Ce  grand  médecin  reconnaît  dans  tout  être 
vivant  quatre  penchans  innés  , qu’on  peut  envisa- 
ger comme  les  lois  primordiales  de  l'économie 
animale. 

Le  premier  est  l'instinct  de  conservation , celui 
par  lequel  l’animal  réagit  contre  les  causes  de 
destruction  et  résiste  aux  périls  qui  le  menacent. 

Le  deuxième  est  V instinct  d3 imitation , par  le 
secours  duquel  l’être  vivant  agrandit , fortifie 
ses  facultés  natives , et  perfectionne  en  quelque 
sorte  l’œuvre  de  la  création. 

Le  troisième  détermine  à rechercher  nos  sem- 
blables , à correspondre  avec  eux  par  une  mutuelle 
sympathie  , etc.  C’est  V instinct  de  relation. 

Le  quatrième  est  V instinct  de  reproduction , 


qui  a donne  naissance  à.  la  plus  noble  , à la  pins 
généreuse  des  passions  humaines. 

De  chacun  de  ces  penchans  notre  habile  pro- 
fesseur fait  découler  tous  les  phénomènes  du  sys- 
tème sensible , connus  sous  le  nom  de  passions. 
Ainsi , le  premier  donne  lieu  à V égoïsme,  cette 
maladie , malheureusement  trop  commune , qui 
compromet  souvent  les  intérêts  de  l’ordre  social 
et  qui  s’est  manifestée  sous  plusieurs  formes  à toutes 
les  époques  de  la  civilisation.  La  terrible  et  mémo- 
rable campagne  de  Russie  a offert  à nos  yeux  les 
effets  les  plus  épouvantables  de  cette  cruelle  pas- 
sion. 

Pendant  cette  affreuse  calamité  , le  soldat  mé- 
connaissait et  repoussait  son  général,  le  fds  fuyait 
son  père  en  danger  de  perdre  la  vie,  le  père 
abandonnait  ses  enfans  , chacun  enfin  ne  pensait 
qu’à  soi  ; l’horrible  moi  était  l’unique  pensée  de 
tous  ; et  encore  quelques  jours,  l’homme  le  plus 
doux  serait  devenu  le  plus  féroce  ; les  braves  de 
la  grande  armée  se  seraient  dévorés  entr’eux. 


L'instinct  d'imitation  fournit  l’émulation  , l’en- 
Vie,  l’ambition. 

L'instinct  de  relation  fait  naître  la  bienveil- 
lance , l’amitié , l’estime , la  considération , le 
mépris , la  moquerie , la  pitié , l’admiration , l’en- 
thousiasme , la  reconnaissance  , l’ingratitude  , la 
haine,  la  vengeance,  la  justice  , l’amour  de  la 
guerre,  l’amour  de  la  gloire,  l’amour  de  la  terre 
natale. 

JJ  instinct  de  reproduction  , enfin , engendre 
l’amour  conjugal  , l’amour  maternel  , l’amour 
filial. 

On  voit  donc  que  chaque  passion  tient  son  ori- 
gine de  chaque  instinct  ; en  effet , on  ne  saurait 
nier  que  c’est  dans  l’intention  seule  de  combler 
des  désirs  enfantés  par  des  besoins  innés,  ou  pro- 
duits par  l’état  de  civilisation , que  tous  les  hom- 
mes mettent  en  jeu  leurs  ressorts  pour  arriver  au 

souverain  bien  dont  ils  se  font  l’idée.  Ces  quatre 

* 

instincts  sont  donc  les  pivots  sur  lesquels  roulent 
toutes  nos  passions,  et  convenons  qu’il  serait  dif- 


1 15 

ficilc  de  mieux  les  suivre  que  ne  Fa  fait  M.  Ali— 
bert  , en  observant  le  mode  suivant  lequel  les 
impressions  agissent  sur  nous. 

De  cette  manière  de  voir  aussi  lumineuse  que 
physiologique , on  peut  conclure  que  certaines 
passions  existent  au  plus  haut  degré  chezl’homme, 
que  chez  lui  elles  agissent  sur  le  cerveau  , qui  les 
rend  plus  violentes  et  plus  nombreuses  ; et  qu’elles 
prennent  aussi  naissance  dans  le  système  nerveux 
de  la  vie  intérieure. 

Voyons  maintenant  comme  elles  agissent  pour 
apporter  le  trouble  dans  les  organes  et  leurs 
fonctions. 

On  ne  saurait  être  affecté  de  passion , sans  que 
ce  qui  se  passe  en  nous  ne  soit  indiqué  par  des 
changemens , soit  dans  les  traits  du  visage,  soit 
l’attitude  du  corps.  La  tête  en  entier  prend,  dans 
les  passions , des  dispositions  et  des  mouvemens 
diflérens. 


Elle  est  abaissée  dans  l’humilité,  la  honte  et  la 


tristesse  ; inclinée  vers  l’épaule  dans  la  langueur  et 
la  pitié  ; éle  vée  dans  l’arrogance  ; fixée  droite  dans 
l’opiniâtreté  , etc.  Si  nous  passons  à la  vie  inté- 
rieure, nous  voyons  que  la  colère  accélère  les  mou- 
vemens  du  cœur,  et  rend  la  circulation  plus  fré- 
quente. 

i 

Philippe  Y,  roi  d’Espagne,  apprend  la  défaite 
des  Espagnols  près  de  Plaisance , et  meurt  subite- 
ment • l’ouverture  de  son  corps  démontra  qu  il 
avait  succombé  à un  anévrisme  du  cœur. 

Un  général  de  nos  amis  à qui  Bonaparte  avait 
ordonné  d’enlever  une  redoute  , ne  peut  y par- 
venir malgré  sa  valeur  et  l’intrépidité  de  ses  sol- 
dats , il  tombe  mort.  L’autopsie  laisse  voir  une 
rupture  de  la  rate. 

Un  auteur  dramatique  meurt  subitement  pour 
n’avoir  pas  obtenu , pour  une  de  ses  productions , 
le  succès  sur  lequel  il  comptait.  L’autopsie  prouve 
qu’une  rupture  du  foie  a été  la  cause  de  la  cessa- 
tion de  la  vie  de  cet  auteur. 


La  plupart  des  phthisies  pulmonaires  qui  mois- 
sonnent à la  fleur  de  leur  âge , tant  de  jeunes  per- 
sonnes, n’ont  dans  beaucoup  de  cas  d’autre  ori- 
gine qu’un  amour  contrarié,  surtout  quand  on  est 
prédisposé  à celte  maladie  par  sa  constitution. 

Les  forces  digestives  présentent  aussi  des  plié— 
îiom'enes  morbides  dans  les  passions  qui  nous  agi- 
tent ; ne  ressent -on  pas  une  vive  impression  dans 
la  portion  pylorique  de  l’estomac  toutes  les  fois 
que  l’on  est  fortement  ému  ? La  digestion  n’est- 
elle  pas  souvent  interrompue  par  une  nouvelle 
agréable  ou  fâcheuse  ? 

La  nostalgie  n’affecte-t-elle  pas , et  très  pro- 
fondément, les  viscères  du  bas-ventre  ? Combien 
d’avortemens  produits  par  la  frayeur,  etc. 

Les  organes  glandulaires  éprouvent  également, 
de  la  part  des  passions , des  influences  marquées. 
La  bile,  dans  une  frayeur  subite,  cesse  de  couler 
dans  le  duodénum , et  les  lymphatiques  la  trans- 
portent dans  la  masse  des  humeurs  , qui  lui  doi- 
vent la  couleur  jaune  dans  Xict'erç. 


1 1 8 

Un  accès  de  colère  augmente  la  sécrétion  du 
Foie,  qui  est  rejetée  par  le  vomissement  ou  par 
les  selles  dans  le  cholera-morbiis , et  le  flux  bi- 
lieux. La  glande  lacrymale  sécrète  les  larmes 
en  abondance  dans  le  chagrin  et  dans  la  joie  , et 
les  physiologistes  ont  fait  remarquer  que  les  pei- 
nes morales  avaient  des  effets  moins  funestes 
quand  cette  sécrétion  avait  lieu. 

\ • 

L’exhalation  et  l’absorption , au  moyen  des- 
quelles s’opère  la  nutrition , éprouvent  égale- 
ment , par  l’effet  des  passions , des  altérations , 
mais  dont  on  ne  s’aperçoit  qu’à  la  longue.  Ci- 
tons encore  les  nostalgiques  qui  maigrissent  à vue 
d’œil.  Marc-Aurèle  Séverin  rapporte  que  le  sang 
sortit  de  toutes  les  ouvertures  du  corps  à une  re- 
ligieuse effrayée  de  se  voir  entourée  de  soldats 
■ennemis  qui  avaient  l’épée  nue  , et  qu’elle  mourut 
en  leur  présence. 

La  manière  plus  ou  moins  exacte  avec  la- 
quelle s’exécutent  les  fonctions,  est  souvent  liée  à 
un  état  variable  des  facultés  intellectuelles. 


1 r9 

Ne  sait-on  pas  que  souvent  le  sort  des  nations , 
en  bien  ou  en  mal , n’a  tenu  qu’à  l’exercice  facile 
ou  pénible  des  fonctions  digestives  des  hommes 
qui  les  gouvernaient?  Le  cardinal  de  Richelieu 
n’était  jamais  aussi  sévère  que  lorsque  les  fèces 
étaient  retenues  depuis  long-temps  dans  le  gros 
intestin. 

Il  n’est  pas  de  notre  ressort  de  nous  étendre 
longuement  sur  tous  les  préceptes  , tant  sages 
qu’absurdes  , donnés  par  les  philosophes  pour 
s’opposer  aux  passions  ; mais  il  entre  dans  notre 
sujet  d’en  parler  succinctement  , et  c’est  ce  que 
nous  ferons  au  chapitre  qui  traite  des  moyens  de 
prévenir  les  névroses;  car  enfin  s’opposer  aux 
passions , ou  tout  au  moins  les  atténuer,  c’est 
diminuer  le  nombre  de  plusieurs  des  maladies 
du  système  nerveux. 

7*  De  la  contagion.  Nous  avons  omis  à des- 
sein , en  parlant  des  causes  des  névroses  , de  faire 
mention  de  la  contagion.  iSlous  avons  voulu  en 
faire  un  article  à part , afin  de  bien  nous  fixer  sur 


I 20 


ce  qu’on  doit  entendre  par  maladies  contagieuses. 
Nous  n’avons  pas  la  prétention  d’éclaircir  la  dis- 
cussion qui  s’est  déjà  agitée,  et  qui  s’agitera  en- 
core au  sein  de  l’Académie  Royale  de  médecine 
(après  avoir  été  effleurée  à la  chambre  des  dépu- 
tés), et  sur  laquelle  le  très  érudit  Pariset  a rai- 
sonné avec  une  logique  si  fortement  serrée  , et 
appuyée  sur  des  faits  si  conclua ns  pour  ceux  qui 
ont  vécu  aussi  au  milieu  des  épidémies. 

Certes  si  on  s’attachait  exclusivement  an  mot 
contagion  pour  admettre  des  maladies  contagieu- 
ses , nous  convenons  qu’il  n’en  existerait  qu’un 
petit  nombre , attendu  qu’il  faudrait  toucher  im- 
médiatement le  malade,  ou  ses  vêtemens , pour 
contracter  sa  maladie  ; mais  ne  voit-on  pas  des 
affections  se  transmettre  par  des  miasmes , par  des 
corpuscules  malins,  par  la  cohabitation  avec  les 
personnes  sans  les  toucher  ? L’aspect  d’un  accès 
d’épilepsie  n’a-t-il  pas  occasioné  souvent  cette 
maladie  chez  des  sujets  qui  n’en  avaient  éprouvé 
aucune  atteinte  ? N’a-t-on  pas  vu  des  individus 
devenir  hydrophobes  par  le  seul  effet  de  l'imagé- 


I 2 i 


nation  terrorifiée  ? On  pourrait  en  citer  un  exem- 
ple tout  récent  et  bien  extraordinaire  j la  -ville  de 
Berlin  en  a été  frappée  de  stupeur. 

Ainsi , quand,  on  dit  qu’une  maladie  est  conta- 
gieuse , on  entend  et  on  doit  entendre  qu’elle  est 
transmissible , communicable,  par  d’autres  voies 
que  par  celle  du  toucher  seulement.  Si  on  Fai- 
sait mieux,  on  pourrait  dire  que  la  fièvre  jaune 
n’est,  pas  contagieuse  , mais  susceptible  d’être, 
transmise,-  ne  serait-ce  pas  avouer  qu’un  ou  plu- 
sieurs individus  venant  de  Saint-Domingue , des 
Antilles  ou  du  Mexique,  atteints  de  cette  fièvre,  et 
qui  seraient  établis  au  milieu  d’une  population  , 
infecteraient  à coup  sur  une  partie  de  celte  réu- 
nion , et  souvent  la  masse  tout  entière,  surtout 
si  elle  était  très  resserrée  dans  un  espace  peu  con- 
sidérable ? D’où  nous  concluons  que  les  mesures 
sanitaires  sont  indispensables , dussent-elles  même 
être  inutiles. 

MM.  Caillot  ( Traité  de  la  Jièvre  jaune ) et 
Bailly  ( Traité  du  typhus  d’ Amérique)  (pii  ont  vu 
ce  fléau  sur  le  théâtre  où  il  exerce  ses  plus  grands 

S 


I 11 


ravages,  annoncent  sa  contagion,  ou  plutôt  sa 
transmissibilité , par  le  détail  de  faits  incontes- 
tables, et  on  nous  permettra  de  nous  en  rapporter 
à eux,  conpne  à d’autres  médecins  dignes  de  foi 
qu’il  serait  inutile  de  citer  ici. 

Encore  une  fois , on  ne  peut  avoir  une  conta- 
gion si  on  n’en  est  imprégné , et  nous  ne  pen- 
sons pas  que  nous  , Français,  soyons  porteurs  du 
germe  de  la  lièvre  jaune.  Nous  n’avons  cetle 
maladie  que  quand  on  nous  l'a  donnée. 

Si  le  malheureux  Mazet , à l’exemple  de  son 
vertueux  et  intrépide  chef,  M.  Pariset , n’eût 
point  paru  à Barcelonne , il  n’aurait  point  été 
frappé  de  la  lièvre  jaune  dans  notre  capitale  ,• 

t 

et  si  l’on  n’eut  point  importé  cette  lièvre  à Bar- 
celonne, elle  ne  s’y  fut  point  déclarée,  puisqu’on 
n’y  remarque  jamais  cette  chaleur  brûlante  de 
Saint-Domingue,  ni  lieux  bas  et  marécageux  , 
ni  émanations  délétères  ( autres  que  celles 
qu’on  y introduit),  ni  un  air  constamment  hu- 
mide, ni  entassement  d’individus,  etc. , etc.  Cir- 


constances  sans  lesquelles  la  lièvre  jaune  ne  pour- 
rait se  développer. 

Un  corpuscule  pris  dans  le  lieu  où  cette  ma- 
lad  ie  fixe  habituellement  sa  résidence,  oii  sont 
contenus  les  foyers  primitifs  d’où  sortent  ses  élé- 
mens , est  importé  par  un  corps  poreux  quelcon- 
que , et  déposé  dans  une  cité  qui  ne  fut  jamais 
témoin  de  ce  lléau  ; en  voilà  assez  pour  que  tous 
ses  habitans , si  on  11e  se  hâte  de  prendre  des 
mesures  sévères,  soient  frappés  de  la  maladie 
dont  ce  corpuscule  est  le  germe. 

Pour  bien  s’assurer  du  nombre  réel  des  parti- 
sans de  la  contagion  de  la  fièvre  jaune,  dans  la 
chambre  des  députés  et  l’Académie  Rovale  de 
médecine,  il  faudrait  qu’un  ou  plusieurs  de  ces 
corpuscules  fussent  introduits  au  milieu  de  ces 
réunions  distinguées.  Nous  sommes  tenté  de 
cioue  que  les  issues  des  salles  qu  elles  occupent 
ne  seraient  ni  assez  larges,  ni  assez  multipliées. 

11  est  meme  douteux  que  la  fièvre  jaune  ne  soit 
pas  contagieuse  dans  la  force  du  mot . Cette  ques- 

8.. 


lion  ne  pouvant  donc  être  résolue  dans  l’état  ac- 
tuel de  la  science  , il  faut  prendre  des  mesures 
sanitaires. 

Que  vous  parquiez  vos  malades  en  plein  air 

comme  des  moutons , ou  qué  vous  les  séquestriez 

d’une  autre  manière  il  vous  faudra  toujours  avoir 
. « • 
recours  à des  précautions  coûteuses.  D’où  nous 

concluons  que  M.  Pariset  a raison  de  combattre 
une  idée  qui  pourrait  nous  donner  la  peste , c’est 
bien  assez  d’avoir  eu  la  guerre  et  presque  la  fa- 
mine. Nous  restons  donc  convaincu  que  ce  mé- 
decin distingué  , à Y abri  de  toute  corruption , 
veut  le  bien  de  son  pays  avant  celui  de  quelques 
spéculateurs. 

]Un  jour  on  lui  adressera  ces  mots  que  nous  lui 

adressons  d’avance  : 

Ecce  quant  magnas  hominum  cohortes  > 

G-audio  dulci  tihi  gratulantes 
Ut  deo } finem  gravi um  malorum  , 

Conslituenli. 

Fama  te  laudal , vo titans  per  urbes. 

Pallido  vultu furiosa  spargit , 

Noxium  vis  invidiæ  venenum  ; 

Nil  tibi  damni. 


Convenons  d’une  vérité , c’est  que  l’esprit  de 
parti  altère  même  les  choses  les  plus  naturelles  et 
conteste  les  laits  les  mieux  établis  ; convenons 
enfin  , que  les  hommes  d’un  mérite  transcendant 
trouvent  toujours  des  antagonistes , et  que  rien 
ne  coûte  aux  jaloux  pour  atteindre  leur  Lut , la 
célébrité  ; et  quelle  célébrité,  grand  Dieu!... 
On  a vu  de  ces  derniers  courir  jusqu’au-delà 
des  mers , pour  y mendier  une  opposition  comme 
on  en  voit  beaucoup  de  nos  jours,  celle  de  la 
fausseté  et  de  l’envie. 


■ 


■ 


* 


o^o^’oeff  «5^  0^ 


CHAPITRE  III. 


i . Diagnostic  des  névroses.  Beaucoup  de  mé- 
decins pensent  que  signe  et  symptôme  sont  sy- 
nonymes; ce  qui  le  prouve,  c’est  que  l’on  voit  dans 
toutes  les  nosographies  médicales  , même  les  plus 
modernes , qu’il  y est  presque  toujours  question 
des  causes,  des  symptômes,  du  pronostic,  du 
traitement,  mais  rarement  du  diagnostic.  Nous 
ne  pensons  pas  ainsi  ; il  existe  une  différence  mar- 
quée entre  les  deux  manières  de  distinguer  l’état 
de  maladie  de  1 état  de  santé  ; et  nous  croyons 
qu’il  faut  définir  le  diagnostic , la  connaissance 
plus  ou  moins  exacte  des  circonstances  qui  ont 
précédé  l’état  présent  de  la  maladie,  des  sensa- 
tions qu’éprouve  le  malade,  du  siège  delà  dou- 
leur qui  le  tourmente,  etc.  ; enfin  le  moment  où 
le  médecin  exerce  son  instinct,  s’il  en  a un,  où  il 
fait  1 application  des  sens  pour  reconnaître  l’en- 
nemi auquel  il  va  avoir  affaire.  Nous  verrons  plus 
tard  ce  qu’on  doit  entendre  par  symptôme-  Les 


signes  naissent  pour  ainsi  dire  avec  la  maladie  ; 
les  symptômes  n’apparaissent  <pie  dans  sa  marche. 

11  arrive  quelquefois  que  les  névroses  se  déve- 
loppent spontanément  ; mais  , le  plus  souvent , 
elles  sont  précédées  de  douleur,  de  tension,  de 
lassitude , de  pressenti  mens  sinistres , d’agitation , 
d’inquiétude  et  de  chagrin  sans  cause  connue , 
d’une  espèce  d’indifférence  pour  toutes  choses  , 
d’appétit  insatiable , ou  de  perte  totale  de  cette 
sensation. 

Cet  état  dure  plus  ou  moins  : la  maladie  se 
déclare  tout-à-coup  et  est  annoncée  par  les  signes 
suivans , savoir  : douleur  très  aiguë , indépendante 
de  toute  irritation  des  parties  voisines  ÿ horripila- 
tion légère  , suivie  d’une  chaleur  errante  qui  dure 
pendant  presque  tout  le  temps  de  la  maladie  ; 
quelquefois  vive  céphalalgie  qui  augmente  vers  le 
soir  , et  est  souvent  accompagnée  d’un  tinte- 
ment d’oreilles  qui  devient  par  la  suite  très  incom- 
mode 5 désordre  dans  les,  fonctions  vitales  $ pouls 
tantôt  faible  , tantôt  fort , d’autres  fois  lent  ou 


1 9-9 

accéléré , en  général  très  variable  ; langue  d’abord 
humide  et  blanchâtre,  qui  devient  bientôt  rouge, 
aride  , et  peut  par  la  suite  se  couvrir  d’un  enduit 
jaunâtre  ; tantôt  soif  ardente , tantôt  point  de  soif, 
quelquefois  horreur  pour  des  liquides,  et  impossi- 
bilité d’avaler  les  médicamens;  déglutition  gênée, 
d’autres  fois  même  impossible  ; vomissemens  de 
matières  âcres  ; respiration  tantôt  gênée , tantôt 
facile  ; stupeur,  sommeil  inquiet  et  agité  par  des 
rêves  fatigans ; lésion  des  facultés  intellectuelles, 
perte  de  la  mémoire,  délire  bruyant  ou  taciturne  , 
d’autres  fois  si  violent  qu’on  est  obligé  de  prendre 
des  mesures  sévères  pour  prévenir  les  accidens  qui 
pourraient  en  résulter  ; accès  de  manie  ou  stupi- 
dité profonde  ; réponses  brusques  ou  très  polies  , 
vue  afïaiblie  ou  exquise,  y eux  larmoyans  ou  secs, 
pupille  dilatée  ou  fortement  contractée , ouïe 
dure  ou  délicate  , rire  bruyant  et  sardonique  ; 
urines  très  claires  ou  troubles,  déjections  alvines, 
fétides  ou  presqu’inodores  ; tantôt  constipation  , 
tantôt  diarrhée  qui  soulage  ou  double  les  souffran- 
ces ; abandon  à des  frayeurs  pusillanimes,  ou  cou- 
rage excessif;  espérance  profonde  ou  désespoir  de 


la  guérison  au  moment  même  où  les  malades  pa- 
raissent n’avoir  rien  à craindre  ; soubresauts  des 
tendons  , mouvemens  convulsifs  , hoquet , quel-  - 
quefois  paralysie  universelle  ou  partielle  , froid 
extrême  ou  chaleur  brûlante  des  extrémités. 

Ici  , la  douleur  est  très  aiguë  et  affecte  un  seul 
nerf  ; là  , elle  est  moins  vive  et  se  fixe  dans  plu- 
sieurs nerfs  à-la-fois.  Somment  elle  s irradie  des 
branches  au  tronc  , d’autres  fois  de  celui-ci  aux 
dernières  ramifica dons. 

Tantôt  on  éprouve  de  la  chaleur , de  la  fluxion  , 
de  l’engourdissement , tantôt  des  frissons  et  de 
l’oppression. 

L’invasion  est  quelquefois  subite  , d’autres  fois 
très  lente.  Rarement  on  aperçoit  du  changement 
de  couleur  à là  peau , du  gonflement  ; une  lois 
seulement  nous  avons  aperçu  une  rougeur  légère. 

Tantôt  il  y a sensation  de  brûlure  , tantôt  c’est 
le  contraire  , on  dirait  même  que  de  la  glace  est 
appliquée  sur  la  partie  affectée. 


Chez  quelques  malades  la  douleur  est  passa- 
gère j chez  d’autres  elle  dure  une  heure , un  jour, 
un  mois , etc. 

2.  Symptômes.  Nous  entendons,  par  symptô- 
mes, tous  les  phénomènes  que  présente  une  mala- 
die, après  qu’elle  s’est  manifestée,  jusqu’à  sa  termi- 
naison. C’est  donc  l’observation  qui  nous  fournit 
ceux-ci.  Tandis  que  le  jugement  seul  peut  nous 
faire  apprécier  les  signes  diagnostiques. 

\ 4 

L’invasion  des  névroses , avons-nous  dit , a 
quelquefois  lieu  d’une  manière  prompte  , subite, 
et  sans  aucun  signe  précurseur  ; d’autres  fois  ces 
signes  précurseurs  ont  existé  plus  ou  moins  long- 
temps avant  le  moment  qui  voit  naître  la  maladie  ; 
elle  peut  se  développer  aussi  d’une  manière  moins 
rapide,  et  l’observateur  exercé  peut,  dans  beaucoup 
de  cas  , suivre  les  successions  de  ses  progrès  ; elle 
ne  parvient  pas  toujours  au  même  degré  d’in- 
tensité. 

Tantôt  on  aperçoit  de  la  morosité , de  la  tris- 
tesse, de  1 éloignement  pour  toute  espèce  d’amu- 


se  ment  , idée  dominante  sur  un  oi>jel  ^ sensibilité 
d’abord  exallée , s’affaiblissant  ensuite  de  jour  en 
jour , décadence  progressive  des  facultés  intellec- 
tuelles , perte  successive  de  la  mémoire , de  l’ima- 
gination , etc.  ; pouls  faible,  fréquent 5 chaleur 
sèche  à la  peau,  somnolence  ou  insomnie,  débilité 
générale  toujours  croissante  , spasmes  variés  , 
amaigrissement  rapide  , tendance  aux  leucophleg- 
inaties  et  à une  coliquation  générale;  quelquefois 
changement  heureux  par  quelque  consolation  mo- 
raie , etc. 

Tantôt  des  horripilations , des  lassitudes , des 
chaleurs,  des  variations  dans  l’état  du  pouls; puis 
surviennent  progressivement  des  vertiges , de  l’op- 
pression à la  région  du  cœur,  des  convulsions, 
des  douleurs  tétaniques , des  anomalies  dans  la 
chaleur  et  la  coloration  de  la  peau  , des  paroxys- 
mes irréguliers  à peine  sensibles  , etc. 

Les  symptômes  varient  en  général  d’après  les 
causes , quoique  plusieurs  névroses  présentent  des 
phénomènes  à-peu-près  sembla^es. 


Ainsi  , dans  celles-ci  , nous  voyons  le  serrement 
des  mâchoires,  la  distorsion  des  yeux  , la  contu- 
sion des  membres , des  hoquets  fréquens  , des 
vomissemens  spontanés  ; dans  celles-là , des  cris  , 
des  gestes  incohérens  , un  air  égaré  , la  perte 
totale  des  fonctions  des  sens. 

Dans  les  unes , lésion  des  facultés  affectives , 
tristesse  profonde,  ou  emportemens  violens  sans 
motifs  connus,  aversion  insurmontable  ou  passion 
effrénée  pour  certains  objets  ; la  morosité  la  plus 
sombre  ou  la  joie  la  plus  extravagante  et  la  plus 
évaporée,  tantôt  des  écarts  dans  les  fonctions  de 
l’entendement  ; tantôt  seulement  dans  la  percep- 
tion des  idées,  dans  l’imagination  ou  la  mémoire  ; 
tantôt  dans  la  marche  du  jugement  ou  du  raison- 
nement ; quelquefois  on  n’observe  aucun  déran- 
gement dans  la  raison , mais  une  impétuosité  aveu- 
gle et  un  penchant  irrésistible  à des  acles  de  vio- 
lence ou  de  barbarie. 

Quelques  malades  ont  les  idées  les  plus  singu- 
lières , les  illusions  et  les  superstitions  les  plus 
ridicules  qui  les  poursuivent  sans  cesse. 


D'autres  croient  leur  fortune  menacée;  ce  sont 
tantôt  des  craintes  et  des  terreurs  qui  n’ont  pas 
même  l’ombre  de  la  vraisemblance;  tantôt  c’est 
une  idée  chimérique  poursuivie  avec  une  fixité  et 
une  opiniâtreté  extrêmes,  etc. 

3.  Pronostic.  Le  danger  des  névroses  étant 
toujours  relatif  à l’intensité  de  l’action  nerveuse 
de  ceux  qui  en  sont  atteints , à l’âge , au  sexe , aux 
diverses  affections  de  l’âme  , aux  lieux  plus  ou 
moins  froids,  chauds  ou  humides,  qu’habitent  les 
malades  , le  pronostic  sera  d’autant  plus  fâcheux 
à porter  que  les  malades  seront  plus  nerveux, 
qu’ils  seront  plus  ou  moins  âgés  , qu’ils  auront  le 
moral  plus  affeclé  , qu’ils  auront  commis  plus 
d’excès  de  régime  , qu’ils  auront  plus  abusé  des 
jouissances  de  la  vie,  qu’ils  seront  plus  faibles, 
et  enfin  qu’ils  habiteront  des  lieux  plus  propres  à 
faire  naître  ou  à développer  les  maladies  du  sys- 
tème nerveux. 

Certaines  névroses  sont  toujours  des  maladies 
très  graves  , lors  même  qu’elles  sont  susceptibles 
de  traitement.  Il  faut,  dans  certains  cas,  une 


grande  sagacité  pour  remonter  aux  causes  cachées 
qui  ont  pu  les  produire  ; souvent  même  les  moyens 
qu’on  emploie  sont  infructueux  , et  les  malades 
restent  pour  toujours  privés  de  la  tranquillité 
nerveuse  , ou  de  l’usage  de  certaines  fonctions  de 
l’entendement.  Quelques  praticiens  fameux  vont 
jusqu’à  dire  qu’elles  sont  tout-à-fait  au-dessus 
des  ressources  de  l’art. 

* 

Les  névroses  dépendantes  d’affections  gastri- 
ques sont  les  plus  faciles  à vaincre  , ainsi  que  les 
métastatiques.  Les  périodiques  offrent  aussi  plus 
d’espoir  de  guérison  que  celles  qui  persistent  sans 
aucune  interruption  y en  général  , toute  névrose 
qui  se  déclare  lentement,  d’abord  avec  un  accrois- 
sement de  sensibilité  des  nerfs  , puis  avec  dimi- 
nution graduelle  jusqu’à  l’extinction  de  celle-ci, 
est  d’un  mauvais  présage  ; on  peut,  au  contraire, 
espérer  de  celles  dont  l’invasion  est  subite. 

On  doit  ranger  parmi  les  névroses  incurables 
de  la  vue , celles  dans  lesquelles  la  pupille  est 
immobile  sans  être  dilatée  , mais  qui  a perdu  sa 
forme  circulaire,  ou  qui  est  dilatée  au  point  de 


i3  6 

simuler  l’absence  de  l’iris  , dont  le  bord  est  eu 
outre  inégal,  frangé  j c’est  l’opinion  de  Scarpa. 

L’observation  prouve  qu’on  a tout,  à craindre 
des  névroses  qui  sont  accompagnées  de  douleurs 
de  tête,  d’un  sentiment  de  tension  dans  les  globes 
visuels  ; celles  qui  ont  été  précédées  d’une  incitation 
violente  et  prolongée  dans  tout  le  système  nerveux  , 
de  faiblesse  générale , de  langueur  de  la  constitu- 
tion entière  ; celles  qui  sont  précédées  ou  accom- 
pagnées d’accès  épileptiques,  de  fréquentes  migrai- 
nes celles  qui , outre  leur  ancienneté  , sont  la 
suite  de  secousses  violentes  du  système  sensible , 
de  déchirure  , de  vive  contusion  d’un  nerf,  enfin 
la  désorganisation  de  quelque  partie  cérébrale, 
ou  d’un  nerf  considérable.  Les  personnes  avan- 
cées en  âge  , et  qui , dans  leur  jeunesse  , ont  eu 
les  nerfs  laibles,  ne  doivent  pas  se  flatter  non  plus 
de  guérir. 

La  différence  du  siège  des  névroses  rend  aussi 
le  pronostic  plus  ou  moins  favorable  ; il  en  est  de 
même  de  leur  complication. 


I 


i3  7 

4-  ComjAications.  Les  névroses  ne  se  présen- 
tent pas  toujours  dans  l’état  de  simplicité  , elles 
sont  susceptibles  de  se  compliquer  avec  toutes  les 
maladies  dont  l’espèce  varie  d’après  diverses  cir- 
constances , telles  que  le  caractère  de  la  constitu- 
tion atmosphérique  , les  dispositions  individuel- 
les , la  méthode  suivie  dans  le  traitement;  ainsi 
la  goutte , les  fièvres  primitives  , bilieuse  , mu- 
queuse , adynamique,  ou  maligne;  avec  le  typhus, 
la  gastro-entérite  et  toutes  les  inflammations  ; 
quelquefois  avec  le  scorbut,  l’hydropisie,  l’ic- 
tère , les  maladies  locales,  etc.  Très  souvent  elles 
se  compliquent  entr’elles , avec  le  rhumatisme 
surtout , et  même  se  succèdent  et  se  remplacent 
alternativement. 


9 


I . 


» ' 
. ,<M  -•  * 


- 


- r -,  ’ » 


! , * t 


■ ; ■ ‘ ' »4.  . ■ ,*  : 

» > 


. 


CHAPITRE  IV. 

# 

I 

Traitement. 

Nous  avons  divisé  le  traitement  des  névroses 
en  préservatif  et  en  curatif.  Le  premier  consiste 
dans  l’application  sagement  dirigée  des  préceptes 
de  l’hjgiène  ; le  second  dans  l’administration 
éclairée  des  moyens  pharmaceutiques  et  dans 
l’emploi  des  procédés  chirurgicaux. 

i.  Traitement  préservatif.  L’hygiène  est  l'art 
de  prévenir  les  maladies  ; c’est  sans  doute  la  meil- 
leure définition  que  l’on  puisse  donner  de  cette 
partie  essentielle  de  l’art  de  guérir  , car  l’hygiène 
peut  meme  diminuer  la  gravité  des  affections  qui 
sont  transmises  par  les  parens  ou  des  nourrices 
impures. 


a.  Le  sujet  chez  lequel  le  tempérament,  la  cons- 

v 


9" 


titution  et  les  signes  qui  annoncent  et  précèdent 
le  plus  souvent  les  névroses , viendront  se  réunir, 
et  qui  se  trouvera  dans  des  conditions  peu 
ou  moins  favorables  à leur  développement,  devra 
éviter,  autant  que  possible , de  s’exposer  aux  tem- 
pératures extrêmes,  aux  fortes  variations  qu’elles 
peuvent  éprouver.  Les  temps  très  froids  et  humides, 
très  chauds  et  secs  , lui  seront  également  contrai- 
res ; il  évitera  aussi  de  respirer  un  air  chargé 
de  particules  odorantes,  principalement  dans  les 
endroits  où  il  n’a  pas  un  libre  cours  ; celui  des 
appartemens  chauffés  avec  des  poêles  ne  lui  con- 
vient pas  non  plus,  surtout  s’ils  le  sont  avec  du 
charbon  minéral , etc. 

b.  Dans  le  choix  de  ses  vêtemens  il  doit  re- 
chercher, autant  que  faire  se  peut,  ceux  qui,  sans 
surcharger  le  corps,  le  garantissent  du  froid  et 
le  maintiennent  à un  degré  moyen  de  tempé- 
rature . 

c.  Les  sujets  nerveux,  de  constitution  irritable, 
qui  se  troirs  ent  dans  des  circonstances  propres  à 


i4r 

faire  redouter  les  névroses,  devront  éviter  soi- 
gneusement le  moindre  excès  , soit  dans  le  boire, 
soit  dans  le  manger,  faire  un  choix  convenable 
d’alimens  et  régler  les  heures  de  leurs  repas.  Ils 
adopteront  en  général  le  régime  végétal  et  écar- 
teront avec  soin  tout  assaisonnement  recherché , 
surtout  ceux  où  il  entre  des  substances  irritantes  ; 
ils  pourront  manger  du  poisson , mais  avec  modé- 
ration, évitant  ceux  qui  sont  gras  , huileux,  salés 
ou  fumés,  et  difficiles  à digérer.  Parmi  les  viandes 
dont  ils  useront  aussi  en  petite  quantité,  ils  choisi- 
ront celles  qui  sont  blanches  et  d’une  facile  diges- 
tion , telles  que  celles  de  poulet,  de  veau  , d’a- 
gneau , etc.  Ils  devront  s’abstenir  de  toutes  les 
boissons  échauffantes  ; l’eau  pure  ou  rougie  avec 
un  peu  de  vin,  ou  une  tierce  légère,  seront  les 
seules  qu’ils  devront  se  permettre  ; si  cependant  il 
en  coûtait  trop  au  malade  pour  déraciner  de  vieilles 
habitudes,  il  ne  faudrait  chercher  a les  détruire 
que  graduellement;  et,  en  les  affaiblissant  un  peu 
chaque  jour,  on  finirait  par  les  faire  disparaître. 
Quant  au  nombre  des  repas,  on  doit  en  faire  au 
moins  trois  par  jour,  en  bien  partageant  son 


I Z|3 

temps  dans  la  vue  de  moins  charger  l’estomac. 
Le  matin , par  exemple,  de  huit  à neuf  heures 
un  repas  très  léger  ; d’une  heure  à deux  , le  prin- 
cipal repas;  et  le  soir,  de  six  à sept,  le  troisième 
qui  sera  très  frugal  , en  ayant  la  précaution  de 
ne  se  coucher  que  lorsque  la  digestion  en  sera 
laite. 

Les  sujets  très  faibles  ou  détériorés,  soit  par 
des  maladies,  soit  par  des  chagrins,  la  mauvaise 
nourriture,  etc.  , qui  se  trouveront  dans  des  cir- 
constances autres  que  celles  dont  nous  venons  de 
parler,  devront  par  conséquent  suivre  un  régime 
tout  opposé , et  le  but  sera  ici  de  chercher  à réta- 
blir les  forces. 

On  pourra  y parvenir  par  le  choix , la  quantité 
et  la  manière  d’user  des  alimens  : ainsi,  parmi  les 
solides,  règle  générale,  on  devra  choisir  ceux  qui, 
sous  un  petit  volume , contiennent  une  très  grande 
quantité  de  parties  nutritives , et  sont  d’une  facile 
digestion;  parmi  les  végétaux,  le  riz,  etc.  ; 
parmi  les  viandes,  celles  des  animaux  adultes  ; 


i43 

on  devra  conseiller  les  bons  consommés  de  vo- 
laille. 

Les  vins  généreux  et  qui  passent  facilement 
sans  occasioner  d’aigreur  ni  de  rapports  désagréa- 
bles , seront  les  boissons  préférées  j le  vin  de  Bor- 
deaux par  exemple  ; si  la  fortune  du  malade  le 
lui  permet  , l’usage  des  vins  de  Frontignan  , 
de  Malaga,  etc.  Le  médecin  ne  saurait  trop, 
dans  ce  cas,  chercher  à connaître  quel  est  le  de- 
gré de  force  des  organes  digestifs,  pour  bien 
leur  proportionner  la  qualité  et  la  quantité  des 
alimens  et  boissons  qu’il  veut  soumettre  à leur 
influence. 

d.  On  veillera  à ce  que  toutes  les  excrétions , 
tous  les  émonctoires , etc. , soit  qu’ils  dépendent 
de  l’etat  de  santé,  soit  qu’ils  doivent  leur  nais- 
sance à un  état  de  maladie  antérieur  ou  à quel- 
ques procédés  de  l’art,  11e  soient  jamais  suppri- 
més, ou  ne  le  soient  au  moins  qu’avec  les  plus 
grandes  précautions.  Dans  le  cas  où  leur  sup- 
pression viendrait  à avoir  lieu  en  totalité  ou  en 


i44 

partie,  et  où  elle  serait  suivie  de  quelques  signes 
précurseurs  de  névrose,  on  ne  négligera  rien 
pour  tâcher  de  les  rétablir  le  plus  promptement 
possible,'  on  y suppléera  par  les  moyens  que  l’on 
jugera  les  plus  convenables. 

Nous  venons  de  tracer  une  des  réglés  géné- 
rales du  traitement  préservatif  des  maladies  ner- 
veuses, pour  laquelle  on  ne  saurait  avoir  trop 
d’égards  ; elle  est  susceptible  des  plus  grands  dé- 
veloppemens , dans  lesquels  nous  serions  entré 
si  nous  n’eussions  craint  de  donner  trop  d’é- 
tendue à notre  travail. 

e.  Les  individus  qui  sont  menacés  de  névroses 

devront  éviter  de  prendre  leur  repos  dans  des 

lits  mous  et  faits  de  plume  ; les  sommiers  de 

crin,  et  surtout  les  paillasses  garnies  de  plantes 

desséchées,  telles  que  la  fougère,  les  feuilles 

de  blé  de  Turquie,  leur  conviendront  beaucoup 

mieux  : ils  devront  aussi  ne  point  trop  proion- 
* 

ger  leur  sommeil  et  se  lever  dès  le  matin.  Pen- 
dant la  journée  ils  feront  un  exercice  modéré, 


i45 

i 

soit  à pied,  soit  à cheval,  soit  en  voiture; 
car  c’est  dans  l’inaction  et  la  mollesse  que  cer- 
taines maladies  nerveuses  ont  leurs  principales 
causes,  et  d’autres  leur  résistance  à toutes  les 
ressources  de  l’art. 


« C’est  là  que  sur  un  lit , aux  soucis  consacré. 
Le  cœur  gros  de  soupirs  , triste  , pâle  , rêveuse , 
Repose  mollement  la  déesse  quinteuse  : 

La  douleur  la  retient  attachée  au  duvet. 

Et  la  sombre  migraine  assiège  son  chevet.  » 

( Marmontel  ). 


f Ces  mêmes  personnes  devront  éviter  les  vio- 
lentes agitations  de  l’âme  et  la  forte  contention 
de  l’esprit  ; elles  devront  rechercher  les  sociétés 
et  les  conversations  agréables,  qui  leur  seront  fort 
utiles  en  les  tirant  de  l’état  d’inquiétude  auquel 
elles  sont  fort  disposées. 

i 

JN  allons  pas  plus  loin  : le  traitement  préserva- 
tif consiste  à éviter  enfin  les  causes  dont  nous 
avons  parlé;  mais,  sans  bonnes  lois,  l’hygiène  ne 
serait  qu’un  moyen  que  chacun  interpréterait  à 


sa  manière,  et  qui , par  conséquent,  n’atteindrait 
que  rarement  le  but  que  la  médecine  s’est  pro- 
posé , la  conservation  de  la  santé. 

C’est  donc  aux  gouvernemens,  par  des  lois  sagcs^ 
(appropriées  à l’état  de  civilisation  pris  où  on  l’a 
laissé  venir),  et  à l’exécution  desquelles  ils  doi- 
vent prêter  une  main- forte,  à veiller  à l’observa- 
tion des  préceptes  de  l'hygiène,  qui  contribuent 
pour  beaucoup  à la  force  et  à la  félicité  des  peu- 
ples. Il  est  constant  pour  nous,  qu’en  ne  s’écar- 
tant jamais  de  ces  règles,  les  gouvernemens  ne 
feraient  que  de  bonnes  lois , et  éviteraient  cons- 
tamment les  secousses  politiques , comme  les  ef- 
fets des  révolutions  physiques. 

Voyons  d’abord  ce  qu’on  doit  entendre  par 
gouvernement,  et  quel  est  celui  qui  convient  le 
mieux  à la  France  actuelle. 

Gouverner,  c’est  régir,  conduire  avec  sagesse, 
justice  et  fermeté. 

Si  les  princes  appelés  par  la  Providence  à di- 


riger  leurs  semblables,  les  considéraient  toujours 
comme  des  convalescens  près  de  faire  une  re- 
chute, il  serait  rare  que  les  empires  éprouvassent 
des  bouleversemens  ; on  n’y  verrait  régner  que 

t 

1 obéissance  , le  calme,  l’abondance  et  la  félicité. 

L’art  de  gouverner  n’est  donc  que  Fart  de  gué- 
rir ou  de  prévenir  des  désordres.  Lorsqu’en  mé- 
decine nous  avons  une  maladie  à combattre , et 
que  nous  voulons  nous  opposer  à son  retour,  nous 
cherchons  quelle  est  la  méthode  de  traitement  la 
plus  convenable,  en  consultant  l’âge,  le  tempé- 
rament, les  habitudes,  les  mœurs  du  malade, 
le  climat  sous  lequel  il  vit  ; et  lorsque  nous  a vons 
trouvé  cette  méthode,  nous  nous  gardons  bien 
de  nous  en  écarter,  parce  que,  hors  d’elle,  on 
retrouve  les  accidens  qu’on  était  parvenu  à dé- 
truire ou  à diminuer. 

Il  faut  que  le  roi  d’un  pays  soit  légitime,  de 
même  qu  il  importe  qu’un  médecin  ait  les  qua- 
lités requises  pour  diriger  des  malades  : la  légiti- 
mité est , pour  les  souverains,  ce  qu’est  le  diplôme 


pour  le  médecin  ; la  différence  est  que  celui-ci 
tient  son  titre  d’autres  hommes,  et  que  les  rois 
légitimes  reçoivent  leurs  lettres  - patentes  de 
Dieu. 

Mais  de  même  qu’un  médecin  ne  peut  pas 
toujours  se  passer  des  lumières  de  ses  confrères, 
de  même,  sentant  le  besoin  d’auxiliaires,  un 
monarque  vraiment  grand,  vraiment  législateur, 
institua  en  France  le  gouvernement  constitu- 
tionnel, pour  l’aider  à faire  sortir  sa  patrie  de 
la  position  affreuse  où  les  révolutions  précé- 
dentes l’avaient  placée. 

Mais  cette  constitution  fut  conçue  et  rédigée 
à la  hâte,  comme  cela  arrive  quelquefois  aux 
consultations  médicales.  Il  s’en  est  suivi  que  la 
maladie  a résisté  et  fait  d’alarmans  progrès , c’est- 
à-dire  , que  la  France  est  encore  agitée  , souf- 
frante, inquiète  plus  que  jamais. 

/ 

Que  reste-t-il  à faire  ? il  faut  revoir  la  consul- 
tation , la  revoir  avec  attention,  avec  sang-froid; 


*4g 

lui  appliquer  les  résultats  de  l’expérience,  on 
n’appelant  que  des  médecins  habiles,  profonds, 
de  vrais  amis  de  riiumanité. 

i 

Loin  de  nous  l'intention  de  vouloir  être  com- 
pris au  nombre  de  ces  derniers  ; mais  nous  osons 
émettre  ici  quelques  idées  qui  pourront  peut-être 
en  faire  naître  de  plus  avantageuses. 

Ainsi,  des  lois  qui  s’occuperaient  du  mariage, 
du  régime  et  des  égards  dus  aux  femmes  encein- 
tes, d’un  bon  système  d’éducation  publique, 
enfin  d’une  police  médicale  en  harmonie  avec 
notre  position  sociale,  sauveraient  les  généra- 
tions futures  des  maladies  les  plus  redoutables 
pour  les  masses  comme  pour  les  individus. 

Quanta  la  génération  actuelle,  il  ne  faut  plus 
penser  à la  rendre  meilleure  ; il  faut  l’user  telle 
qu’elle  est , en  opposant  toutefois  des  digues  so- 
lides à ses  débordemens. 


Ces  lois  assureraient  le  repos  et  la  gloire  du 


V # 

100 

« 

gouvernement , en  ajoutant  aux  titres  déjà  si 
nombreux  que  les  Bourbons  ont  acquis  à la  re- 
connaissance de  la  France. 

% 

À.  Mariages.  Comment  un  gouvernement  qui 
a le  sentiment  de  sa  conservation  et  de  l’intérêt 
qu’il  doit  aux  peuples  qu’il  régit,  peut-il  tolérer 
des  unions  d’où  ne  peuvent  provenir  que  des 
avortons  ou  des  idiots,  des  scrophuîeux  ou  des 
rachitiques,  etc.  Qu’on  examine  les  différentes 
nations  chez  lesquelles  les  lois  ont  été  et  sont  en- 
core les  plus  sévères  sur  le  mariage,  et  que  I on 
en  compare  les  individus  à ceux  des  états  où  l’on 
est  moins  rigide  sur  l’union  conjugale. 

Eh  quoi  ! on  a su  établir  que  le  défaut  d’âge, 
certains  degrés  de  parenté,  le  défaut  de  con- 
sentement et  l’état  de  démence,  seraient  des  mo- 
tifs de  prohibition  du  mariage,  et  on  n aurait  pas 
le  courage  de  déclarer,  comme  tels,  l’épilepsie,  les 
dartres  non  curables,  la  syphilis  invétérée,  les 
difformités  graves,  la  phthisie  pulmonaire,  l’idio- 
tisme, la  manie,  l’âge  trop  avancé,  etc. 


*i5i 

Les  Germains  et  les  Spartiates  attendaient  l’âge 
de  trente  ans  pour  marier  les  hommes , et  celui 
de  vingt  pour  les  femmes.  Nous  devrions  suivre 
l’exemple  de  ces  peuples  pour  les  dernières,  surtout 
quand  elles  sont  délicates  : les  filles  mariées  trop 
jeunes  , en  France,  si  elles  ont  des  enfans  aussitôt 
après  leur  union,  tombent  dans  l’épuisement  et 
n’élèvent  que  de  faibles  rejetons.  Quant  aux  gar- 
çons, nous  croyons  qu’on  peut  les  marier  plus  tôt 
afin  d1  éviter  les  suites  qu’entraînent  quelques  vi- 
ces auxquels  les  garçons  pubères  se  livrent  en  gé- 
néral dans  notre  pays. 

On  devrait  être  aussi  exigeant  pour  l’âge  trop 
avancé.  11  est  prouvé  que  les  vieillards  ne  peu- 
vent avoir  qu’une  chétive  postérité.  Nous  savons 
qu’il  est  des  exceptions  , mais  ici  les  êtres  privilé- 
giés ne  doivent  pas  être  pris  pour  exemples. 

Les  sciences,  les  arts  , le  commerce,  les  mœurs 
gagneraient  à ces  additions  faites  à nos  lois.  Le 
pays  aurait  des  hommes  vigoureux  et  capables  de 
l’illustrer  ; des  générations  entières  ne  seraient  plus 


M • 

102 

infectées  ; les  demandes  de  nullité  et  de  sépara- 
tion retentiraient  moins  souvent  dans  nos  tribu- 
naux ^ puisque  le  lit  nuptial  ne  serait  plus  le 
théâtre  ou  le  scandale  et  la  honte  se  donnent  si 
souvent  rendez-vous . 

B . Régime  des  femmes  enceintes  et  égards  qui 
leur  sont  dus.  Un  gouvernement  civilisé  doit , 
plus  qu’on  ne  paraît  le  penser  s’occuper  de  ces 
objets.  La  première  chose  à faire  serait  d’établir 
dans  chaque  chef-lieu  de  canton , au  moins , un 
médecin  - accoucheur  instruit,  quand  même  il 
faudrait  que  le  trésor  le  rétribuât.  Une  popula- 
tion saine  et  vigoureuse  est  la  première  fortune 
d’un  état. 

Ce  médecin  serait  spécialement  chargé  d’éclai- 
rer l’autorité  locale  sur  tout  ce  qui  serait  utile 
à la  salubrité  publique , de  surveiller  les  fem- 
mes enceintes,  les  nouveaux-nés , en  les  visitant 
fréquemment. 

Pourquoi  le  législateur  n’exigerait -il  pas  que 
les  femmes  enceintes  fussent  aussi  prudentes  que 


i53 

Je  demande  leur  état?  ne  lui  appartiendrait- il 
pas  de  leur  défendre,  par  exemple,  de  se  livrer 
à un  travail  pénible  et  fatigant?  de  fréquenter 
toutes  les  réunions  où  elles  peuvent  éprouver  des 
accidens  divers,  et  se  priver,  par-là,  de  don- 
ner à la  patrie  des  soutiens  qui  auraient  pu  lui 
rendre  des  services  importans? 

On  nous  dira  que  c'est  à la  nature,  à la  reli- 
gion , à l’éducation , à ramener  les  femmes  en- 
ceintes à ces  principes  de  conservation  du  fruit 
qu'elles  portent  ; mais  quand  ces  liens  sacrés  ne 
suffisent  pas  , ne  faut- il  pas  avoir  recours  à la 

f r • r O 

sevente  r 

La  nature  , la  religion  ne  veulent  pas  non  plus 
qu’on  assassine , qu’on  empoisonne  ; laisserez- 
vous  ces  meurtres  impunis  ? 

Le  respect  dû  aux  femmes  enceintes  a été  aussi 
un  sujet  de  méditation  pour  les  premiers  mora- 
listes. En  parcourant  l’histoire  des  plus  anciens 
peuples,  nous  avons  vu  que  chez  celui-ci  le  cri- 


IÛ 


mine] , trouvé  chez  une  femme  grosse,  était  mé- 
nagé ; chez  celui-là,  contre  les  usages  les  plus 
sévères , elle  pouvait  se  nourrir  de  ce  qui  lui 
convenait;  chez  l’autre , les  femmes;  supposées 
enceintes,  recevaient  les  mêmes  égards  que  les 
magistrats  devant  lesquels  on  devait  s’arrêter. 

L’Église  catholique , enfin,  a constamment  dis- 
pensé, des  jeûnes,  les  femmes  devenues  grosses. 

On  nous  reprochera,  peut-être,  de  confondre 
la  société  domestique  avec  la  société  civile,  qui 
effectivement  ont  des  lois  différentes  et  dont  le 
gouvernement  n’est  pas  le  même  ; mais  en  amé- 
liorant la  première,  ne  perfectionne- t-on  pas  la 
seconde  ? 

N’est-il  pas  honteux,  pour  un  gouvernement 
policé,  de  permettre  à des  mendians,  diversement 
mutilés  ou  simulant  des  infirmités  hideuses , de 
parcourir  les  rues,  les  promenades  publiques,  où , 
à l’aspect  de  ces  malheureux , les  femmes  gros- 
ses surtout  sont  exposées  à des  secousses  terribles 


v v 
100 

pour  elles  et  leurs  en  fans  ; que  de  maladies  épi- 
leptiformes doivent  leur  origine  à cette  cause  ! 

Nous  en  dirons  autant  des  tableaux  qu’on  ex- 
pose aux  regards  du  public,  et  des  li  vres,  plus  ou 
moins  obscènes,  que  des  libraires  avides  vendent 
ou  louent  aux  femmes  dont  l’imagination  est  si 
susceptible  de  s’exalter. 

Nous  demanderons  encore  : par  quelle  fatale  in- 
curie laisse-t-on  (en  Fiance  seulement)  errer  les 
buis  dans  les  villes  et  les  campagnes  ? La  dé- 
mence, sans  doute,  n’est  point  un  crime;  mais 
vous  pouvez  , sans  cesser  d’être  humain , nous 
préserver  des  fureurs  auxquelles  se  livrent  les 
aliénés  abandonnés  à eux-mêmes. 

C.  Education  physique  ou  corporelle . De  notre 
première  éducation  physique  , datent  la  santé 
dont  nous  jouirons  ou  les  maux  auxquels  nous, 
serons  en  proie;  les  mœurs,  bonnes  ou  mauvaises, 
que  nous  apporterons  dans  la  société  lorsque  nous 
serons  appelés  à y figurer. 

JO., 


Ce  sont  surtout  les  maladies  nerveuses  qui  se 
développent  plus  facilement  sous  l’inlluence  d’une 
mauvaise  éducation,  d’abord  physique  et  ensuite 
morale  , parce  quelles  engendrent  les  constitu- 
tions faibles,  l’excès  de  sensibilité,  les  imagina- 
tions mobiles,  les  névroses  enfin. 

D.  Nourrices.  Notre  principal  gouvernement , 
dit  Montaigne , est  entre  les  mains  des  nourrices. 
Les  hommes , dit  La  Bruyère , se  piquent  d’é- 
lever de  beaux  chevaux , d’avoir  des  chiens  par- 
faitement dressés  , de  posséder  des  troupeaux 
nombreux  d’animaux  qu’ils  ont  perfectionnés. 
Qu’on  y prenne  garde  cependant,  s’écrie  un  pen- 
seur célèbre , de  la  manière  dont  sont  élevés  les 
eafans  dépend  le  sort  des  empires-,  et  si  l’on* né- 
glige de  rendre  les  premiers  d’abord  sains  et  vi- 
goureux et  ensuite  vertueux  , les  trônes  s’écrou- 
lent tôt  ou  tard,  et  entraînent  dans  leurs  chutes 
les  souverains  et  les  sujets. 

Pourquoi  le  législateur  n’imposerait-il  pas  aux 
mères,  qui  jouissent  d’une  bonne  santé,  le  devoir 


île  nourrir  leurs  enfans  lorsque  la  voix  de  la  na- 
ture n’a  pu  les  porter  à remplir  cette  obligation 
sacrée?  L’intérêt  de  l’enfant,  celui  de  la  mère  et 
de  la  société  tout  entière,  réclament  à grands  cris 
une  loi  qui  force  les  mères  à allaiter  elles-mêmes. 
Les  femelles  des  animaux  cèdent-elles  volontiers 
ce  soin  précieux  à d’autres  ? 

Il  est  cependant  quelques  circonstances  où  l'al- 
laitement maternel  doit  être  proscrit.  Heureuse- 
ment elles  sont  rares,  à la  honte  de  ces  femmes  qui 
croient  avoir  atteint  le  terme  de  la  maternité , 
parce  qu’elles  ont  mis  au  jour  l’enfant  qu’elles 
portaient. 

Le  législateur  devrait  être  aussi  sévère  pour  les 
femmes  qui  veulent  nourrir  sans  le  pouvoir  (mais, 
il  faut  le  dire  , il  n’aurait  pas  souvent  occasion  de 
déployer  sa  rigueur)  que  pour  celles  qui  s’obsti- 
nent à ne  pas  être  tout-à-fait  mères,  quoiqu’elles 
aient  toutes  les  qualités  requises  pour  remplir 
cette  si  douce  et  si  consolante  loi  de  la  nature. 


Enfin,  lorsqu’on  est  contraint  d’avoir  recours 


1 58 


à clés  nourrices  étrangères,  celles-cr  devraient  être 
examinées  et  surveillées  avec  une  scrupuleuse 
attention,  tant  pour  les  indigens  cpie  pour  les  ri- 
ches. 

Serait- il  bien  difficile  et  très  coûteux  d’éta- 
tablir  des  comités  chargés  d’une  mission  sembla- 
ble et  si  honorable  pour  un  gouvernement?  L’État 
ne  devrait-il  pas  faire  quelques  sacrifices  pour 
atteindre  un  but  si  utile  , l’amélioration  de 
l’espèce  ? 

L’éducation  physique  de  1 homme  doit  donc 
commencer  dès  le  moment  de  la  grossesse,  et 
fixer  toute  l’attention  d’un  gouvernement  sage  et 
éclairé.  Mais  il  faut  obliger  les  parens  et  auto- 
riser des  médecins  instruits  à s’occuper  spéciale- 
ment des  maladies  héréditaires  en  surveillant  les 
nouveaux-nés , sous  le  rapport  de  la  nourriture  , 
du  sevrage  , des  dilformités  qu’ils  présentent,  du 
maillot,  de  l'air  dans  lequel  ils  vivent,  de  1 ha- 
billement, de  la  chaussure,  etc.  ; c’est  ainsi  qu’on 
préviendrait  la  dégénération  du  genre  humain  , 


car  ce  serait  un  premier  pas  de  son  organisation 
vers  un  degré  de  perfection  raisonnable. 

Lorsque  les  enfans  de  l’un  et  l’autre  sexe  sont 
parvenus  à l’age  de  puberté , ils  doivent  être  sur- 
veillés avec  le  même  soin  à cause  de  la  révolution 
qui  s’opère  à cette  époque  dans  tout  l’organisme. 

L’exercice  , à cét  âge , doit  être  pris  modéré- 
ment. Les  anciens  législateurs  sentaient,  mieux 
que  nous,  les  avantages  d’une  constitution  robuste 
et  d’une  santé  florissante  ; aussi  exigeaient-ils  que 
les  parens  obligeassent  leurs  enfans  à des  exer- 
cices réguliers , à l’usage  des  alimens  grossiers  , 
etc.  Qu’on  lise  Xénophon,  qu’on  parcoure  même 
jVlontaigne  , qui  partageait  les  vues  de  l’écri- 
vain grec , si  l’on  veut  faire  de  bonnes  lois  sur 
l’éducation  physique  des  peuples. 

Les  lois  de  la  gymnastique  préparent  la  jeu- 
nesse à 1 ordre,  à la  règle,  au  travail  et  à la 

? 

tempérance.  En  faisant  observer  ces  lois,  on  ne 
verrait  que  rarement  dans  le  peuple  de  ces  mal- 


i(io 

heureux  qui , après  s’étre  livrés  à tous  les  vices' 
attachés  à la  crapule  , périssent  de  bonne  heure 
en  ne  laissant  à la  société  que  des  rejetons  in- 
firmes. Que  de  crimes  commis  par  l’ivrognerie? 
Honneur  aux  conseils  généraux  des  départemens 
qui  ont  demandé,  avec  instance,  une  loi  sur  les 
moyens  de  réduire  le  nombre  des  lieux  publics, 
où  s’alimente  ce  vice  aussi  dangereux  que  dégra- 
dant pour  l’esprit  humain. 

La  classe  opulente  de  la  société,  dans  notre 
pays,  n’offre  aujourd’hui  que  de  nombreux  ama- 
teurs de  la  gourmandise,  qu’il  serait  difficile  d’at- 
teindre , à moins  qu’on  ne  laissât  point  arriver  aux 
emplois  publics  ceux  dont  la  sensualité  égalerait 
celle  des  Cassius  et  des  Apicius.  Le  cerveau  est 
peu  propre  au  travail  lorsque  l’estomac  est  dis- 
tendu par  la  quantité  énorme  d’alimens  solides 
et  liquides  qu’il  a reçus. 

L’obésité  est  une  des  suites  fréquentes  de 
l’intempérance.  Le  corps  des  personnes  qui  en 
sont  affectées,  devient  lourd,  massif  et  perd  toute 


ifil 

son  activité.  Los  Lacédémoniens  regardaient  un 
embonpoint  excessif  comme  une  chose  infâme. 
Nauclide,  devenu  trop  gras,  fut  cité  par  Lysandre 
devant  les  magistrats;  ceux-ci  lui  firent  de  vives 
réprimandes  et  le  menacèrent  même  de  l’exiler 
s’il  ne  changeait  pas  de  conduite.  Chez  les  an- 
ciens Gaulois , il  y avait  une  loi  qui  condamnait 
à une  amende  ceux  dont  l’embonpoint  excédait 
une  certaine  mesure.  On  ne  pourrait  être  aussi 
rigide  de  nos  jours  envers  ces  individus,  mais 
on  devrait  condamner  les  ivrognes  aux  memes 
peines. 

Plutarque  rapporte  qu’à  Sparte  on  présentait 
en  spectacle  , auxenfans , des  esclaves  ivres  qui, 
par  leurs  contorsions  hideuses,  leur  inspiraient  un 
tel  mépris  pour  ce  vice , qu’ils  ne  s’enivraient  ja- 
mais. Cet  usage  devrait  cire  suivi  chez  quelques 
peuples  , surtou  t chez  nos  superbes  voisins  d’ou- 
tre-mer , buveurs  intrépides  qui  s’exercent  sou- 
vent à qui  boira  le  plus.  Ce  genre  d’escrime,  en 
honneur  parmi  eux  , était  connu  des  anciens. 
Alexandre,  pour  célébrer  la  mort  de  Calanus  , 


proposa  line  récompense  à celui  qui  sortirait 
vainqueur  d’un  tel  combat  : celui  qui  gagna  la 
victoire  la  paya  de  sa  vie. 

Il  fut  un  temps,  en  France,  où  l’ivrognerie 
était  pour  ainsi  dire  à la  mode  dans  toutes  les 
classes  de  la  société.  Ce  fut  particulièrement 
vers  la  lin  du  règne  de  Louis  XIV,  pendant  la 
régence  du  duc  d’Orléans,  et  au  commencement 
du  règne  de  Louis  XV.  Les  grands  en  donnaient 
l’exemple,  le  peuple  se  plaisait  à les  imiter,  et 
c’est  dans  le  relâchement  de  tons  les  liens  mo- 

t 

raux  de  ces  époques  , que  nous  voyons  les  causes 
éloignées  des  désastres  affreux  que  le  philoso- 
phisme,  habile  à profiter  de  tout,  fit  éclater  plus 
tard  sur  notre  malheureuse  patrie. 

Les  mauvais  philosophes , les  écrivains  per- 
fides, peuvent,  sans  doute,  préparer  les  révolu- 
tions , mais  dans  la  corruption  morale  se  trou- 
vent les  moyens  d’exécution.  L’homme  sobre  et 
moral  a peu  de  besoins  , et  ne  sert  par  conséquent 
pas  facilement  d’instrument  aux  fauteurs  de  dis- 
corde et  de  troubles. 


1 63 


Convenons  qu’un  gouvernement  qui  s’occupe- 
rait des  différons  sujets  que  nous  venons  d’expo- 
ser , mériterait  bien  plus  du  pays  qu’en  se  mê- 
lant d’influencer  les  élections,  d’enchaîner  la  pu- 
blicité, etc.  Qu’avez-vous  besoin  de  vous  initier 
dans  ces  droits  civils  , si  vous  ne  présentez  que 
des  lois  utiles,  et  si  vous  n’agissez  que  dans  l’in- 
térêt des  masses  ! Le  gouvernement  anglais , 
nous  répondrez-vous,  pénètre  jusque  dans  les 
tavernes,  parcourt  les  rues,  etc.,  pour  obtenir 
les  députés  qu’il  veut  avoir.  Imitez  ces  machia- 
véliques dans  ce  qu’ils  ont  de  bon,  mais  repoussez 
ce  qu’ils  vous  offrent  d’odieux  et  de  contraire  à 
la  véritable  liberté.  Ils  vous  ont  appris  le  régi- 
cide...; vous  ajouterez,  il  faut  réprimer  la  li- 
cence : d’accord  ,•  mais  prévenez  cette  licence, 
et  vous  n’aurez  point  à lutter  contr’elle. 

C.  Ihducation  morale.  Nous  arrêterons -nous 
à cette  opinion  de  quelques  esprits  qui  ne  veu- 
lent pas  croire  à YJiojjio  duplex , et  qui  ne  voient 
absolument  que  les  propriétés  vitales  (i)?  « Si 


(i)  Qualités  inhérentes  à nos  organes,  en  vertu  des- 


l'homme  n’est;  qu’une  machine  toute  physique, 
dit  l’iin  cle  nos  plus  brillans  écrivains  ,,  il  n’y  a pas 
de  moral  , et  l’action  d’une  idée  qui  tue  de  cha- 
grin une  mère  perdant  son  fds  unique,  est  tout-à- 
fait  incompréhensible.  » 

« Comment  un  soufflet  appliqué  sur  la  joue 
d'Epictèle  ne  produirait-il  aucune  émotion  dans 
cette  stoïque  cervelle  , tandis  que  sur  la  joue  du 
moindre  spadassin  le  même  soufflet  excitera  une 
fureur  qui  ne  s’apaisera  que  par  du  sang  répandu 
dans  un  duel  ; il  y a donc  en  nous  une  force  qui 
peut  combattre  les  impulsions  des  organes  ; il 
existe  donc  ici  une  loi  dans  les  membres,  et  une 
autre  dans  l’esprit.  C’est  par  celle-ci  que  Régulus 
retourne  à Carthage,  certain  d’y  mourir  dans  les 
supplices  ; » que  tant  d’hommes  généreux  se  sont 
présentés  à la  mort  avec  un  front  serein  ; que  le 

quelles  ces  organes , disent  les  physiologistes,  ont  la 
puissance  d’exccutcr  les  actions  vitales  les  plus  simples 
possibles  et  les  plus  généralement  répandues  dans  les 
êtres  organisés  et  dans  les  diverses  parties  de  chacun 
de  ces  mêmes  êtres. 


fils  de  Saint-Louis  est  monté  au  ciel  avec  le 
calme  de  la  vertu  et  de  l’innocence  -,  qu’un 
Prince,  que  la  France  aura  souvent  occasion  de 
regretter,  a pardonné,  sur  le  lit  de  mort,  à 
l'homme  qui  nous  l’a  ravi. 

« Comment  une  simple  idée  de  gloire,  qui 
n’a  rien  de  corporel , mais  une  vue  de  l’esprit , 
va-t-elle  imprimer  cette  vigueur  sublime  au 
corps  d’un  paysan  pour  l’élever  subitement  au 
rang  des  héros,  parmi  les  feux  d’une  bataille?  » 

« Qui  peut  ignorer  combien  d’idées  viennent 
assaillir,  que  dis-je,  poignarder  des  êtres  déli- 
cats jusqu’au  milieu  de  la  couche  la  plus  déli- 
cieuse entre  les  coussins  de  la  mollesse  ; il  faut 
être  criminel  pour  sentir  toutes  les  tortures  des 
remords  qui  venaient  bourreler  l’âme  atroce  d’un 
Tibère  ; il  était  sur  un  trône  et  son  âme  aux  ga- 
lères , s’il  faut  en  croire  Tacite.  Ainsi  Néron  était 

épouvanté  la  nuit  par  des  furies,  au  milieu  de  son 

« 

palais , après  le  meurtre  de  sa  femme  et  de  sa 
mère.  Cependant  l’encens  fumait  sur  les  autels 
en  l’honneur  de  ces  attentats.  » 


« C’est  donc  méconnaître  absolument  la  na- 
ture des  corps  vivans,  ajoute  M.  \irey,  que  de 
nier  cet  tvop/mov,  cet  ùnpelum  faciens ; s’il  n’est  pas 
une  âme,  il  ne  dirige  pas  moins  l’organisme  en 
modifiant  la  contractilité  et  la  sensibilité  de  nos 
tissus  , de  nos  systèmes  organiques  ; certes  nous 
sommes  contractiles,  mais  un  centre  de  gouver- 
nement régit  nos  facultés.  » C’est  la  bonne  direc- 
tion imprimée  à cette  première  partie  de  l’homme 
qui  constitue  l’éducation  morale. 

Abeunt  sîudia  in  mores  : il  est  certain  que  des 
bonnes  études  dépendent,  en  grande  partie  , les 
bonnes  mœurs.  Les  seules  lois  capables  d’amener 
l’homme  à une  bonne  éducation  morale,  sont  les 
préceptes  de  la  religion  catholique.  On  doit  déjà 
s’apercevoir  que , pour  nous,  la  première  jéduca-s 
lion  est  l’éducation  religieuse  ; d’où  il  suit  que  le 
gouvernement  qui  fera  le  mieux  observer  ces  pré- 
ceptes, sera  celui  dont  les  mœurs  seront  les  plus 
pures  , et  par  conséquent  l’empire  le  plus  floris- 
sant. En  effet , quel  est  le  but  d’une  bonne  édu- 
cation ? n’est-ce  pas  de  s’opposer  aux  passions 


vers 


>07  - 

nuisibles,  et  de  diriger  le  cœur  humain 
celles  qui  élèvent  Famé  en  la  rapprochant  de  sa 
source  véritable  ? 

Or,  quels  sont  les  instituteurs  les  plus  propres 
à nous  inspirer  la  crainte  de  Dieu,  l’amour  du 
prince  et  de  la  patrie , la  charité  , etc.  ? Ce  sont 
les  ministres  de  cette  meme  religion,  et  nous  ne 
balançons  pas  à l’avouer,  à eux  seuls  doit  être 
confiée  1 instruction  publique  préliminaire , parce 
que  eux  seuls  jouissent  du  bonheur  dont  nous 
gratifie  la  pratique  de  toutes  les  vertus,  et  que 
ceux-là,  qui  jouissent  pleinement  de  ce  bon- 
heur , peuvent  en  faire  sentir  le  prix- et  l’inspirer 
aux  autres. 

On  nous  dira  : « Passe  pour  les  mœurs  ; mais 
les  sciences?...  » Ignore-t-on  que  les  Flè chier , 
les  Fénelon , les  Séguier , les  Montesquieu , les 
Corneille > les  Racine , les  Molière , etc. , ont  été 
cle\es  dans  des  etablissemens  d’instruction  diri- 
ges pai  des  ordres  religieux  ou  par  des  précep- 
teurs ecclesiastiques.  Le  siècle  tout  entier  de 


i G8 

Louis  XIV,  dit  un  publiciste  estimé  , est  sorti 
de  la  main  des  prêtres. 

Les  mathématiques  n’ont-elles  pas  eu  les  de- 
vins, les  Grégoire  de  Saint-Vincent , les  La  Bou- 
hère j les  Deschalles , les  Pardies,  etc.  La  philoso- 
phie, les  Pères , les  Sylvestre  Maure,  les  TCirker , 
les  Schot y les  Lana,  etc.  La  littérature,  surtout, 
ne  présente-t-êlle  pas  un  nombre  considérable 
d’auteurs  ecclésiastiques,  tels  que  les  Vavasseur , 
les  Bapin , les.  Jouvency,  les  Lame , les  Brumoy , 
les  Sanadon , les  Vanière , les  P orée,  les  B an- 
do  ry , etc.  ? Mânes  du  grand  Corneille,  levez- 
vous,  et  répondez  aux  ennemis  de  ceux  qui  s’a- 
perçurent de  votre  génie  et  surent  le  développer 
pour  la  gloire  de  la  France. 

Briet , Petau , Tournemine , Souciel , Lac- 

i 

cary,  etc.;  c’est  en  vain  que  vous  avez  répandu 
la  véritable  lumière  sur  le  chaos  des  temps.  Il 
existe  encore  des  aveugles. 

• Scheiner , Hardouin,  Seignery , Chemin  ay  , 
Bourdaloue , etc. , vous  n’avez  rien  fait  pour 


l’histoire  naturelle  et  pour  l’éloquence.  Est-il 
bien  prouvé  que  le  père  Fabri  (Honoré)  n’ait  pas 
contribué  à découvrir  la  circulation  du  sang  ? 11 
nous  faudrait  des  volumes  pour  énumérer  les 
services  rendus  par  le  clergé  à tous  les  genres  de 
science.  Oui  , les  prêtres  sont  les  premiers  qui 
aient  travaillé,  avec  fruit,  à la  culture  de  l’esprit 
humain.  Oui,  la  physique,  l’astronomie,  l’ar- 
chéologie , etc.,  doivent  une  partie  de  l’éclat 
dont  elles  ont  brillé,  à ces  hommes  paisibles  et 
innocens  contre  lesquels  les  partisans  de  l’éduca- 
tion révolutionnaire  s’élèvent  aujourd’hui  avec 
plus  de  force  qu’au  16e  siècle. 

» On  ne  peut  s’empêcher  de  regretter,  dit  un 
homme  qui  se  connaît  en  véritable  instruction, 
ces  grands  corps  enseignans  entièrement  occupés 
de  recherches  littéraires  et  de  l’éducation  de  la 
jeunesse.  Après  une  révolution  qui  a relâché  les 
liens  de  la  morale , et  interrompu  le  cours  des 
études,  des  sociétés,  à-la-fois  religieuses  et  sa- 
vantes , porteraient  un  remède  assuré  à la  source 
de  nos  maux.  Dans  les  autres  formes  d’institut, 


170 


il  ne  peut  y avoir  ce  travail  régulier  , cette  labo- 
rieuse application  au  même  sujet,  qui  régnent 
parmi  des  solitaires,  et  qui,  continués  sans  in- 
terruption pendant  plusieurs  siècles,  finissent  par 
enfanter  des  miracles. 

» L’Europe  savante  a fait  une  perle  irrépa- 
rable dans  les  corporations  religieuses  ensei- 
gnantes. L’éducation  ne  s’est  pas  bien  relevée 
depuis  leur  chute.  Elles  étaient  singulièrement 
agréables  à la  jeunesse  ; leurs  manières  polies 
ôtaient  à leurs  leçons  ce  ton  pédantesque  qui  re- 
bute l’enfance.  Us  avaient  su  établir,  entre  leurs 
écoliers  de  différentes  fortunes,  une  sorte  de  pa- 
tronage qui  tournait  au  profit  des  sciences.  Ces 
liens , formés  dans  l’âge  où  le  cœur  s’ouvre  aux 
sentimens  généreux,  ne  se  brisaient  plus  dans  la 
suite,  et  établissaient  entre  le  prince  et  l’homme 
de  lettres  , ces  antiques  et  nobles  amitiés  qui  vi- 
vaient entre  les  Scipion  et  les  Lœlius Un  Vol- 

taire, dédiant  sa  M érope  à un  père  Porée,  et  l’ap- 
pelant son  cher  maître , est  une  des  choses  aima- 
bles que  l’éducation  moderne  ne  présente  plus. 


*7* 

» Pesez  la  masse  du  bien  que  ces  corpora- 
tions ont  fait!  Rappelez -vous  les  écrivains  cé- 
lèbres qu’ils  ont  donnés  à la  France  , ou  qui  se 
sont  formés  dans  leur  sein  ; les  royaumes  entiers 
conquis  à notre  commerce  par  leur  habileté , 
leurs  secours  et  leur  sang  $ les  miracles  de  leurs 
prédications  au  Canada  , au  Paraguay , à la 
Chine,  et  vous  verrez  que  le  peu  de  mal  dont 
vous  les  accusez  ne  balance  pas  un  moment  les 
services  qu’ils  ont  rendus  à la  société.  » Que 
d’autres  chantent  les  conquêtes  désastreuses,  les 
invasions  meurtrières , les  révolutions,  etc. , nous 
aimons  mieux  la  gloire  qui  agrandit  la  vie  que 
la  gloire  qui  tue! 

Nous  ne  craignons  pas  de  le  dire,  un  gouver- 
nement qui  veut  préparer  le  bonheur  des  géné- 
rations à venir,  et  cicatriser  les  plaies  faites  à 
1 état  social  actuel,  doit  ordonner  que  l’éduca- 
tion première  passe  en  entier  dans  les  mains  du 
clergé.  « J’ai  toujours  pensé,  dit  Leibnitz,  qu’on 
réformerait  le  genre  humain,  si  l’on  réformait 
l’éducation  de  la  jeunesse.  » On  croirait,  à ces 


1 1 .. 


172 

mots,  que  ce  philosophe  allemand  ait  vécu  de  nos 
jours. 

U11  homme  qui  se  voue  à renseignement  doit 
lui  consacrer  tous  ses  instans,  et  n’être  suscep- 
tible d aucune  autre  préoccupation  : c’est  aussi 
par  les  exemples  que  l’on  forme  le  cœur  et  l’es- 
prit de  la  jeunesse,  et  nous  aurons  toujours  de 
la  peine  à croire  que  le  maître,  encore  rouge  des 
excès  auxquels  il  vient  de  se  livrer,  puisse  don- 
ner une  bonne  leçon  de  morale  à son  élève,  dis- 
serter avantageusement  et  avec  calme  sur  un  su- 
jet quelconque.  Non,  le  professeur  qui  néglige 
ses  enfans,  n’apprendra  pas  à son  auditoire  com- 
ment on  est  bon  père , celui  qui  maltraite  sa 
femme,  comment  on  est  bon  époux  ; celui  qui 
laisse  son  père  dans  les  horreurs  du  besoin,  com- 
ment on  est  fils  sensible  et  reconnaissant  ; celui , 
enfin,  qui  plaisante  sur  la  religion,  laissera  igno- 
rer à ses  élèves  les  devoirs  d’un  chrétien , etc. 
Voilà  cependant  les  instituteurs  que  l’on  trouve 
quelquefois  hors  de  l’Église.  Il  reste  donc  prou- 
vé, pour  nous  du  moins,  que  l’éducation  re- 


i73 

ligieuse,  celle  qui  en  même  temps  dirige  bien 
le  cœur  et  éclaire  l’esprit,  est  le  seul  moyen  de 
prévenir  les  passions,  sources  uniques  de  tant 
de  névroses , de  forfaits  et  d’attentats.  Nous 
osons  le  dire , il  y a de  la  faiblesse  et  du  danger 
à ne  point  établir  légalement  les  corporations  de 
première  utilité,  en  promulguant,  toutefois,  le 
principe  de  leur  soumission  aux  lois  de  l’État. 

Lne  bonne  éducation  morale  exige  encore  que 
tout  ce  qui  peut  donner  l’idée  d’un  vice  quel- 
conque soit  soigneusement  écarté  des  regards  des 
enl’ans.  La  mendicité  en  action  est  un  exemple 
affreux  pour  la  jeunesse  oisive. 

L’age  et  les  infirmités  sont  des  causes  qui  ne 
permettent  pas  aux  indigens  de  travailler  : l’État 
doit  pourvoir  à l’existence  de  ceux-ci  • mais  ceux 
qui  prêtèrent  la  dégradation  à une  occupation 
qui  doit  les  nourrir,  ne  méritent  aucun  égard , 
la  rigueur  des  lois  doit  les  poursuivre  partout. 
Une  nation  essentiellement  agricole  ne  peut  to- 
lérer que  la  mendicité  foule  son  sol.  Pourquoi 


ne  chargerait-on  pas  chaque  commune  de  nour- 
rir et  d’entretenir  les  mendians  qui  seraient  liés 
dans  son  sein? 

i 

Le  problème  de  rendre  les  forçats  à la  société , 
se  rattache,  plus  qu’on  ne  le  croit,  à son  éduca- 
tion morale. 

\ 

Les  criminels  condamnés  aux  travaux  forcés  à 
perpétuité,  sont  des  individus  perdus  pour  leurs 

r 

familles  et  pour  l’Etat,  auxquels  cependant  quel- 
ques-uns d’entr’eux  auraient  pu  être  utiles,  parce 
qu’il  en  est  qui  sont  encore  susceptibles  de  reve- 
nir à des  sentimens  d’honneur.  Sans  doute,  et 
malheureusement,  la  plupart  croupiront  dans  le 
vice,  comme  il  est  des  aliénés  sur  lesquels  on  ne 
doit  plus  compter;  mais  le  besoin,  l’exemple  de 
la  corruption,  sont  les  causes  les  plus  fréquentes 
qui  conduisent  ces  malheureux  aux  bagnes  pour 
y finir  leur  existence.  Il  faut,  sans  contredit, 
que  ceux-là  soient  également  punis;  mais  dis- 
tinguez-les  de  ces  êtres  familiers  avec  les  mau- 
vaises actions,  qui  ne  connaissent  quelles,  et  ne 


' savent  vivre  que  par  elles.  C’est  dans  les  bagnes 
que  beaucoup  de  forçats  sont  devenus  tout-à- 
fait  dépravés , au  lieu  d’y  perdre  l’idée  du  crime. 


Quels  seraient  donc  les  moyens  les  plus  con- 
venables pour  faire  rentrer  dans  le  peuple,  sans 
danger  pour  la  société,  les  forçats  corrigibles, 
et  d’en  éloigner  les  incurables. 


Déjà  plusieurs  écrivains  distingués  ont  abordé 
ces  questions  importantes  sur  la  demande  una- 
nime des  conseils  généraux  ,•  mais  on  trouve  tou- 
jours à glaner  dans  un  champ  si. vaste,  et  nous 
osons  y faire  un  pas. 


Nous  croyons  qu’il  conviendrait  de  distinguer 
les  forçats  en  deux  classes  : ceux  qui,  auteurs 
d’un  premier  crime,  n’auraient  donné  lieu  anté- 
rieurement à aucun  reproche  grave;  ceux  qui, 
repris  de  justice,  seraient  condamnés  pour  ré- 
cidive. 


Les  criminels  de  la  première  classe  seraient 
formés  en  compagnies  de  cinquante  hommes  au 


176 

plus,  et  disséminés  pendant  cinq,  dix  ou  seize 
ans,  dans  les  départemens,  où  des  canaux  peu- 
vent être  creusés , où  les  places  fortes  demandent 
des  réparations,  les  ports  de  mer  des  travaux  in- 
dispensables, les  terres  des  défrichcmens,  les 
marais  des  dessècliemens,  etc. 

Dans  chaque  lieu  où  se  trouverait  cantonnée 
une  compagnie  de  forçats,  il  y aurait  aussi  une 
ou  deux  compagnies  d’infanterie  toujours  prêtes 
à sévir  contre  la  rébellion  dont  ces  malheureux 
pourraient  se  rendre  coupables.  L’horreur  qu’ils 
inspireraient  à nos  soldats  tendrait  à préserver 
ces  derniers  des  excès  qui  conduisent  souvent 
aux  galères. 

Les  propriétaires , sur  les  terres  desquels  ces 
compagnies  de  forçats  travailleraient,  payeraient 
une  rétribution  proportionnelle,  et  le  départe- 
ment ou  la  commune  fournirait  le  local  néces- 
saire pour  les  recevoir. 

Les  produits  des  travaux  formeraient  une 


i77 


masse  qu’on  confierait  au  forçat  qui  serait  reconnu 
le  moins  mauvais  sujet.  Celte  niasse  servirait  à 
fournir  des  secours  aux  forçats  qui,  par  leur 
bonne  conduite,  auraient  mérité  de  rentrer  dans 
la  société,  mais  jamais  dans  le  département  où 
ils  auraient  reçu  le  jour. 

Les  forçats  qui  montreraient  le  plus  de  re- 
pentir par  la  régularité  de  leur  manière  d’être, 
seraient  les  surveillans  de  leurs  camarades , et 
jouiraient  de  quelques  avantages  qui  seraient  des 
stimulans  salutaires  pour  les  moins  sages. 

Deux , et  même  trois  missionnaires , ayant  une 
connaissance  parfaite  du  cœur  humain , seraient 
attachés  à ces  malheureux  comme  aumôniers. 
Ces  respectables  apôtres  acquerraient,  par-là,  un 
nouveau  titre  à l’admiration  générale.  Ce  n’est 
pas  au  milieu  des  habitans , que  dirigent  si  bien 
nos  dignes  curés  et  vicaires,  soit  par  leurs  pré- 
dications persuasives,  soit  par  leurs  exemples, 
que  les  missionnaires  sont  indispensables.  Si , 
comme  ces  derniers,  nous  avions  reçu  du  Ciel 


le  don  d’éclairer  les  hommes  égarés , nous  vou- 
drions descendre  jusque  dans  les  demeures  des 
forçats  , cl  y habiter,  pour  mieux  réussir  à con- 
vertirces  malheureux,  en  leur  adressant  sans  cesse 
des  paroles  capables  de  faire  renaître  dans  leur 
cœur  la  foi  et  l’espérance,  en  leur  prêchant  enfin , 
chaque  jour,  la  sublime  morale  de  l’Évangile. 

Les  forçats  de  la  deuxième  classe,  ceux  qu’on 
ne  pourrait  espérer  de  ramener,  qui  se  seraient 
mis  dans  le  cas  des  galères  à perpétuité,  seraient 
envoyés  dans  celles  de  nos  colonies  qui  ont  le 
plus  besoin  de  bras,  et  où  les  mêmes  précau- 
tions, pour  les  rendre  meilleurs,  seraient  égale- 
ment prises.  Mais,  a-t-on  dit,  pourquoi  exposer 
à succomber,  sous  un  climat  meurtrier,  ceux  que 
nos  lois  n’ont  pas  condamnés  à mourir?  Eh 
quoi  ! vous  ordonnez  à de  jeunes  militaires 
de  se  rendre  aux  colonies  pour  y conserver 
quelques  possessions  vermoulues,  et  vous  répu- 
gneriez à y établir  des  scélérats  que  la  société  re- 
pousse , et  qui  menacent  plus  que  vos  biens  ter- 
restres? 


J79 

Honte  à vous,  législateurs , si  vous  ne  parve- 
nez à purger  la  mère-patrie  de  celte  nuée  d'hom- 
mes héréditairement  et  moralement  viciés,  qui 
épuisent  inutilement  vos  finances,  corrompent 
la  masse  quand  ils  y rentrent,  et  seraient,  à la 
première  occasion , les  instrumens  les  plus  ter- 
ribles qui  poseraient  sur  vos  têtes!  Vous  suppri- 
meriez ainsi  vos  maisons  de  détention , propre- 
ment dites  , ou  la  mortalité  est  plus  grande  que 
dans  les  hôpitaux  les  plus  considérables  et  les 
moins  sains. 

Vous  combattriez  victorieusement  Finfluence 
du  vice;  vous  préviendriez  un  plus  grand  nom- 
bre de  crimes  ; vous  occuperiez  utilement  vos 
soldats;  vous  élèveriez,  à peu  de  frais,  sur  vos 
frontières , aujourd’hui  si  peu  éloignées  de  la 
capitale,  des  remparts  redoutables;  vous  assai- 
niriez certaines  contrées  où  les  maladies  mois- 
sonnent , chaque  année  et  sans  obstacle , une 
infinité  d’individus  ; ainsi , vous  seriez  phi- 
lantropes  tout-de-bon,  et  non  dans  vos  dis- 
cours seulement.  Honneur  au  ministre  de  la  ma- 


i8o 


rine  et  à son  digne  prédécesseur,  pour  les  nobles 
exemples  qu’ils  vous  ont  donnés  ! 

Il  importe  aussi  que  vous  proscriviez  à jamais 
les  loteries,  les  lieux  de  prostitution  et  les  tripots. 
Si  vous  voulez  des  mœurs  pures , éloignez  tout 
ce  qui  peut  flétrir  l’espèce  humaine.  Vous  auriez 
beau  nous  dire  que  ces  vices  sont  des  maux  né- 
cessaires, en  ce  qu’ils  en  évitent  de  plus  grands. 
Faut-il  donc  laisser  voler  dans  les  maisons  pour 
qu’on  ne  vole  pas  sur  les  grands  chemins  ? lais- 
ser empoisonner  secrètement  pour  qu’on  ne  soit 
pas  tenté  d’égorger  en  public?...  Encore  une 
fois,  osez  anéantir  tous  ces  lieux  infâmes,  sour- 
ces inépuisables  de  tous  les  crimes  j et  si  la  fu- 
reur du  jeu  s’établit  clandestinement , si  les  fem- 
mes sont  insultées,  établissez  une  législation  pro- 
portionnée à ces  délits.  Rappelez-vous  les  Athé- 
niens ! 

La  même  sévérité  devrait  éclater  contre  un 
vice  honteux  qu’il  nous  répugne  de  nommer, 
parce  qu’il  outrage  à-la-fois  la  nature  et  les  élé- 
mens  de  la  société. 


1 8 1 


Sî  vous  regrettez  les  sommes  prélevées  sur  les 
immondices , établissez  des  impôts  sur  les  bil- 
lards et  les  cabarets,  beaucoup  trop  multipliés 
en  France;  sur  les  voitures  de  luxe,  qui  nous 
écrasent  ; sur  les  chiens  inutiles,  qui  nous  expo- 
sent, surtout  dans  certaines  saisons,  aux  acci- 
dens  les  plus  terribles.  On  aura  de  la  peine  à 
croire  que  la  seule  ville  de  Versailles  renferme 
plus  de  six  cents  de  ces  animaux,  qui  ne  sont 
bons  qu’à  dévorer  la  substance  du  pauvre. 

Ministres  du  Roi  ! législateurs  ! regardez  la  po- 
pulation , descendez  dans  les  prisons , entrez  dans 
les  hôpitaux , et  dites-nous  franchement  s'il  ne 
serait  pas  nécessaire  de  porter  votre  attention, 
votre  vigilance  sur  les  vices  que  nous  vous  si- 
gnalons? 

F.  Police  médicale.  La  science  médicale  est 
une , et  par  cela  seul  que  tout  être  souffrant  a les 
memes  droits  aux  bienfaits  de  cette  science , il 
ne  peut  et  il  ne  doit  y avoir  qu’un  ordre  de  mé- 
decins, c est-à-dire , des  médecins  éclairés,  of- 


182 


frant  toutes  les  garanties  que  peut  désirer  la  so- 
ciété , pauvre  ou  riche,  noble  ou  roturière.  En 
effet,  faut-il  moins  de  savoir  et  d’expérience  pour 
traiter  hne  maladie  chez  un  paysan  que  chez  un 
marquis?...  Notre  opinion  va  même  plus  avant. 
Les  médecins  les  plus  capables  doivent,  de  pré- 
férence, être  placés  à portée  des  cultivateurs, 
qui,  plus  précieux  que  beaucoup  de  citadins,  et 
moins  au  fait  des  lois  hygiéniques,  ont , par  con- 
séquent, besoin  de  plus  de  lumières  médicales, 
et  méritent  plus  d’intérêt,  à moins  qu’on  ne 
■veuille,  comme  dans  les  premiers  âges,  laisser 
les  habitans  des  campagnes  exposés  aux  excès  de 
la  jonglerie  la  plus  effrontée. 

Ainsi  on  ne  devrait  pas  balancer  à établir  des 
médecins  dans  les  communes  les  plus  considé- 
rables, en  rétribuant  ces  docteurs  d’une  manière 
convenable,  comme  cela  a lieu  pour  les  desser- 
vans  des  paroisses.  En  conservant  les  individus 
on  sauve  les  États,  et,  encore  une  fois,  la  véri- 
table économie  n’est  pas  celle  qui  détruit. 

L’humanité  et  l’ordre  social  gagneraient,  plus 


1 83 

qu’on  ne  Fa  pensé  jusqu’à  ce  jour,  à un  code  mé- 
dical qui  s’attacherait  à trois  points  principaux, 
ainsi  que  le  désire  le  respectable  et  savant  pro- 
fesseur Fodéré. 

Enseignement.  La  voie  du  concours,  pour  le 
choix  des  professeurs  , n’est  pas  toujours  la  plus 
sûre.  En  efïVfc,  combien  de  médecins,  tics  éru- 
dits, de  beaucoup  de  jugement,  d’une  expé- 
rience consommée  , ne  pourraient  peut  être  avoir 
l’avantage,  dans  une  lutte  académique,  sur  des 
jeunes  gens  qui  paraîtraient,  par  une  élocution 
plus  facile  et  une  mémoire  plus  fraîche,  méri- 
ter la  préférence  sur  les  vétérans  de  la  science, 
dont  la  longue  pratique,  et  les  ouvrages  devenus 
classiques , sont  des  titres  à la  reconnaissance 
générale. 

Le  talent,  ensuite,  n’est  pas  tout  ce  qu’il  faut 
au  professeur  de  médecine.  Il  importe  aussi  à 
1 Etat  et  aux  familles  que  ce  professeur  possède 
des  qualités  sociales  qui  leur  servent  de  garan- 
ties. 


1 84 

Une  seule  Faculté  de  Médecine  ne  peut  ensei- 
gner également  bien  les  nombreuses  branches  de 
cette  science,  qui  embrasse  toutes  les  connais- 
sances humaines. 

Il  serait  donc  de  la  première  nécessité  (et  nous 
le  déclarons  sans  craindre  l’application  de  cet 
aphorisme  d’Hippocrate  , et  si  quid  mutare  vo- 
les, paulatlm  debes  assuefaceref  de  conser- 
ver, pour  nos  provinces  méridionales,  la  célèbre 
école  de  Montpellier. 

i 

D’en  établir  une  à Rennes,  pour  les  départe- 
mens  du  nord-ouest. 

Celle  de  Strasbourg,  pour  les  parties  orien- 
tales. 

Enfin,  Paris  serait  la  Faculté  de  perfectionne- 
ment , celle  ou  le  complément  des  études  médi- 
cales aurait  lieu , la  seule  où  il  serait  permis  de 
donner  les  diplômes. 

Le  grand  nombre  des  établissemens  de  la  ca- 


i85 


pi  laie,  le  goût  général  pour  tons  les  genres  de 
science  qui  y a été  répandu  par  la  fondation  des 
académies , les  professeurs  de  premier  ordre  qui 
s’y  sont  établis , la  grande  population  de  cette 
étonnante  cité,  tout  a contribué  à faire  de  Paris 
ce  que  fut  Athènes  pour  la  Grèce.  Depuis  Char- 
lemagne, cette  ville  a toujours  conservé  la  su- 
prématie, c’est  la  métropole  des  sciences. 

• 

s 

Pour  bien  faire  saisir  notre  plan , nous  allons 
prendre  un  jeune  homme  sortant  du  collège,  et 
se  destinant  à l’étude  de  la  médecine.  Il  débute- 
rait par  fournir  des  preuves  incontestables  sur 
ses  moyens  intellectuels,  ses  qualités  morales  et 
ses  ressources  pécuniaires  ; subirait.,  pendant  cinq 
ou  six  heures  chaque  fois,  des  examens  sérieux 
sur  l’histoire  universelle,  la  littérature,  la  philo- 
sophie, l’idéologie,  la  géographie,  les  mathémati- 
ques, et  sur  les  élémens  de  la  physique,  de  la  chi- 
mie , de  l’histoire  naturelle , c’est-à-dire , la  bota- 
nique, la  minéralogie  et  la  zoologie.  On  sent  déjà 
qu  il  serait  indispensable  que  les  élémens  de  ces 
sciences  fussent  donnés  dans  les  collèges  royaux. 


12 


1 8G 

Les  examens  de  baccalauréat  es -lettres  et 
sciences,  tels  qu’ils  ont  heu  aujourd’hui,  ne 
peuvent  suffire  pour  être  reconnu  apte  à l’étude 
de  l’art  de  guérir. 

Apres  avoir  satisfait  publiquement  à ces  épreu- 
ves, muni  d’une  autorisation,  l’étudiant  irait  à 
Montpellier,  où  il  suivrait,  pendant  deux  ans, 
des  cours  de  méthodologie,  de  littérature  et  de 
statistique  médicales-  d’histoire  naturelle,  de 
physique,  de  chimie,  de  pharmacie  théorique  et 
pratique. 

Après  ce  temps,  après  avoir  subi  des  examens 
sur  ces  différentes  sciences,  y avoir  satisfait  long- 
temps et  toujours  en  public,  l’élève  se  rendrait 
à l’école  de  Rennes,  où  il  étudierait,  pendant 
deux  années  encore,  l’anatomie  descriptive,  l’a- 
natomie générale,  la  physiologie,  1 anatomie  com- 
parée, en  se  livrant  fréquemment  à l’art  si  im- 
portant de  la  dissection. 

Sortant  de  Rennes , et  après  y avoir  rempli  les 
mêmes  obligations,  le  jeune  homme  passerait 


deux  autres  années  à Strasbourg,  où  la  patho- 
logie générale,  la  pathologie  cl  la  nosologie  mé- 
dicales et  chirurgicales,  la  nosologie  comparée, 


l’hygiène,  la  médecine  légale,  la  théorie  des  ac- 
coucliemens,  lui  seraient  enseignées. 


Enfin  leleve  viendrait  à Paris  ou  il  suivrait  , 
pendant  les  deux  dernières  années,  des  cours  sur 
la  matière  medicale  et  l’art  de  formuler,  des 
cours  de  clinique  pour  toutes  les  maladies  des 
femmes,  des  enfuis,  des  vieillards,  chroniques, 
aiguës,  etc. , de  clinique  comparée.  Il  se  livrerait 
aux  operations  chirurgicales  sur  le  cadavre,  en- 
suite sur  le  vivant  • à la  pratique  des  accouche- 
mens,  à la  confection  et  à l’application  des  dif- 
férons appareils  (i). 


(1)  Nous  voudrions  que  les  cliniques  se  fissent  comme 
j!  suit  : Le  professeur,  accompagné  de  scs  élèves,  énon- 
cei  ait  lentement  et  a liaute  voix , les  causes  , les  signes , 
les  accidens , le  terme  de  la  maladie,  les  changemens 
survenus  depuis  la  dernière  visite,  les  remèdes  em- 
ployés, leurs  effets. 


Enfin,  comme  nous  l’avons  vu  à Levdc  et  dans  des 


i88 

On  voit  combien  d’abus  seraient  corrigés  par 
ce  seul  arrangement.  Les  plus  grands  avantages 
qui  en  résulteraient,  seraient  un  plan  d’études 
plus  régulier  et  plus  méthodique,  qui  assurerait 
les  progrès  des  jeunes  médecins;  la  fréquenta- 
tion de  toutes  les  Facultés;  enfin,  on  ne  verrait 
dans  la  capitale  que  des  étudians  paisibles,  en- 

écoles  non  moins  célèbres  cle  l’Allemagne , le  profes- 
seur viendrait  au  pronostic , mais  ne  le  ferait  qu’en  la- 
tin dans  les  maladies  dangereuses. 

La  visite  terminée , le  professeur  réunirait  les  élèves 
et  les  instruirait  plus  au  long  sur  les  maladies  qu’ils 
viendraient  d’examiner  tous  ensemble,  en  leur  faisant 
part  de  ses  réflexions,  en  écoutant  les  leurs,  en  les 
questionnant  et  leur  exposant  brièvement  les  principes 
d’après  lesquels  il  se  conduit. 

Cette  instruction  familière  ne  durerait  pas  moins 
d’une  heure  matin  et  soir.  Ces  espèces  de  conférences 
médicales  produiraient  un  bien  immense.  On  ne  peut 
nier  que  l’argumentation  ne  développe  et  ne  fortifie  le 
jugement;  que  le  syllogisme  est  serré  et  pressant; 
qu’ainsi  une  dispute  réglée  est  propre  à exercer  la  jeu- 


nesse. 


i»9 

t 

tièrement  occupés  de  terminer  leurs  études,  afin 
d’entrer  dans  le  monde  avec  un  titre  honorable, 
et  qui,  par  conséquent,  seraient  inaccessibles  à 
l’influence  des  passions  et  des  partis.  L’étudiant 
ardent  ne  serait  plus  exposé  à sacrifier  telles  le- 
çons à telles  autres,  à entreprendre  tous  les  maî- 
tres. Trop  de  travail  diminue  le  fruit  de  l’étude, 
et  en  hâtant  l’acquisition  des  connaissances,  on 
les  rend  imparfaites  et  confuses. 

On  nous  objectera  que  ce  serait  exposer  les 
élèves  en  médecine  à beaucoup  de  dépenses. 
Tant  pis  pour  ceux  qui  n’auraient  pas  une  for- 
tune qui  les  mît  à même  d’étudier  l’art  de  quérir. 

Mais,  ajoutera-t-on,  11e  s’est-il  pas  élevé  du 
sein  de  la  médiocrité  des  médecins  distingués 
par  leurs  talens  et  leurs  écrits?  Que  le  gouver- 
nement se  chargealors,  après  les  a voir  fait  concou- 
rir, de  payer  pour  les  élèves  qui  montrent  d’heu- 
reuses dispositions.  N’envoie-t-il  pas,  à ses  frais, 
des  jeunes  gens  à l’école  de  peinture  de  Rome? 

Quelques  mauvais  plaisans  ont  prétendu  que 


faire  promener  ainsi  les  étudians  en  médecine , 
ce  serait  les  comparer  à des  commis-voyageurs. 
Nous  voulons  bien  répondre  à celte  objection 
(quoiqu’elle  sente  furieusement  la  drogue),  que 
l’on  voyage  aujourd’hui  en  France  à très  peu  de 
frais;  que  les  jeunes  gens  gagnent  toujours  à se 
déplacer,  tant  sous  le  rapport  de  la  santé  que 
sous  celui  des  mœurs  ; que  les  distractions  du 
voyage,  l’aspect  d’une  nouvelle  cité,  donnent 
lieu  à d’autres  réflexions;  qu’on  rompt  de  fâ- 
cheuses habitudes,  et  qu’enfin  l’idée  du  devoir 
renaît  souvent  avec  tout  le  charme  de  sa  puis- 
sance. 

Nous  avons  de  la  peine  à concevoir  qu’on  n’ait 
pas  eu  l’idée  d’astreindre  les  professeurs  à faire 
imprimer  des  livres  classiques  sur  toutes  les  par- 
ties de  la  médecine  ; ces  livres  serviraient  de  base 
aux  leçons  des  maîtres  : chaque  jour  les  disciples 
prépareraient  chez  eux  la  leçon  qu’ils  devraient  en- 
tendre le  lendemain.  On  aurait  de  cette  manière 
des  cours  instructifs;  les  élèves  ne  perdraient  plus 
les  choses  essentielles  et  un  temps  précieux. 


Nous  concevons  plus  difficilement  qu’on  n’ait 
pas  pensé  à extirper  l’abus  des  doctrines  médica- 
les. Devrait-on  permettre  que  telle  ou  telle  mé- 
thode prévalut  sans  avoir  été  soumise  au  creuset 
de  l’expérience  , et  sanctionnée  par  l’Académie 
Royale  et  les  Facultés  de  médecine?...  Il  n’en  est 
pas  de  l’art  de  guérir  comme  de  l’architecture 
par  exemple  : un  monument  est  assis  sur  de  mau- 
vaises bases,  il  s’écroule,  il  n’en  coûte  que  quel- 
ques écusj  mais  une  doctrine  médicale  qui  vient 
de  naître  et  qu’on  adopte  aveuglément , quand 
l’esprit  d’innovation  prédomine  , peut  ébranler 
l’ordre  social  jusque  dans  ses  fondemens. 

« Les  Egyptiens,  dit  feu  Bosquillon,  furent 
les  premiers  qui  crurent  avoir  un  assez  grand 
nombre  d’observations  pour  former  une  espèce 
de  code , nommé  le  Livre  sacré , que  les  médecins 
devaient  suivre  dans  le  traitement  des  maladies, 
sous  peine  d’être  condamnés  comme  homicides, 
si  les  malades  mouraient  quand  ils  s’en  étaient 
écartés.  » Jamais  la  France  n’a  eu  plus  de  besoin 
de  faire  revivre  l’idée  de  ces  peuples  anciens. 


ICJ> 

Nous  ne  voudrions  pas  comprimer  l’élan  du  gé- 
nie , mais  bien  ses  écarts. 

Réceptions.  Pendant  la  dernière  année,  l’étu- 
diant se  préparerait , sans  cesser  de  suivre  les  cours 
([ue  nous  avons  déjà  indiqués,  à se  faire  recevoir 
docteur  à Paris.  Là,  seulement,  il  recevrait  son 
diplôme,  mais  après  avoir  publiquement  soutenu 
cinq  examens , dont  deux  en  latin  et  une  thèse 
imprimée  ; le  sujet  lui  en  serait  fourni  par  le  sort , 
et  le  candidat  le  traiterait  sans  aucune  espèce  de 
secours  et  sous  clef. 

C’est  ici  le  cas  de  se  livrer  à des  réflexions  éga- 
lement pénibles.  Pourquoi  le  gouvernement  ne  se 
chargerait-il  pas  des  honoraires  des  professeurs % 
et  des  examinateurs  surtout?  Les  professeurs  pu- 
blics, ne  tirant  de  leurs  emplois  que  des  rétribu- 
tions modiques,  peuvent  se  négliger  dans  leurs  de- 
voirs en  se  livrant  à des  leçons  particulières  ou  à 
d’autres  occupations  qui  leur  rapportent  davan- 
tage. 

Les  plus  graves  désordres,  pour  la  médecine 


et  la  société,  peuvent  résulter  de  la  facilité  lais- 
sée aux  professeurs  de  médecine  de  disposer  des 
sommes  payées  pour  l’admission  au  doctorat. 
]N  ayez  que  de  bons  maîtres,  trailez-les  convena- 
blement afin  qu’ils  n’aient  pas  besoin  de  sortir 
de  leurs  obligations  pour  pourvoir  à l’existence 
de  leurs  familles  j exigez  même  qu’ils  ne  se  livrent 
à d’autres  fonctions  qu’à  l’enseignement  qui  leur 
est  confié  ; assurez-leur  d’honorables  retraites 
après  qu’ils  ont  vieilli  dans  le  professorat,  au  lieu 
de  les  frapper  d’ignominieuses  destitutions  sur 
de  simples  soupçons  ; mais,  au  nom  de  l’huma- 
nité, ne  les  exposez  pas  à recevoir  des  méde- 
cins incapables.  Sommes -nous  donc  encore  au 
temps  de  Pline,  où  la  santé  et  la  vie  des  ci- 
toyens étaient  mises  au  hasard  entre  les  mains  du 
premier  venu  qui  se  disait  médecin  ? 

Pourquoi  les  examens,  comme  les  thèses,  ne 
seraient-ils  pas  subi  publiquement  et  en  présence 
de  deux  ou  trois  conseillers  de  l’université?  car 
il  ne  faut  pas  non  plus  que  la  faveur  puisse  se 
glisser  clans  les  réceptions. 


Pourquoi  ces  examens  ne  dureraient-ils  pas 
de  deux  ou  trois  heures  le  matin  , autant  le  soir  , 
et  pendant  cinq  ou  six  jours,  suivant  leur  impor- 
tance ? Pourquoi  enfin  des  affiches  n’annonce- 
raient-elles  pas  les  jours  et  heures  où  ces  exa- 
mens auraient  lieu?  Le  jugement  des  examina- 
teurs devrait  être  prononcé  également  en  public,, 
tribunal  redoutable , mais  intéressé  ? 

Vous  auriez  beau  nous  dire,  comme  "Virgile  , 
que  l’art  de  guérir  est  muet  en  comparaison  des 
talens  sensibles  des  autres  enfans  d’Apollon  ; l’em- 
barras du  récipiendaire , le  prononcé  des  exami- 
nateurs, suffiraient  pour  que  ie  public  ne  courût 

aucun  risque  dans  son  jugement. 

\ 

Nous  pensons  de  même  pour  la  pharmacie  , 
parce  que  la  potion  destinée  à une  ravaudeuse 
doit  être  préparée  avec  autant  d’art  et  de  fidelité 
que  celle  que  doit  prendre  l’épouse  d’un  ban- 


Ainsi  un  seul  ordre  de  pharmaciens,  reçus  par 


i95 

les  Ecoles  tic  pharmacie  ou  les  Facultés  de  méde- 
cine. Il  est  bien  entendu  qu’on  ne  doit  pas  exi- 
ger de  ces  derniers  le  même  temps  d’étude  que 
pour  les  médecins,  ni  le  même  nombre  d’examens, 
etc.  Nous  repoussons  les  herboristes. 

Les  sages-femmes  devraient  être  reçues  parles 
trois  docteurs  les  plus  anciens  de  diplôme,  pris 
dans  le  chef-lieu  du  département  le  plus  voisin 
de  celui  ou.  ces  femmes  voudraient  exercer  l’art 
des  accouchemens. 

Nous  profiterons  de  l’occasion  pour  déclarer 
franchement  qu’il  devrait  exister  une  grande  sé- 
vérité pour  l’admission  des  médecins  , comme 
membres  de  l’Académie  Rovale  de  médecine , 
instituée  pour  récompenser  ceux  des  docteurs  qui 
se  sont  distingués  dans  les  travaux  les  plus  pro- 
chainement utiles  à la  conservation  des  hommes, 

i ' 

principalement  dans  l’ouvrage  où  seront  rassem- 
blées, en  un  corps,  toutes  les  connaissances  qui 
concernent  l’art  de  guérir. 

Or,  nous  demandons  si  ce  noble  but  de  nos 


igG 

Rois  a été  rempli  dans  ces  derniers  temps  ? L’in- 
terdit mis  depuis  peu  sur  les  nominations  , sufli- 
rait  pour  trouver  le  contraire,  si  nous  ne  rencon- 
trions parfois  des  académiciens  assez  compiaisans 
pour  nous  attester  que  les  réceptions  ont  été  vrai- 
ment trop  faciles. 

N’est-il  pas  ridicule,  en  effet,  qu’un  académi- 
cien outrage  la  syntaxe , et  qu’un  académicien 
médecin  ignore  jusqu’aux  premiers  élémens  de 
son  art  ? 

Serait-il  donc  difficile  de  soumettre  tout  as- 
pirant à l’Académie  Royale  de  médecine  , à des 
épreuves  orales  ou  écrites?  Ce  corps,  où  brillent 
du  reste  les  plus  fortes  têtes  médicales  de  l’Eu- 
rope , devrait-il  ouvrir  ses  portes  à l’aveugle 

routine  ? 

> 

Chambres  de  discipline.  L’institution  des  con- 
seils de  discipline,  pour  les  médecins,  serait  à nos 
yeux  le  projet  le  mieux  conçu  que  l’on  pût  pré- 
senter à une  nation  comme  la  notre.  Plusieurs 


*97 


professions  de  la  société  ont  leurs  chambres  de 
discipline.  Les  médecins  sont  privés  de  cet  avan- 
tage, tellement  précieux,  qu’il  tend  à conserver 
Tordre , la  décence  et  le  respect  que  se  doivent 
mutuellement  des  hommes  bien  élevés  et  chargés 
des  intérêts  les  plus  chers  de  la  société.  Il  est 
temps  d’étouffer  des  divisions  qui  nuisent  à la 
science  en  affaiblissant  la  considération  et  la  con- 
fiance, qui  ne  seraient  jamais  altérées  s’il  existait 
des  conseils  de  discipline  médicaux. 

Les  conseils  poursuivraient  le  charlatanisme  par- 
tout où  il  se  trouverait,  sous  quelque  forme  qu’il 

4 

se  présentât.  Le  charlatanisme  est  une  épidémie 
meurtrière.  La  peste  même  n’ est  que  passagère, 
elle  n’exerce  ses  ravages  que  de  loin  en  loin  , et 
ne  laisse  après  elle  que  les  traces  d’une  dépopula- 
tion plus  ou  moins  étendue,  selon  les  bornes  dans 
lesquelles  elle  est  renfermée.  Le  charlatanisme  a 
des  retours,  si  fréquens  et  si  universels,  qu’il  pour- 
rait être  considéré  comme  une  calamité  perma- 
nente. 11  détériore  ce  qu’il  ne  touche  pas,  et  parmi 
les  victimes  incalculables  qu’ii  immole  chaque 


jour,  on  voit  celles  qu’il  semble  avoir  le  plus 
épargnées  , porter  les  stigmates  ineffaçables  de  sa 
cruauté,  ou  gémir  à jamais  en  proie  aux  infirmités 
de  toute  espèce  par  lesquelles  il  marque  son  pas- 
sage. 


Les  conseils  de  discipline  feraient  enfin  justice 
de  ces  prétendus  oculistes,  faiseurs  de  grandes 
opérations  chirurgicales,  jugeurs d’eau , etc.  Tous 
ces  jongleurs  disparaîtraient  pour  jamais  de  notre 
belle  France , qui  a bien  assez  de  ses  rebouteurs 
abrutis,  mais  titrés.  Les  exploits  de  ces  derniers 
s’aperçoivent  principalement  dans  l’examen  qui 
se  fait  chaque  année  des  jeunes  gens  appelés  au 
service  militaire. 

La  diversité  des  doctrines  médicales  a divisé 
les  hommes  qui  exercent  l’art  de  guérir;  les  con- 
seils de  discipline  anéantiraient  cos  divisions.  C'est 
dans  cette  réunion  de  famille  que  l’esprit  brouil- 
lon serait  étouffé,  que  les  passions  médicales  re- 
cevraient un  frein,  d’autant  plus  convenable,  qu’il 
leur  serait  opposé  par  les  médecins  eux-mêmes. 


I 


*99 

On  ne  verrait  entre  ceux-ci  qu’une  heureuse  har- 
monie. Il  n’existerait , parmi  eux,  d’autre  envie 
que  celle  d’illustrer  le  premier  des  arts,  puisqu’il 
tend  à conserver  le  premier  des  biens.  Avance- 
ment et  expansion  de  la  science,  rapports  fréquens 
et  bientôt  intimes  entre  les  médecins,  utilité  gé- 
nérale ; voilà,  en  peu  de  mots,  les  avantages  des 
conseils  de  discipline  médicaux. 


lisse  composeraient  des  neuf  médecins  les  plus 
anciens  de  diplôme  paé  département  3 le  doyen 
d’àge  présiderait 5 le  plus  jeune  serait  secrétaire. 
On  n’aliouerait  aucun  traitement  à ces  conseils  3 
ils  couvriraient  leurs  dépenses  parles  produits  des 
réceptions  des  sages-femmes,  et  ceux  des  visites 
qu’ils  feraient  chaque  année  chez  les  pharma- 
/ ciens,  les  droguistes,  etc.  Mais  alors  les  profes- 
seurs des  Facultés  se  borneraient  aux  visites  de 
leurs  départemens  respectifs  3 mieux  vaudrait 
qu’ils  ne  s’en  mêlassent  pas  du  tout.  Ils  auraient 
bien  assez  de  l’enseignement  et  des  examens  aux- 
quels ils  seraient  plus  sévèrement  tenus. 


200 


Tels  sont  nos  vœux  les  plus  ardents  , tels  doivent 
être  ceux  des  vrais  amis  de  lTiumanité. 

Nous  allons  examiner  maintenant  les  moyens 
de  combattre  les  affections  nerveuses,  lorsqu’une 
bonne  éducation  et  des  lois  sages  n’ont  pu  pré- 
venir l’invasion  de  ces  maladies. 

2.  Traitement  curatif.  — A.  Moyens  tires  du 
règne  animal.  Sans  nous  attacher  aux  règles  pres- 
crites par  la  matière  médicale  y nous  ferons  con- 
naître successivement  les  substances  que  nous 
avons  le  plus  souvent  eu  occasion  d’employer,  et 
les  circonstances  où  ces  substances  nous  ont  paru 
convenir  davantage. 


Il  n’existe  pas  de  maladies  pour  lesquelles  on 
ait  inventé  plus  de  méthodes  de  traitement  que 
pour  les  névroses.  Les  trois  règnes  de  la  nature 
ont  tour-à-tour  été  mis  à contribution  ; et,  il 
faut  le  dire,  avec  bien  peu  de  succès,  du  moins 
pour  plusieurs  de  ces  affections  contre  lesquelles 
l’arsenal  de  la  thérapeutique  a été  souvent  inu- 


201 


tile,  et  a même  produit  des  effets  fâcheux.  Que 
pourraient,  eu  effet,  toutes  les  substances  indi- 
gènes ou  exotiques;  animales,  végétales  ou  miné- 
rales; toutes  les  opérations  de  la  chirurgie,  con- 
tre les  vésanies  ou  maladies  mentales,  par  exem- 
ple ? 

Cantharides.  La  seule  manière  d’user  de  ces 
précieux  insectes,  dans  le  traitement  des  affec- 
tions nerveuses,  est  en  teinture  alcoholique  ou 
en  emplâtre. 

On  les  emploie  avec  un  succès  merveilleux  dans 
les  fièvres  malignes,  dans  les  névralgies  métasti- 
ques,  ou  qui  proviennent  du  transport  d’une  hu- 
meur sur  un  nerf  ou  une  paire  de  nerfs  ; mais  c’est 
dans  les  rhumatismes  chroniques,  et  principale- 
ment dans  la  sciatique,  que  nous  avons  eu  à nous 
louer,  soit  des  frictions  avec  la  solution  alcoho- 
lique de  cantharides,  soit  des  vésicatoires  que 
nous  avons  toujours  la  précaution  de  saupoudrer 
de  camphre. 

Nous  pouvons  assurer  que,  constamment,  on 

i3 


‘202. 


vient  about  de  la  sciatique  par  l'application  d’un 
vésicatoire  semblable  sur  le  trajet  du  nerf  du 
même  nom  à l’endroit  où  il  est  le  moins  caché  , 
comme  le  veut  Cotugno , c’est-à-dire,  sur  la  tête 
du  deuxième  os  de  la  jambe,  le  péroné. 

On  a à se  plaindre  de  ces  moyens  dans  les  au- 
tres névroses,  même  dans  la  paralysie,  où  ils  pa- 
raissent être  indiqués  de  préférence  à tout  autre. 

/ 

Sangsues.  Les  nerfs  peuvent  subir  l’inflamma- 
tion comme  les  autres  tissus  de  l’économie  ani- 
male , et,  dans  ce  cas,  c’est  le  névrilème  qui  en  est 
le  siège.  C’est  cette  inflammation  qui  constitue 
la  névralgie  proprement  dite.  Les  bons  effets  que 
l’on  retire  des  émissions  sanguines  dans  les  dou- 
leurs aiguës  des  nerfs  , sont  des  preuves  incontes- 
tables de  la  disposition  de  ces  parties  à s’enflam- 
mer. 

Lorsque  ce  sont  des  personnes  faibles,  délicates, 
ou  déjà  épuisées,  qui  se  trouvent  atteintes  de  né- 
vralgie aiguë,  les  sangsues  sont  préférables  à la 


203 


saignée  générale;  mais  les  émissions  sanguines 
doivent  être  abandonnées,  si  elles  n’ont  pas  fait 
cesser  la  douleur  sur-le-champ. 

Nous  profitons  de  cette  occasion  pour  blâmer 
hautement  l’application  des  sangsues  sur  le  trajet 
d’un  nerf  douloureux  ; on  a vu  des  accidens  sur- 
venir à la  suite  de  cette  pratique,  la  douleur  sur- 
tout devenir  intolérable.  Cela  se  conçoit  d’autant 
plus  facilement,  qu’on  sait  que  le  premier  effet 
de  la  succion  opérée  par  ces  annélides  est  d’attirer 
le  sang  où  elle  a lieu.  Tandis  que  si  les  sangsues 
sont  posées  sur  une  région  éloignée  de  celle  où  gît 
l'irritation , on  en  retire  un  avantage  réel;  c’est 
ce  qui  nous  est  arrivé  mainte  fois  pour  nous- 
rnême,  qui  sommes  sujet  à différentes  névralgies. 

Nous  déclarons  n’avoir  jamais  vu  céder  une 
gastralgie  aux  sangsues  posées  sur  l’épigas- 
tre, ou  région  de  l’estomac,  et  nous  pouvons 
assurer  avoir  été  souvent  témoin  de  l’intensité 
plus  grande  de  cette  névralgie  après  cette  appli- 
cation. 

i3,«. 


\ 


204 

Castoreum.  Cette  matière,  qui  nous  est  fournie 
par  l’animal  dont  elle  tire  son  nom  , ne  nous  a 
réussi  complètement  que  dans  l’hystérie  des  fem- 
mes faibles.  Voici  à quelle  dose  et  de  quelle  ma- 
nière nous  avons  administré  la  teinture  éthérée 
de  cette  substance  , que  l’alcohol  dissout  beau- 
coup moins  bien  : de  trente  gouttes  à deux  gros 
dans  une  tasse  d’infusion  de  fleurs  de  tilleul  ; 
d’un  demi-gros  à une  demi-once,  et  plus,  en  lave- 
ment , ou  en  injection  dans  l’utérus. 

Musc.  Le  musc,  dont  la  médecine  est  redeva- 
ble au  cKevrotin  ou  gazelle  d’Asie  , à plusieurs 
animaux  indigènes,  à quelques  végétaux,  et  meme 
à quelques  terres,  est  un  des  remèdes  les  plus  hé- 
roïques contre  les  maladies  essentiellement  ner- 
veuses : on  s’en  sert  avec  un  remarquable  avan- 
tage contre  le  tétanos  sans  complication  j ce 
qui  nous  arriva  dernièrement  à Versailles,  sur 
un  enfant  d’une  famille  très  avantageusement 
connue.  Une  sueur  considérable  s’établit,  et  le 
malade  fut  sauvé.  Le  musc,  dans  cette  circons- 
tance, fut  porté  jusqu’à  douze  grains  après  en 


avoir  commencé  l’usage  par  un  quart  de  grain. 

Huile  animale  de  Dieppel.  Celte  liuile,  qu’on 
obtient  de  l’esprit  de  corne  de  cerf  rectifié,  ne 
nous  a réussi  qu’une  seule  fois,  contre  une  pa- 

i 

ralysic  intestinale , à la  dose  de  trente  gouttes 
dans  une  potion  gommeuse.  On  aurait  tort  de 
l’employer  contre  les  affections  nerveuses  actives. 
Nous  avons  vu  de  grands  accidcns  résulter  de  son 
administration  dans  une  névralgie  faciale. 

Ambre  gris.  Cette  matière  concrète,  fournie 

* 

par  le  cachalot , d’après  de  nouvelles  observa- 
tions, nous  a réussi  une  fois  contre  le  tétanos  sur 
une  demoiselle  de  Vienne  (Autriche). 

Gélatine.  Ce  principe  immédiat  des  subs- 
tances animales  est  à-la-fois  utile,  comme  aliment 
et  comme  médicament,  dans  les  maladies  nerveu- 
ses. Outre  l’avantage  de  nourrir,  sous  un  petit 
volume  , la  gélatine  a une  vertu  émolliente  qu’on 
apprécie  en  général  dans  le  traitement  des  affec- 
tions spasmodiques  des  voies  digestives  ; aussi  les- 


bouillons  de  veau,  de  poulet,  de  grenouille  , de 
limaçons,  etc.,  réussissent-ils  à tempérer  les  pro- 
priétés vitales  de  l’estomac,  si  exaltées  pendant 
l’irritation  de  ce  viscère. 


Lait.  Ce  fluide  animal  a été  de  tout  temps  em- 
ployé contre  certaines  maladies  du  système  ner- 
veux avec  épuisement.  Galien,  Forestus,  Fa- 
brice de  Hilden , ont  donné  celui  de  femme  ; ce- 
lui d’ânesse  a été  administré  avec  avantage  par 
Ancatus,  Hoffmann;  celui  de  chèvre,  par  Hel- 
wiigius,  Fischer,  etc.;  celui  de  vache,  parZacu- 
tus,  etc. 

Nous  avons  obtenu  des  succès  étonnans  de  la 
diète  lactée  dans  le  traitement  de  la  fièvre  hec- 
tique nerveuse  : nous  ne  prescrivîmes  d’abord 
qu’une  petite  quantité  de  ce  liquide , nous  en 
augmentâmes  ensuite  progressivement  la  dose, 
jusqu’à  ce  que  le  malade  fut  parvenu  à ne  prendre 
que  du  lait. 

Nous  avons  également  été  très  satisfait  du  ré- 


207 

gime  lacté  dans  les  convulsions,  les  sciatiques, 
les  rhumatismes,  et  spécialement  la  goutte,  quia 
été  guérie  par  l’usage  exclusif  du  lait  sur  un  ma- 
re chal-de-camp  qui  nous  honore  de  son  intimité. 
Plusieurs  personnes  de  Versailles  connaissent  la 
cure  obtenue,  par  la  diète  blanche,  sur  le  spas- 
modique chevalier  que  nous  avons  déjà  eu  occa- 
sion de  citer. 

Nous  ne  dirons  rien  de  la  ràpure  des  os  du 
crâne  des  personnes  mortes  subitement,  des  sup- 
pliciés, ou  des  suicides  de  préférence  ; de  la  râ- 
pure  du  pied  d’élan,  de  celle  de  la  dent  de  chè- 
vre ; du  cerveau  desséché  et  en  poudre  de  quel- 
ques animaux,  notamment  du  vautour,  du  cygne; 
de  la  bile  d’ours  ; du  sang  humain  que  Celsc  pré- 
conise , etc.,  etc.;  substances  plus  dégoûtantes 
les  unes  que  les  autres,  et  que  nous  craindrions 
d’exhumer  de  l’abandon  ou  elles  sont  si  justement 
ensevelies,  en  leur  accordant  un  mot  de  plus. 

b.  Moyens  tirés  du  régne  végétal.  Le  nombre 
de  substances  que  nous  fournit  le  règne  végétal , 


2o8 


contre  les  affections  nerveuses,  est  si  considéra- 
ble , que  nous  nous  contenterons  d’énoncer  les 
principales. 

Térébenthine.  Ce  suc  résineux,  que  nous  de- 
vons aux  familles  des  térébentliacées  et  des  coni- 
fères, est  très  utile  dans  le  traitement  de  quelques 
névroses.  Son  huile  essentielle  ou  volatile  a sou- 
vent réussi  à l’habile  praticien,  M.  Récamier,  que 
l’on  entendra  toujours  nommer  quand  il  s’agira 
de  victoires  remportées  sur  la  nombreuse  cohorte 
de  maladies  qui  assiègent  l’espèce  humaine.  Il 
faut  prescrire  cette  huile,  soigneusement  rectifiée 
et  distillée,  à l’alcohol  ou  à l’éther.  Nous  n’avons 
eu  qu’à  nous  louer  de  ses  effets,  dans  une  enté- 
ralgie chronique  , et  dans  plusieurs  sciatiques , 
donnée  à la  dose  d’un  gros  délayé  avec  un  jaune 
d’œuf  et  étendu  dans  un  liquide  sucré  et  aro- 
matisé. 

Naplite  ou  pétrole.  Distillée  à feu  nu,  cette 
substance  donne  une  huile  empyreumatique,  dont 
vingt-quatre  gouttes,  étendues  dans  une  potion 


Qor) 

anti-spasmodique  simple,  ont  suffi  pour  apaiser 
une  entéralgie  chronique  et  une  paralysie  de  la 
vessie,  pour  laquelle  le  bas-ventre  était  également 
frictionné  avec  une  demi-once  de  cette  huile. 

Au  reste,  presque  toutes  les  huiles  empyreuma- 
tiques  ont  été  employées,  avec  plus  ou  moins  de 
succès,  dans  le  traitement  des  aflèctions  spasmo- 
diques non  aiguës. 

Poix  et  goudron.  Ces  produits  des  sapins  et 
des  mélcses  sont  également  utiles  dans  les  ma- 
ladies du  système  nerveux  ■ la  première , comme 
rubéfiante , et  en  cela  elle  est  préférable  aux  can- 
tharides, parce  qu’elle  ne  cause  pas  de  vésicules  et 
na  point,  comme  ces  dernières,  une  action  di- 
recte sur  la  vessie. 

Le  goudron , qui  ne  difière  de  la  poix  que  par 
sa  liquidité , nous  a été  d’un  grand  secours  dans 
1 asthme,  que  nous  considérons  comme  une  affec- 
tion convulsive  des  voies  aériennes.  Nous  don- 
nons 1 eau  de  goudron  à la  dose  de  deux  cuille- 
rées dans  autant  de  lait. 


210 


Roseaux.  De  tous  les  roseaux  connus,  le  sue 
de  Varundo-phragmites,  est  le  seul  qui  nous  ait 
réussi  à la  dose  d’une  demi-once  dans  une  tasse 
d’eau  tiède.  Nous  sommes  parvenu,  avec  ce  suc, 
à guérir  une  demoiselle  de  vingt  - cinq  ans, 
qui  présentait  une  paralysie  du  membre  supé- 
rieur droit,  et  des  douleurs  convulsives  dans  le 
membre  inférieur  du  même  coté. 

Baumes.  Quelques-uns  de  ces  médicamens  ont 
été  d’une  grande  utilité  dans  les  maladies  ner- 
veuses , avec  débilité  marquée , à cause  de  leur 
vertu  fortifiante  du  système  nerveux.  On  les  em- 
ploie en  vapeurs  que  l’on  inspire  à l’aide  d’un  fla- 
con à deux  tubulures , dont  une  est  recourbée  en 
forme  de  bec,  et  dirigée  dans  la  bouche,  tandis 
que  le  malade  facilite  l’évaporation  du  liquide  par 
l’application  de  ses  mains  ou  de  linges  très  chauds 
sur  le  flacon  ; on  peut  encore  verser  une  certaine 
quantité  d’éther  sur  celle  du  baume  contenu  dans 
le  flacon  j la  vapeur  qui  résulte  de  cette  solution 
est  préférable  à la  précédente. 

Nous  nous  servons  habituellement  du  baume 


21  I 


de  Tolu,  que  nous  prescrivons  aussi  intérieure- 
ment sous  forme  de  sirop  ; voilà  pour  les  baumes 
simples  : quant  aux  composés  pharmaceutiques, 
si  improprement  nommés  baumes,  le  baume  lier - 
val , le  baume  tranquille , le  baume  apoplectique , 
le  baume  de  vie  d’Hoffmann  , etc. , ont  été  sou- 
vent utiles  dans  les  rhumatismes  chroniques , 
soit  intérieurement,  soit  à l’extérieur,  comme 
le  baume  spiritueux  de  Fioraventi , qui,  en  fric- 
tions, convient  si  bien  dans  la  paralysie. 

Opium.  L’opium  agit  primitivement  par  son 
stimulus  ; il  produit  une  excitation , mais  qui  ne 
tarde  pas  à être  suivie  de  relâchement  et  de  fai- 
blesse indirecte;  il  attaque  enfin  la  vitalité,  si  on 
en  fait  un  trop  long  tirage.  On  ne  peut  cepen- 
dant s’empêcher  de  reconnaître  dans  celte  subs- 
tance un  des  puissans  agcns  de  la  médecine  anti- 
spasmodique. Quand  l’opium  n’aurait  que  la 
propriété  d’appaiser  le  tourment  de  la  douleur, 
il  serait  encore , sans  contredit , une  des  subs- 
tances les  plus  précieuses  de  l’art  de  guérir. 

b ne  sciatique  avait  résisté,  pendant  dix-huit 


•1 12 


mois,  aux  traitemens  les  mieux  combinés  par  les 
médecins  les  plus  éclairés  de  Varsovie.  L’officier 
polonais,  qui  souffrait  depuis  long-temps  de  cette 
affection , s’adressa  à un  chirurgien-major  fran- 
çais qui  le  mit  à l’usage  des  pilules  d’opium. 

Le  malade  débuta  par  en  prendre  une  d’un 
grain , et  parvint  successivement  à en  avaler 
soixante  par  jour. 

Beaucoup  de  migraines,  essentiellement  ner- 
veuses, ont  cédé  aux  emplâtres  opiacés  appli- 
qués sur  les  tempes  ou  derrière  les  oreilles. 

Que  l’opium  nous  vienne  de  l’Égypte,  de  la 
Perse,  de  l’Arabie , de  l’Anatolie,  ou  des  autres 
pays  chauds  de  l’Asie,  cela  est  indifférent,  pourvu 
qu’il  soit  dense,  amer,  et,  comme  on  le  dit  à 
Florence , pourvu  qu’en  le  flairant  il  fasse  venir 
le  sommeil  et  se  dissolve  dans  l’eau.  Il  n’est  pas 
de  notre  sujet  de  nous  occuper  de  ses  différentes 
préparations  ; mais  l’opium  , nous  en  sommes 
convaincu,  donnera  lieu  à des  découvertes  ul- 
térieures sur  sa  miraculeuse  vertu. 


2l3 


Digitale  pourprée . Celle  plante,  de  la  ditly- 
narnie  angiospermie  de  Linnée,  se  rapproche 
beaucoup  de  la  précédente,  du  moins  pour  sa 
manière  d’agir.  Nous  dirons  ce  que  nous  avons 
remarqué  sur  les  effets  de  ce  végétal,  quoique  sa 
vertu , comme  celle  de  presque  tous  les  médica- 
mens,  soit  encore  un  mystère. 

C’est  sous  la  forme  de  teinture  éthérée  prépa- 
rée avec  les  feuilles  fraîches,  que  nous  l’avons 
employée  à la  dose  de  dix  goulles,  en  l’augmen- 
tant graduellement  jusqu’à  soixante,  pour  le 
lombago , X asthme,  la  toux  convulsive,  l’épilep- 
sie sympathique  et  une  manie  dont  la  cause  était 
une  affection  des  viscères  de  l’abdomen. 

Nous  avons  surtout  vu  guérir  plusieurs  mélan- 
colies (qui  portaient  un  caractère  asthénique) 
avec  l’extrait  de  digitale  pourprée. 

Les  céphalalgies  sus-orbitaires  essentielles,  et 
les  spasmes  du  cœur,  ne  résistent  jamais  à l’em- 
ploi de  la  teinture  éthérée  de  digitale,  portée 
gradathn  à haute  dose. 


Pivoine.  Celte  plante , de  la  famille  des  ellé- 
boracées  , a réussi  quelquefois  dans  l’épilepsie 
sympathique.  Il  faut  donner  sa  racine  en  poudre, 
depuis  dix  grains  jusqu’à  deux  gros. 

Camphre.  Ce  produit  du  laurus  camphora  de 
Linnée  (que  l’on  retire  aussi  d’un  assez  grand 
nombre  de  plantes),  convient  dans  les  paralysies, 
à cause  de  sa  grande  vertu  stimulante.  Plu- 
sieurs rhumatismes  chroniques,  douleurs  scia- 
tiques, etc.,  ont  cédé  au  camphre  donné  en  pou- 
dre, en  le  mêlant  avec  du  sucre,  en  frictions  et 
en  lavemens.  Nous  l’avons  vu  agir  très  efficace- 
ment contre  une  angine  de  poitrine  purement 
nerveuse.  Il  fut  donné  à la  dose  d’un  gros  dis- 
sous dans  un  peu  d’éther,  et  étendu  ensuite  dans 
une  potion  gommeuse;  mais  la  maladie  ayant 
résisté,  le  médecin  lit  appliquer  un  large  vési- 
catoire camphré  au  milieu  des  épaules.  Il  était 
pansé  deux  fois  par  jour  avec  du  cérat  couvert 
de  camphre  en  poudre.  Le  malade,  qui  aupara- 
vant avait  été  soumis  en  vain  à différentes  appli- 
cations de  sangsues  ou  saignées  générales , fut 
totalement  rétabli. 


I 


2 

Belladone.  A trop  a belladona  de  Linnée;  ce  vé- 
gétal agitcomme  l’opium;  mais  il  est  évidemment 
supérieur  à celui-ci  contre  la  coqueluche,  qui  n'est 
qu’une  toux  convulsive.  Il  faut  donner  la  bella- 
done à la  dose  d’un  demi-grain  de  sa  racine  en 
poudre  dans  une  tasse  de  lait,  en  augmcntantsuc- 
cessivement  jusqu’à  trois  grains  pour  les  enfans, 
et  quelquefois  jusqu’à  vingt  pour  les  adultes. 

Morelle  à fruits  noirs.  Solanum  nigrum  de 
Linnée.  On  est  parvenu  à calmer  entièrement  un 
tic  douloureux  de  la  face  avec  des  cataplasmes  de 
ce  végétal.  Cette  affection  avait  résisté  à tous  les 
autres  moyens  connus. 

Douce  amère.  Nous  avons  vu  retirer  les  mêmes 
avantages  de  ce  solanum  dulcamara  de  Linnée  , 
administré  de  la  même  manière,  dans  le  traite- 
ment d’une  névralgie  sus-orbitaire. 

Galbanum.  Nous  avons  été  témoin  du  succès 
de  ce  produit  végétal  dans  le  traitement  de  plu- 
sieurs hystéries  et  entéralgies ; le  suc  de  ce  bubon 


galbanum  de  Linnée  était  employé  en  fumiga- 
tions; dans  une  autre  circonstance  ce  suc  fut 
donné  en  pilules  , et  avec  avantage,  contre  l’hypo- 
condrie, à la  dose  de  dix  grains  par  jour. 

Assa  fœtida.  Cette  gomme  résine  que  nous 
fournit  le  ferula  assa  fœtida  de  Linnée,  réussit 
presque  constamment  dans  les  névroses  utérines 
et  dans  l’asthme;  mais  il  faut  la  donner  en  injec- 
tions ou  en  lavemens  dans  les  premières , et  en  fu- 
migations dans  le  dernier. 

Valérianes.  L’action  de  ces  plantes  sur  le  sys- 
tème nerveux,  leur  a acquis  une  réputation  mé- 
ritée. 

C’est  surtout  dans  l’épilepsie  sympathique 
qu  elles  ont  réussi.  Elles  ont  également  eu  quel- 
ques succès  dans  la  plupart  des  affections  nerveu- 
ses; mais  il  fautles  donnera  très  hautes  doses,  après 
avoir  commencé  par  la  plus  faible.  Nous  avons 
fait  prendre  jusqu’à  deux  onces  de  racine  de  va- 
lériane en  poudre  (en  vingt-quatre  heures),  dans 
la  catalepsie. 


2i7 

Quinquina . Ce  végétal  e^t  préconisé , à juste 
titre,  comme  anti-périodique,  mais  il  réussit 
rarement  dans  les  névroses  qui  affectent  même  ce 
caractère.  S’il  vient  à bout  de  quelques  unes  de 
ces  maladies,  c’est  qu’elles  sont  entièrement  as- 
théniques, puisque  cette  substance  tient  ie  pre- 
mier rang,  parmi  les  toniques,  à cause  deson  éner- 
gie permanente. 

* 

Jusquiame  noire . Hyoscjamus  niger , de  Lin- 
née.  Ce  poison  narcotique  a eu  des  succès  contre 
quelques  névroses,  notamment  contre  l’hypocon- 
drie. On  peut  le  donner  en  extrait  à la  dose  d’un 
gros,  dissous  dans  une  once  d’eau  de  fleurs  de 
camomille;  on  en  prend  dix  gouttes  par  heure , en 
augmentant  de  quatre  gouttes  chaque  fois,  comme 
le  conseille  un  médecin  allemand,  M.  Breiting. 

Stj amoine.  B) atui'a  stramonium , de  Linnée;  de 
la  famille  des  solanées.  Nous  avons  vu  donner  , 
avec  avantage,  l’extrait  de  ce  funeste  poison  à la 
dose  d’un  graiq  dans  l’épilepsie  sympathique  et 
la  mélancolie.  La  fumée  de  la  racine  de  cette 


ê 


218 


plante  réussit  souvent  contre  l’asthme;  nous 
avons  été  témoin  de  son  efficacité , dans  ce 
cas,  mais  il  faut  y avoir  recours  au  moment  de 
accès. 

Acide  prussique  ou  hj dro-cy unique . Cet  acide, 
dont  nos  chimistes  les  plus  habiles  ont  constaté  le 
siège  dans  certains  végétaux,  est  peut-être  le  poi- 
son le  plus  subtil  que  l’on  connaisse,  mais  aussi 
un  des  plus  puissans  agens  de  la  médecine  anti- 
spasmodique. 

Nous  l’employons  souvent  dans  l’épilepsie  idio- 
pathique , et  voici  comment  : nous  commençons 
par  une  goutte  de  cet  acide  dans  une  cuiller  à 
bouche  d’eau  fraîche.  Nous  augmentons  chaque 
jour  d’une  goutte  d’acide  et  d’autant  d’eau  , 
jusqu’à  ce  que  le  malade  se  plaigne  de  vertige  , 
d’étourdissement,  de  constrictions  à la  poitrine, 
d’envie  de  vomir,  d’oppression,  de  céphalalgie 
ou  de  défaillance.  L’un  de  ces  phénomènes  suffit 
pour  nous  faire  rétrograder  ; nous  recommençons 
ensuite  par  une  goutte. 


2I9 

Les  accidens  nouvellement  produits  par  le 
Datur a stramonium  et  l’acide  prussique,  prouve- 
raient encore,  s’il  était  nécessaire,  qu’une  bonne 
loi  sur  la  police  médicale  est  indispensable.  Les 
quiproquo  des  apothicaires,  et  le  zèle  trop  ardent 
de  quelques  docteurs,  ont  besoin  d’un  frein. 

Le  Codex  lui -même  n’est  point  exempt  de 
reproche,  et  peut-être  que,  sans  lui,  un  médecin 
de  la  plus  haute  espérance,  et  que  recommandent 

oyé 

le  toxique  Je  plus  délétère  avec  autant  de  con- 
fiance. * 

Arnique.  Nous  n’avons  euoccasion d’employer, 
qu’une  seule  fois,  l’infusion  de  fleurs  d’ Arnica 
montana,  deLinnée.  C’était  contre  l’astlime;  elle 
parvint  à en  éloigner  les  accès.  Celte  plante  est 
très  énergique;  mais  nous  ne  pensons  pas  qu’elle 
ait  de  grandes  vertus  anti-spasmodiques.  On 
1 emploie  souvent  dans  les  paralysies;  c’est  bien 
là  où  elle  peut-être  utile. 

(juî  de  chêne . Le  gui  est  en  général  une  des 


toutes  les  qualités  sociales,  n’eût  point  empl 


Qi>0 


plantes  parasites  de  la  Diœcie  té  tan  ch  -i  e,  de  Linnée; 
elle  a réellement  réussi  contre  quelques  épilep- 
sies. L’écorce  de  ce  végétal  en  poudre,  à la  dose 
de  deux  gros  dans  une  tasse  d’infusion  de  fleurs 
d’oranger , est  parvenue  à guérir  radicalement  un 

enfant  de  six  ans,  d’une  épilepsie  sympathique. 

\ 

Moutardes.  Ces  plantes,  de  la  Tétradjnamie 
siliculeuse , de  Linnée,  sont  des  stimulans  du 
premier  ordre,  et  c’est  sous  ce  rapport  quelles 
conviennent  dans  quelques  paralysies  ou  névrosés 
asthéniques , contre  celle  de  la  langue  , par 
exemple,  pour  laquelle  on  fait  mâcher,  avec  un 
succès  vraiment  extraordinaire,  la  semence  de 
ce  végétal  stimulant.  Quelques  médecins  anglais 
font  aujourd’hui  une  panacée  universelle  de  la 
graine  de  moutarde  blanche  ; nous  sommes  porté 
à croire  que  cette  substance  n’a  pas  les  vertus  que 
ces  enthousiastes  lui  attribuent. 

9 

Dictante.  Les  médecins  et  les  poètes  de  l’anti- 
quité ont  tour-à- tour  chanté  cet  Origanum  Dicta- - 
mus,  de  Linnée.  Il  modère,  par  l’infusion  aqueuse 


V.2I 


de  scs  feuilles  , l’irritation  nerveuse,  sans  laisser 
après  son  action  aucun  des  effets  de  l’opium,  du 
camphre,  etc. 

Bue.  Cette  plante  de  la  Dècandrie  monogjrnie, 
de  Linnée,  réussit  quelquefois  dans  l’hystérie  , 
sous  forme  de  poudre  de  ses  feuilles  à la  dose 
d’un  scrupule  à un  gros,  et  en  cataplasme  sur  le 
bas~\  entre. 

Narcisse.  Ce  végétal  de  l' Ile ocandrie  mono - 
g y nie  j de  Linnée  , est  souvent  utile  dans  les 
névroses.  C’est  surtout  l’infusion  des  feuilles  du 
narcisse  sauvage  qui  a réussi  dans  la  coqueluche. 

Succin  ou  Ambre  jaune.  C’est  une  substance 
résineuse  que  les  anciens  faisaient  provenir  du 
suc  des  pins,  sapins,  etc.,  et  que  les  modernes 
regardent  comme  un  bitume  qui  découle  du  sein 
de  la  terre  dans  la  mer.  Cette  matière,  que  nous 
nous  sommes  souvent  plu  à pécher  dans  la 
Baltique,  est  d’une  grande  utilité  dans  certaines 
névroses  ; on  la  donne  en  teinture  élhérée  , de- 


9.22 


puis  un  scrupule  jusqu’à  un  gros.  Une  hystérie,, 
d’une  intensité  rare,  a cédé  à l’emploi  de  ce 
médicament,  porté  à deux  gros. 

Ellier  suif  urique.  Il  est  éminemment  utile 
dans  l’asthme,  et  dans  toutes  les  affections  con- 
vulsives. Nous  préférons  l’employer  en  le  faisant 
respirer  au  moyen  du  petit  appareil  dont  nous 
avons  déjà  parlé.  Introduit  dans  l’estomac,  cet 
éther  peut  facilement  irriter  la  membrane  mu- 
queuse de  ce  viscère. 

Éther  acétique.  Les  lavemens  et  les  bains  de 
siège,  contenant  une  certaine  quantité  de  cette 
combinaison  de  l’alcohol  avec  l’acide  acétique, 
ont  parfaitement  éteint  des  coliques  spasmodi- 
ques contre  lesquelles  tous  les  autres  caïmans 
avaient  échoué.  Mais  c’est  à l’extérieur  qu’on 
est  plus  satisfait  de  cet  éther,  et  qu’on  est  moins 
inquiet  sur  son  action.  Nous  l’avons  employé 
jusqu’à  la  dose  de  deux  pintes  pour  un  bain 
général,  il  faut  verser  l’éther  lorsque  le  malade 
est  dans  l’eau,  et  ne  laisser  séjourner  celui-ci, 


dans  le  bain,  qu’un  quart-d’heure  ou  une  demi- 
heure  au  plus. 

Jalap.  Le  convolvuhis  jalapade  la  penlandrie 
mono  g y nie,  de  Linnée,  est  comme  tous  les  au- 
tres purgatifs  drastiques  (violens)  qui  combat- 
tent avec  efficacité  les  paralysies,  l’idiotisme,  etc. 
Nous  pouvons  assurer  avoir  vu  disparaître  en- 
tièrement celle  dernière  affection  chez  une  jeune 
personne,  en  réitérant,  pendant  un  an,  tous  les 
deux  jours,  la  résine  de  jalap  à dose  appropriée 
à 1 âge  et  au  tempérament  de  la  malade. 

11  est  rare  que  ces  moyens  ne  réussissent  pas 
dans  les  rhumatismes  chroniques.  Le  vomi-pur- 
gatif Leroy  doit  à cette  vertu  drastique  la  vogue 
qu’il  s’est  acquise  dans  les  classes  même  les  plus 
élevées  de  la  société.  L’Académie  Royale  de 
Médecine  n’en  a pas  moins  agi  très  sagement  en 
défendant  le  débit  de  ce  poison  tel  qu’il  avait, 
lieu  -,  ce  corps  , vraiment  savant  et  phiJantrope  , 
aurait  du  en  faire  autant  pour  détruire  l’abus  que 
l’on  fait  d’une  méthode  , non  moins  meurtrière  , 


puisqu'elle  tend  à diminuer , souvent  sans  raison  7 
la  propre  substance  de  la  vie. 

Nous  pensons,  avec  un  médecin  du  premier 
mérite,  que  les  doctrines  médicales  ne  peuvent 
ctre  bonnes  qu’autant  qu’elles  sont  basées  sur 
des  faits  incontestables,  et  expérimentées  avec 
franchise  et  loyauté. 

Il  serait  inutile  d’entrer  plus  avant  dans  la  vaste 
série  des  moyens  qu’offre  le  règne  végétal  à la 
curation  des  névroses.  Plusieurs  produits  de  ce 
règne  sont  ou  dans  l’oubli,  ou  jouissent  de  trop 
peu  d’importance  pour  figurer  ici. 

c.  Moyens  tirés  du  règne  minéral.  Ammo- 
niaque. L’ammoniaque  liquide  ou  alcali  volatil 
que  l’on  retire  ordinairement  du  muriate  d am- 
moniaque ou  sel  ammoniacal,  est  un  puissant 
remède  contre  plusieurs  névroses.  Une  amaurose 
et  de  violentes  palpitations  nerveuses  du  cœur 
ont  cédé,  au  bout  de  huit  jours,  à six  gouttes 
d’ammoniaque  liquide,  prises  dans  un  verre  d’eau 
fraicho  chaque  matin  à jeun. 


2 9.3 

Soufre.  Nous  avons  vu  ce  corps  simple  et  si 
répandu  dans  la  nature , guérir  quelques  affec- 
tions asthmatiques,  goutteuses  et  même  hystéri- 
ques anciennes.  Il  faut  le  prendre  par  cuillerée  , 
une  fois  par  jour  , et  pendant  six  mois  au 
moins. 


r 

Emétique.  L émétique  ou  tartrite  antimonié 
de  potasse,  parce  qu’il  est  composé  de  tartrate 
d’antimoine  et  de  tartrate  de  potasse,  est  sou- 
vent efficace  dans  le  traitement  de  l’épilepsie. 
Stoll,  Tissot,  Tourtelle,  ont  guéri  cette  affection 
par  ce  moyen.  Il  est  rare  que  la  migraine  ne  soit 
pas  enlevée  par  l’action  de  l’émétique.  Ce  sel  est 
également  puissant,  dans  certains  rhumatismes, 
par  la  diaphorèse  générale  qu’il  provoque  , et 
dans  1 amaurose , par  la  secousse  qu’il  imprime 
au  système  nerveux,  secousse  qui  ranime  les  nerfs 
optiques. 


Le  célèbre  Desault,  dans  les  dernières  années 
de  sa  vie,  avait  abandonné  le  trépan  en  faveur 


de  F émétique,  dans  le  traitement  des  plaies  de 
tète. 

Fer.  Nous  avons  vu  guérir,  par  cet  agent,  une 
jeune  dame  hystérique  qui  éprouvait  des  trem- 
blemens  ,des  membres.  On  n’a  employé  dans 
cette  circonstance  , que  le  chocolat  ferré,  qui  se 
prépare  en  introduisant  un  gros  de  limaille  de 
fer  porphyrisée  dans  une  livre  de  chocolat. 

Aimant.  C’est  par  sa  vertu  magnétique  que 
cette  mine  de  fer  agit  sur  le  système  nerveux. 
Nous  avons  donné  la  pierre  d’aimant,  à la  dose 
d’un  demi-gros  dans  une  tasse  d’infusion  de  feuil- 
les d’oranger,  répétée  pendant  six  mois,  et  nous 
sommes  parvenu  à arrêter  un  vertige  ténébreux 
qui  existait  depuis  deux  ans. 

*•  i 

Zinc.  C’est  l’oxyde  de  ce  métal,  ou  (leurs  de 
zinc  , que  l’on  emploie  particulièrement  pour 
combattre  les  convulsions  des  enfans.  L’oxyde  de 
zinc  agit  d’une  manière  étonnante  sur  le  cerveau. 
Nous  avons  vu  guérir  deux  jeunes  hiles,  lune 


327  / 

hystérique,  et  l’autre  affectée  de  la  danse  de  Sairrt 
Guy , en  portant  l’usage  des  fleurs  de  zinc  jusqu’à 
cent  grains  par  jour,  et  toujours  gradatim. 
Un  épileptique  a été  soulagé,  en  saupoudrant  de 
cet  oxyde  , la  surface  d’une  large  plaie  produite 
au  bras  gauche  par  un  vésicatoire. 

Cuivre . Si  cette  substance  métallique  est  un 
poison  violent,  elle  est  aussi,  à doses  réfractées, 
un  puissant  excitant  du  système  nerveux.  INous 
avons  obtenu  quelques  succès  de  la  solution  du 
sulfate  acide  de  cuivre,  chez  des  hypocondriaques 
et  des  épileptiques,  mais  il  faut  l’employer  avec 
une  grande  circonspection.  Une  épilepsie  idiopa- 
thique a cédé  au  sulfate  de  cuivre  ammoniacal. 
On  doit  en  commencer  l’usage  par  un  huitième 
de  grain,  et  aller  successivement  jusqu’à  dix 
grains,  pour  ne  point  éprouver  d’accident. 

Plomb.  Ce  métal,  dont  la  mine  est  si  répandue, 
ne  nous  a réussi  que  dans  les  névroses  utérines. 
C’est  le  sel  de  saturne  ou  l’acétate  de  plomb  des 
chimistes  , que  nous  avons  mis  en  usage,  en 


228 


commençant  par  une  goutte  jusqu’à  dix,  dans 
une  potion  anti-spasmodique  simple. 

Argent.  La  seule  préparation  de  ce  métal, 
recommandée  dans  les  névroses , est  le  nitrate 
d'argent  fondu  ou  pierre  infernale.  Nous  l’avons 
souvent  employé  contre  l’épilepsie,  et  non-seu- 
lement il  n’a  produit  aucun  bien,  mais  il  a 
donné  lieu  à des  phénomènes  étranges,  ou  à des 
accidens  terribles.  Plusieurs  personnes  atteintes 
de  cette  maladie,  après  avoir  pris  assez  long- 
temps des  pilules  de  deux  grains  de  ce  sel,  ont 
aperçu  sur-le-champ,  et  conservé  pendant  quel- 
ques jours,  une  teinte  bleuâtre  du  visage.  Nous 
sommes  même  si  habitué  à ce  phénomène,  que 
le  dernier  épileptique  qui  fut  soumis  à notre 
examen,  présentait  cette  singulière  circonstance. 
Nous  lui  demandâmes  aussitôt  s’il  avait  pris  de  la 
pierre  infernale,  il  nous  répondit  : « beaucoup.  » 
Un  autre  malade  avait  éprouvé  une  telle  inflam- 
mation des  organes  digestifs,  qu’a  près  un  an  de 
traitement,  il  se  trouvait  encore  dans  1 impossi- 
bilité de  prendre  autre  chose  que  du  lait.  Presque 


229 

constamment  les  accès  d’épilepsie  se  rappro- 
chaient par  i’elFet  du  nitrate  d’argent  fondu. 

Or.  Une  névralgie  frontale  , très  rebelle , a 
cédé  à l’action  du  muriate  d’or,  donné  en  pilules, 
depuis  un  grain  jusqu’à  six.  Ce  sel  n’est  autre 
chose  que  la  combinaison  de  l’or  avec  l’acide 
muriatique  5 combinaison  qui  porte  aujourd’hui 
le  nom  de  chlorure  d’or. 

Phosphore.  Ce  corps,  que  l’on  trouve  dans  les 
trois  règnes  de  la  nature,  est  souvent  utile  dans 
les  névroses.  Sa  solution  éthérée  à la  dose  de 
vingt  gouttes  sur  un  morceau  de  sucre,  réussit 
quelquefois  dans  la  mélancolie;  mais  il  faut  ré- 
péter celte  dose  deux  fois  par  jour,  et  pendant 
plusieurs  mois. 

Eaux  minérales  prises  en  boisson.  Ces  eaux 
n’agissent  pas  souvent  avec  avantage  sur  les  af- 
fections du  système  nerveux.  On  ne  peut  cepen- 
dant contester  l’efficacité  de  plusieurs  d’entr’el- 
les,  qu’elles  doivent  peut-être  à l’influence  du 


ü3o 


changement  d’air  et  de  son  extrême  pureté  ; 
du  voyage,  delà  distraction,  de  la  beauté  du 
ciel,  de  la  variété  pittoresque  des  sites  ; mais  c’est 
surtout  sous  forme  de  bains  et  de  douches  , que 
ces  eaux  sont  utiles  dans  les  maux  dont  il 
s’agit. 

d . Moyens  curatifs  appliqués  à la  surface  exté- 
rieure du  corps.  Bains  tièdes.  Ils  conviennent  in- 
finiment aux  affections  des  nerfs  des  enfans  et  des 
femmes  dont  ces  organes  sont  très  délicats  et  très 
sensibles.  Ces  bains  suffisent  pour  calmer  des 
névralgies  qu’on  a vainement  attaquées  par  des 
substances  très  actives.  Nous  donnons  depuis 
long-temps  des  soins  à une  demoiselle  vivement 
tourmentée  par  une  névralgie  de  la  cuisse  gauche, 
qui  a résisté  à tout,  excepté  aux  bains  tièdes  pris 
pendant  trois  ou  quatre  heures  par  jour  * aujour- 
d’hui les  vaisseaux  extérieurs  du  membre  se  gon- 
flent peu  à peu,  la  jambe  se  détend,  le  pouls 
est  plus  plein,  il  bat  régulièrement  ; le  visage  se 
colore,  on  y remarque  une  légère  moiteur , et  le 
sommeil  commence  à s’emparer  de  la  malade. 


Bains  chauds,  il  est  rare  que  les  bains  chauds 
généraux  conviennent  dans  le  traitement  des 
névralgies,  puisqu’ils  produisent  eux-mêmes  des 
syncopes,  des  migraines,  des  vertiges,  des  car- 
dialgies  (spasmes  douloureux  de  l’orifice  supé- 
rieur de  l’estomac),  le  hoquet,  des  convulsions. 

Manuluves  et  pédduves.  Ces  bains  opèrent  des 
effets  merveilleux  quand  on  y a recours  pour  les 
douleurs  spasmodiques  de  la  tête,  pour  l’asthme, 
les  palpitations  du  cœur,  les  fièvres  nerveuses  , 
etc.  ; mais  il  faut  avoir  la  précaution  de  se  tenir 
debout  dans  les  pédiluves  très  chauds.  Voici  ce 
qui  nous  est  arrivé  à ce  sujet.  Une  dame,  tour- 
mentée depuis  long-temps  par  une  liémi-cranie , 
n’obtenait  rien  des  bains  de  pieds  , très  animés, 
qu’elle  prenait  étant  assise.  Vous  lui  conseillâmes 
de  les  prendre  debout;  elle  fut  aussitôt  soulagée. 
Cette  manière  tendrait-elle  à faire  circuler  plus 
facilement  le  fluide  nerveux,  ou  le  pédiluve  se- 
rait-il enfin  dérivatif  de  ce  fluide  qui  affluait  vers 
la  tête,  comme  cela  arrive  fréquemment  au  sang? 
Nous  sommes  d’autant  plus  porté  à penser  ainsi, 


a 32 

que  la  malade  est  très  pçu  sanguine  ; qu’au  mo- 
ment de  ses  plus  grandes  douleurs  la  figure  reste 
pâle,  et  que  les  pulsations  des  artères  sont  natu- 
relles. Cette  dame  a eu  d’ailleurs  des  sangsues  à 
foison,  subi  plusieurs  saignées,  et  n’en  a été  que 
plus  souffrante. 

Nous  pensons  que  les  manuluves  doivent  être 
préférés  aux  bains  de  pieds  pour  les  névroses  de 
la  poitrine,  tandis  que  pour  celles  de  l’encéphale, 
ces  derniers  sont  bien  supérieurs  ; une  violente 
angine  de  poitrine  a cédé  promptement  à l’usage, 
long-temps  continué,  des  manuluves,  après  avoir 
résisté  aux  bains  de  pieds,  aux  larges  saignées,  etc. 

Fomentations.  Elles  sont  sèches  ou  humides. 
Les  premières,  qui  se  composent  de  sel,  de  cen- 
dres , de  sarment,  de  laine  ou  de  linge,  etc. , 
convenablement  échauffés,  réussissent  dans  pres- 
que toutes  les  névralgies  des  articulations. 

Les  fomentations  humides , que  l’on  prépare 
avec  des  substances  émollientes,  s’emploient  avec 


assez  Je  succès  dans  les  rhumatismes  chroniques, 
c’est  un  bain  tiède  dont  la  continuité  est  inap- 
préciable. 

Bains  de  sable.  Il  nous  ont  été  d’un  grand 
secours  dans  la  sciatique.  Un  de  nos  malades  , 
aussi  heureux  que  l’empereur  Auguste , a été 
radicalement  guéri  de  cette  maladie  par  ces  bains. 
Il  faut  que  le  sable  soit  échauffé  par  les  rayons  du 
soleil  , sur  le  bord  de  la  mer  ou  d’une  rivière.  On 
peut  remplacer  le  sable  par  le  son,  les  feuilles 
de  l’aune,  ou  des  cendres,  que  l’on  emploie  de 
préférence  aujourd’hui  pour  rappeler  les  noyés 
à la  vie. 


Bains  de  vapeurs.  Ces  bains,  moins  efficaces 
dans  les  affections  nerveuses  que  dans  celles  de  la 
peau,  sont  néanmoins  très  avantageux  dans  les 
névralgies  articulaires.  Les  roideurs  de  ces  par- 
ties ne  résistent  guère  à l’usage  de  ces  bains.  Nous 
avons  vu,  en  Russie  et  en  Suède,  les  bains  de  va- 
peurs être  un  des  besoins  du  peuple.  On  en  trouve 
dans  presque  chaque  village.  Cette  précaution 

i5 


234 

parait  être  appropriée  au  climat,  qui  tient  la  libre 
musculaire  dans  un  état  de  rigidité  permanente. 
Que  ces  bains  soient  artificiels  ou  naturels,  sim- 
ples ou  composés,  ils  n’en  agissent  pas  moins  de 
même  pour  les  maladies  nerveuses. 

Bains  de  gélatine.  De  tous  les  bains  composés 
que  la  médecine  emploie,  contre  les  névralgies, 
nous  n’en  connaissons  pas  de  plus  essentiellement 
utiles  que  ceux  de  gélatine.  Le  meilleur  moyen 
de  les  préparer  est  de  se  servir  d’une  certaine 
quantité  de  tripes  (viscères  de  bêles  à cornes), 
que  l’on  fait  bouillir.  Ces  bains  conservent  long- 
temps leur  chaleur  , et  ramollissent  d’une  ma- 
nière particulière  les  parties  soumises  à leur  ac- 
tion. C’est  par  ces.  moyens  que  plusieurs  enté- 
ralgies ont  été  apaisées. 

I 

Bains  froids.  Nous  ne  reconnaissons  Futilité 
de  ceux-ci  que  pour  les  maladies  nerveuses  qui 
affectent  particulièrement  le  cerveau  ou  ses  en- 
veloppes. Le  froid  est  en  général  ennemi  des  nerfs, 
comme  le  disait  Hippocrate;  aussi  est-d  rare 


qu’une  autre  affection  nerveuse,  que  celle  de  l’en- 
céphale, se  trouve  bien  de  l’application  du  froid. 
Il  diminue,  par  son  influence,  le  stimulus  de  la 
chaleur,  faction  des  vaisseaux,  l’énergie  des 
sensations  de  l’organe  cérébral,  et  chasse  , pour 
ainsi  dire,  les  fluides  qui  se  sont  portés  vers  ce 
viscère  par  l’eflèt  de  l’incitation.  On  ne  se  trouve 
jamais  mieux  du  bain  froid  que  lorsqu’on  y entre 
la  tète  la  première.  ÏNous  avons  vu  guérir  un 
maniaque  et  une  mélancolique,  par  le  seul  usage 
de  ce  moyen.  On  connaît  le  bon  effet  de  la  glace 
sur  la  tête  dans  les  lièvres  ataxiques  (malignes). 

Il  nous  fut  prescrit  en  Autriche,  pendant  la 
campagne  de  1809,  de  combattre  par  les  bains 
froids  les  nombreuses  affections  tétaniques  qui 
se  manifestèrent  parmi  les  blessés  ; plusieurs  en 
obtinrent  d’heureux  résultats. 

Les  bains  d’eau  de  mer  nous  ont  souvent 
réussi  dans  l’hypocondrie  et  l’hystérie;  ils  agis- 
sent plutôt  par  le  mouvement  que  l’on  s’y  donne 
et  leur  vertu  réfrigérante,  que  par  le  sel  qu’iL 


236 

contiennent  , qui  cependant  peut  augmenter  la 
propriété  excitante. 

Bains  de  surprise.  On  les  a recommandés 
contre  quelques  vésanies,  l’épilepsie,  etc.,  quoi- 
qu’on ait  vu  des  accidens  affreux  résulter  de 
leur  emploi.  Faudrait-il,  parce  qu’un  fou  se  sera 
guéri  en  se  jetant  par  la  fenêtre,  avoir  recours 
à des  moyens  semblables  pour  d’autres  aliénés? 

Bains  d’eaux  minérales.  Les  eaux  minérales, 
employées  sous  forme  de  bains,  n’ont  d’autre 
action  que  celle  des  bains  ordinaires.  Cepen- 
dant les  bains  salins,  tels  que  ceux  de  Balaruc  , 
de  Bourbonne-les-Bains,  etc.,  méritent  quelque 
préférence  comme  plus  excitans. 

Douches.  Les  douches,  qu’elles  soient  com- 
posées d’eau  acidulé,  ferrugineuse,  sulfureuse, etc., 
n’agissent  que  par  la  percussion  continuellement 
renouvelée  quelles  exercent  à la  surface  de  la 
peau,  à moins  que  les  substances  dissoutes  n’aug- 
mentent la'  force  de  cette  percussion.  Nous  avons 


l’expérience  que  les  douches  d’eau  chaude  ont 
dissipé  des  douleurs  articulaires  invétérées , des 
sciatiques,  des  rhumatismes  chroniques,  etc. 
Des  paralysies  ont  cédé  à l’usage  des  douches  sa- 
lines, après  avoir  résisté  aux  vésicatoires,  aux 
moxa.  Nous  sommes  certain  que  la  douche  as- 
cendante , introduite  par  l’ouverture  vaginale  , 
a remédié  à des  hystéries  très  anciennes. 

Il  est  des  rhumatismes  qui  ne  résistent  guère 
aux  douches  froides  ; ce  sont  les  rhumatismes 
aigus,  à cause  de  la  soustraction  du  calorique 
qu’ils  opèrent  promptement,  soustraction  qui 
diminue  la  force  de  la  puissance  incitante. 

Boues.  Les  boues  conviennent  également  dans 
quelques  cas  de  paralysie  des  membres,  et  dans 
les  rhumatismes  chroniques.  Celles  de  Saint- 
Amand  ont  combattu  , avec  le  résultat  le  pi  us 
satisfaisant,  une  sciatique  que  rien  n’avait  pu 
détruire.  Celles  de  Bagnères-de-Luchon  ont  mis 
lin  à une  hystérie  jusqu’alors  très  opiniâtre. 

Les  boues  ferrugineuses , comme  celles  de 


1 


238 

Saint-Àmand,  et  les  sulfureuses,  comme  celles 
de  Barèges,  sont  les  plus  fructueuses  dans  le 
traitement  des  névroses. 

Frictions 3 Massage  et  Tractions.  Si  les  per- 
sonnes rliumatisées  pouvaient  s’imaginer  de 
quelle  utilité  sont  ces  moyens  dans  le  traite- 
ment de  ces  alfections  chroniques,  surtout  lors- 
qu’elles sont  fixées  sur  les  articulations  ; si  ces 
personnes  avaient  la  patience  nécessaire  pour 
employer  assez  long-temps  ces  agens  vraiment 
puissans , elles  auraient  rarement  besoin  d’avoir 
recours  à d’autres  procédés.  Nous  avons  vu  beau- 
coup de  névralgies  articulaires  disparaître  par 
des  frictions  faites  seulement  avec  de  la  flanelle 
ou  une  brosse  douce. 

Le  massage,  si  usité  chez  les  peuples  de  l’O- 
rient, est  une  des  armes  les  plus  propres  à com- 
battre beaucoup  de  névralgies.  Un  médecin  a 
guéri  un  tétanique,  en  le  faisant  pétrir  vivement 
au  sortir  d’un  bain  de  gélatine  où  il  était  resté 
quatre  heures.  Le  massage  est  encore  d’une 


5.3g 

grande  ressource  dans  les  rhumatismes  articu- 
laires chroniques.  La  traction  des  articulations, 
dans  les  rhumatismes,  est  un  moyen  inappré- 
ciable. 

Un  général  polonais,  atteint  de  paralysie  des 
extrémités  inférieures,  nous  consulta  apres  la 
bataille  de  F riedland. Nous  reconnûmes  que  cette 
affection  n’avait  pas  sa  source  dans  une  lésion  du 
cerveau  j les  articulations  étaient  roides  et  pres- 
qu’ankylosées;  un  domestique  vigoureux  et  très 
attaché  à son  maître , saisissait  matin  et  soir  les 
articulations  du  malade  avec  les  mains  graissées 
de  moelle  de  bœuf,  les  massait  et  les  faisait  cra- 
quer chaque  fois  cinq  minutes  de  plus.  Cette 
manœuvre  dura  près  de  six  mois,  au  bout  des- 
quels le  général  commença  à marcher  avec  des 
béquilles,  et  plus  tard  sans  aucune  espèce  de  se- 
cours. Pendant  le  jour  deux  espèces  d’attelles  ar- 
ticulées entretenaient  ou  plutôt  forçaient  les 
articulations  des  genoux  et  des  pieds  à quelques 
mouvemens  d’extension  et  de  flexion. 

Flagellations.  Cette  pratique  , si  usitée  en 


.Russie,  a aussi  son  mérite.  C’est  particuliére- 
ment dans  les  paralysies  des  membres,  que  ces 
moyens  sont  vraiment  curatifs,  en  réveillant  la 
sensibilité  animale,  d’abord  de  la  peau , et  par 
suite  des  parties  sous-jacentes. 

Il  est  une  mélancolie  dont  il  est  inutile  de  faire 
connaître  la  source  à tous  nos  lecteurs , et  que 
les  médecins  ont  déjà  devinée,  contre  laquelle 
la  flagellation  est  d’une  utilité  reconnue. 

L’observation  suivante  donnera  une  idée  pré- 
cise de  l’importance  de  la  flagellation  dans  beau- 
coup de  maux  de  nerfs,  surtout  dans  les  va- 
peurs hystériques. 

Une  jeune  femme  de  Berlin  éprouvait  assez 
fréquemment  des  spasmes  violens  accompagnés 
de  perte  de  connaissance,  de  soupirs,  de  gémis- 
semens,  etc . Logé  chez  cette  dame,  nous  fûmes  ap- 
pelé pourla  secourir.  Peuexpérimenté encore  dans 
l’art  de  bien  distinguer  les  causes  et  d’apprécier 
les  véritables  moyens  dérivatifs  de  ces  affections 


du  genre  nerveux , nous  eûmes  tout  bonnement 
recours  aux  potions  anti-spasmodiques  les  plus 
promptement  agissantes,  mais  sans  résultat  sa- 
tisfaisant. Enfin,  nous  commencions  à nous  af- 
fliger sur  le  sort  de  la  malade,  lorsque  son  mari 
arriva  ; et  s’armant  d’un  paquet  de  roseaux,  il  nous 
dit  en  langage  tudesque  : « Éloignez-vous,  lais- 
sez-moi  faire.  » Fustigeant  aussitôt  la  figure,  les 
mains,  les  pieds  de  sa  pauvre  moitié,  il  la  fit 
revenir  en  quelques  minutes,  ce  que  nous  n’avions 
pu  faire  depuis  près  de  quatre  heures.  Beaucoup 
de  dames  françaises  sont  disposées  d’avance  à 
blâmer  ce  procédé  ; mais  nous  leur  dirons  que  la 
flagellation  est  un  moyen  thérapeutique  comme 
un  autre,  et  que  ce  mari  était  un  chimiste  dis- 
tingué de  la  capitale  de  la  Prusse. 

Ventouses.  Les  ventouses  sèches,  qui  ser- 
vent seulement  à rubifier  la  peau  ou  à exciter 
les  vaisseaux  capillaires,  sont  très  utiles  pour  com~ 
battre  les  rhumatismes  musculaires. 


Les  ventouses  scarifiées  opèrent  des  prodiges 


dans  le  lombago , les  névralgies  des  hanches,  de 
l’épine.  Nous  avons  constamment  employé  ces 
ventouses,  avec  plus  ou  moins  de  réussite,  en 
les  appliquant  sur  l’épigastre  pour  les  gastral- 
gies , et  sur  le  ventre  pour  les  entéralgies. 

Cautères  et  sétons.  Les  cautères  conviennent 
clans  beaucoup  de  maladies  nerveuses  ; mais  il 
faut  les  poser  loin  de  l’endroit  de  la  douleur  ou 
de  l’organe  qui  est  le  siège  de  la  névrose.  Nous 
avons  vu  guérir,  par  des  cautères  établis  aux 
cuisses , des  asthmatiques  qui  ne  comptaient 
guère  sur  leur  rétablissement. 

LTne  céphalalgie  très  intense  a cédé  miracu- 
leusement à l’application  d’un  cautère  au  bras 
gauche  : cet  exutoire,  précédemment  établi  à la 
nuque,  n’avait  rien  changé  à l’état  du  malade. 
Pour  les  affections  des  nerfs,  ces  moyens  doi- 
vent être  préférés  aux  vésicatoires. 

Le  cautère  est  potentiel , quand  il  n’agit  que 
quelque  temps  après  son  application.  On  dit 


» 


a43 

que  le  cautère  est  actuel , lorsque  son  action 
est  instantanée;  l’action  du  feu,  par  exemple, 
soit  par  un  métal  rougi  à blanc,  ou  tout  autre 
corps  igné. 

Quant  aux  sétons,  ils  ne  sont  pas  préférables 
aux  cautères  dans  le  traitement  des  névroses. 

Mooca.  Les  Japonais  elles  Chinois,  à qui  nous 
devons  ce  puissant  moyen  de  guérison  de  beau- 

t 

coup  de  névralgies , le  préparaient  avec  des 
feuilles  d’armoises  réduites  à une  espèce  de  du- 
vet. On  a perfectionné  le  1 noxa  : que  n’a-t-on 
pas  perfectionné  ? 

Sans  énumérer  les  différentes  substances  em- 
ployées; abandonnées  et  reprises,  nous  dirons 
que  le  mooca  est  héroïque  dans  les  maladies  arti- 
culaires compliquées  de  névralgie. 

Un  officier  de  la  garde  royale,  jeune  homme 
d une  constitution  robuste,  reçoit  plusieurs  coups 
de  pied  de  cheval  sur  le  genou  droit.  Peu  de 


î>44 

temps  après  la  dernière  percussion , douleurs 
sourdes  dans  l’articulation  , augmentant  bientôt 
d’intensité.  Le  malade  marche  avec  peine;  une 
année  se  passe  dans  cet  état  de  choses  qui  semble 
en  stagnation.  Au  bout  de  ce  temps , une  chute 
sur  ce  genou  renouvelle  et  rend  les  douleurs  plus 
vives.  Le  blessé  en  éprouve  une  qu'il  dit  s’é- 
tendre dans  toute  la  longueur  du  membre. 

Le  médecin  traitant  reconnaît  plus  positive- 
ment un  gonflement  énorme  de  l’articulation, 
qui  n’avait  point  encore  fixé  son  altention.  Des 
sangsues,  des  onguens,  etc.  , sont  les  moyens 
préférés.  Les  mouvemens  deviennent  si  difficiles 
et  les  douleurs  si  fortes,  que  ce  malheureux  offi- 
cier est  contraint  de  garder  le  lit. 

Un  autre  médecin  est  appelé  : il  examine  at- 
tentivement la  partie  affectée,  qui  lui  offre  un 
engorgement  considérable  dans  tout  le  pourtour 
de  l’articulation , et  des  douleurs  atroces,  même 
pendant  le  repos  le  plus  absolu. 

Le  moxa  est  proposé  sur-le-champ,  et,  sans 


\ 

245 

désemparer  , une  pyramide  de  coton  est  brûlée 
sur  le  genou  même.  La  névralgie  disparaît  aus- 
sitôt. Tous  les  jours  nouveau  moxa.  Le  malade 
en  a eu  jusqu’à  trente-six.  Au  deuxième,  il  al- 
lait de  son  lit  à la  salle  à manger.  Il  est  bien  au- 
jourd’hui ; mais  le  moxa  n’ayant  pu  faire  dispa- 
raître le  gonflement  osseux , le  malade  boite , 
toutefois  sans  douleur  et  sans  béquilles. 

/ 

Ce  fait,  et  mille  autres  que  nous  pourrions 
citer,  doivent  suffire  pour  constater  l’efficacité 
du  moxa  dans  les  névralgies  articulaires,  et, 
qu’avec  moins  de  science,  plus  de  jugement, 
et  point  de  système  exclusif,  on  guérit  souvent, 
quoi  qu’en  disent  quelques  novateurs  dangereux. 


Electricité.  Nous  voilà  arrivé  à la  pratique  la 
plus  salutaire  dans  le  traitement  des  névroses. 
Les  espèces  de  tic,  les  crampes,  les  tétanos, 
les  différens  tremblemens,  la  danse  de  Saint- 


Guy , 1 asthme  , les  paralysies  , la  goutte  sereine  , 
la  surdité,  le  mutisme,  etc.,  trouvent,  dans 
l’électricité , un  moyen  aussi  prompt  que  cer-. 


lain  ; mais  il  ne  faut  y avoir  recours,  dans  les 
rhumatismes  aigus  surtout,  que  lorsque  la  fièvre 
a cessé.  On  isole  alors  le  malade,  et  on  le  met 
en  communication  avec  le  conducteur  de  la  ma- 
chine électrique  par  la  partie  alléctée  de  rhu- 
matisme, puis  on  présente  une  pointe  au  côté 
opposé  de  cette  partie.  Par  ce  moyen  on  oblige 
la  masse  du  lluide  électrique  à la  traverser. 
Cette  méthode  convient  lorsque  les  personnes 
sont  faibles;  si  elles  sont  fortes,  il  faut  préférer 
le  bain  électrique,  les  étincelles,  les  commo- 
tions , dont  on  augmente  progressivement  l’é- 
nergie. 

Nous  avons  vu  guérir  une  odontalgie , en  ti- 
rant le  lluide  électrique  de  la  dent  malade,  au 
moyen  d’une  pointe  ; et  le  vertige,  en  frappant  de 
commotions  alternatives  les  deux  tempes  et  le 
sommet  de  la  tête.  Nous  reviendrons  au  bien- 
fait du  fluide  électrique,  dans  les  maladies  ner- 
veuses , lorsqu’il  sera  question  de  l’épilepsie. 

Magnétisme  animal.  Le  magnétisme  animal 


(levait  naturellement  trouver  ici  sa  place;  car  ce 
n’est  que  dans  le  traitement  de  quelques  né- 
vroses que  cet  agent  est  certainement  avanta- 
geux. On  ne  peut  pas  plus  nier  ses  effets,  qu’il 
n’est  permis  de  mettre  en  doute  l’existence  du 
galvanisme.  Le  magnétisme  animal  n’est  autre 
chose  que  la  faculté  de  réduire  un  phénomène 
électrique  qui  se  développe,  dans  l’économie  ani- 
male, par  l’action  exclusive  des  nerfs. 

Ce  phénomène  a plus  ou  moins  lieu  dans 
chaque  individu.  Les  tempéramens  nerveux  y 
sont  plus  particulièrement  exposés.  On  doit  donc 
pouvoir  (et  l’expérience  l’a  démontré)  diminuer 
son  exubérance,  comme  on  rend  moins  a bon- 
dans,  par  les  moyens  connus,  la  bile,  le  sang, 
la  lymphe,  etc. 

Mais  pourquoi  faut-il  tant  agir  sur  l’imagi- 
nation pour  magnétiser  avec  succès?  Nous  ré- 
pondrons : Quel  est  le  malade  qui  n’exige  pas 
que  son  médecin  lui  inspire  de  la  confiance? 
Quel  est  celui  qui  se  décidera  à prendre  un  nié- 


248 

dicament  pour  lequel  il  aura  conçu  de  l’aver- 
sion? Eh!  bien , si  le  magnétisme  animal  a un 
plus  grand  besoin  d’être  secondé  par  la  foi  de  la 
personne  qui  réclame  ses  secours  , c’est  que  le 
trouble  de  l’imagination  est  un  des  principaux 
symptômes  des  affections  produites  par  la  sur- 
abondance du  fluide  nerveux.  Ainsi  le  magné- 
tisme animal  agit  aussi  efficacement  dans  le  trai- 
tement de  certaines  maladies  nerveuses,  que  la 
saignée  dans  celui  des  inflammations  aiguës , 
l’émétique  dans  les  embarras  gastriques,  les  to- 
niques dans  les  affections  lymphatiques,  etc. 

Mais,  nous  dira-t-on  encore,  on  peut  abuser 
du  magnétisme  animal , et  cet  abus  deviendrait 
plus  funestement  contraire  aux  mœurs.  De  quoi 
ne  peut-on  pas  abuser?  La  superstition  nous 
fcra-t-elle  renoncer  à la  religion  ? le  philoso- 
phisme à la  philosophie  ? le  physiologisme  à la 
physiologie?  Persuadons-nous  bien  qu’il  n’existe 
pas  de  panacée  universelle;  mais  ne  repoussons 
aucun  moyen  de  soulager  nos  semblables,  sur- 
tout lorsque  des  faits,  tels  que  le  suivant , attes- 
tent que  rien  n’est  à dédaigner  en  médecine. 


249 

Une  dame  de  beaucoup  d’esprit,  regrettant 
trop  amèrement  d’autres  avantages,  est  tout-à- 
coup  frappée  de  monomanie . ElJe  passe  deux  an- 
nées à consulter  un  nombre  considérable  de  mé- 
decins, et  à suivre  leurs  conseils.  N’en  obtenant 
aucun  soulagement,  elle  a recours  au  magné- 
tisme animal,  il  lui  est  administré  par  un  mon- 
sieur avec  lequel  elle  n’est  nullement  en  rapport; 
aussi  n’en  éprouve-t-elle  que  peu  ou  point  de 
bien.  Une  dame  pleine  de  douceur,  de  charité, 
de  volonté,  autant  que  d’autres  qualités  dignes 
d’une  destinée  plus  heureuse,  est  proposée  à la 
malade  pour  en  recevoir  l’influence  magnétique. 
Aussitôt  il  s’établit,  entre  ces  deux  êtres  éga- 
lement intéressans , une  sympathie  tellement 
étroite,  qu’à  la  première  séance  la  malade  se 
trouva  calmée  au  point  de  ne  pouvoir  plus  se  sé- 
parer de  sa  bienfaitrice;  mais  celle-ci  ayant  été 
trop  fatiguée,  il  lui  fut  recommandé  de  renon- 
cer à la  pratique  du  magnétisme. 


Cette  décision  fut  annoncée  à la  malade,  qui 
en  fut  sensiblement  affectée.  Elle  continua  à faire 


16 


25  O 


de  fréquentes  visites  à celle  auprès  de  laquelle  elle 


trouvait  encore  un  baume  à ses  souffrances.  Sym- 
pathie , antipathie,  dira-t-on  : soit,  mais  niera- 
t-on  l’évidence  ? Encore  une  fois,  que  le  ma- 
gnétisme animal  agisse  mécaniquement  ou  mo- 
ralement, il  n’en  est  pas  moins  prouvé  , pour 
nous  (et  rien  ne  changera  notre  opinion  à cet 
égard),  que  cet  agent  fait  circuler  ou  sortir  le 
fluide  nerveux.  Nous  citerions  d’autres  observa- 
tions plus  concluantes  que  celle-ci , si  nous  ne 
nous  étions  imposé  le  devoir  d’être  concis. 


Phlébotomie.  La  phlébotomie  est  sans  doute 
l’anti-spasmodique  par  excellence  chez  les  sujets 
nervoso-sanguins.  Certaines  névralgies  sympto- 
matiques cèdent  également  à cette  opération. 
Par  exemple,  les  convulsions  qui  dépendent  d’une 
irritation  cérébrale,  les  spasmes  qui  accompa- 
gnent quelquefois  les  fièvres  d’accès  malignes,  etc. 

Acupuncture.  On  aurait  tort  d’abandonner 
cette  opération  , si  salutaire  dans  beaucoup  de 
névroses.  11  est  rare  que  la  paralysie  d’un  mem- 


Lre,  la  sciatique,  le  torticolis,  le  lombago,  etc., 
ne  soient  pas  toujours  soulagés,  et  souvent  gué- 
ris, par  i’eflet  de  cette  piqûre.  Nous  avons  re- 
marqué que  l’aiguille  aimantée  réussit  à mer- 
veille dans  le  rhumatisme  aigu  : serait-ce  en  sou- 
tirant une  partie  du  fer  qui  existe  dans  le  sang 
en  assez  grande  quantité?  Nous  serions  tenté  de 
le  croire  ; car  plus  nous  avons  .de  fer  dans  ce 
liquide,  plus  nous  sommes  forts  et  vigoureux: 
cela  est  assez  prouvé  par  Faction  des  martiaux 
sur  l’économie  animale. 

Trépanation.  Nous  sommes  convaincu,  plus 
que  jamais,  que  par  l’application  du  trépan,  on 
peut  faire  cesser  une  grande  partie  des  névroses 
cérébrales.  Mais,  nous  dira-t-on,  le  lieu  d’élec- 
tion est  le  plus  souvent  obscur  pour  l’application 
de  cet  instrument.  Nous  répondrons  que  l’expé- 
rience seule  peut  nous  apprendre  à bien  distin- 
guer les  signes  qui  indiquent  le  siège  d’un  épan- 
chement ou  la  présence  d’un  corps  étranger  dans 
le  cerveau. 

Des  discussions  se  sont  élevées  , dans  ces  der- 


2Ô  2 

niers  temps  , sur  la  paralysie  de  tout  un  côté  du 
corps  qui  accompagne  souvent  un  épanchement 
dans  le  crâne;  quelques  médecins  prétendent 
que  ce  symptôme  n’existe  pas  toujours  du  côté 
opposé  à l’épanchement.  Nous  voulons  bien  sup- 
poser qu’il  en  soit  quelquefois  ainsi  ; mais  parce 
qu’un  enfant  sera  venu  au  monde  avec  deux  ou 
quatre  dents,  devra-t-on  en  conclure  que  la  den- 
tition n’a  pas  des  époques  déterminées? 

Nous  ne  balançons  pas  à nous  prononcer  en 
faveur  de  la  trépanation  pratiquée  sur  la  partie 
du  crâne  opposée  à celle  du  corps  où  la  paralysie 
s’est  manifestée.  Si  l’on  ne  rencontrait  pas  le  li- 
quide épanché,  quel  mal  y aurait-il  à poser 
une  couronne  de  trépan  sur  un  autre  point?  et  si 
la  paralysie  n’existe  pas,  nous  dirons  qu’il  faut 
appliquer  le  trépan  sur  l’endroit  même  du  crâne 
qui  a été  frappé , parce  qu’il  est  assez  probable 
que  l’épanchement  se  sera  établi  du  coté  pei  — 
cuté.  N’existe-t-il  pas , d’ailleurs  , d’autres  signes 
pour  indiquer  le  lieu  de  l’epanchement,  lels 
que  l’habitude  de  se  coucher  sur  un  côté  de  la 


^53 

tête  plutôt  que  sur  un  autre  ; de  porter  la  main  , 
de  préférence  , sur  une  partie  du  crâne  ; enfin , 
les  indices  de  la  fracture , comme  la  douleur, 
l’empâtement  de  la  peau,  etc.  ?...  C’est  aussi 
dans  beaucoup  d’affections  mentales  que  nous 
■voudrions  voir  les  médecins  recourir  à la  tré- 
panation. 

Une  femme  âgée  de  trente-trois  ans  , atteinle 
de  manie  furieuse,  avait  des  momens  lucides  de 
longue  durée.  Elle  profite  d’un  de  ces  relâches 
pour  parcourir  un  livre  de  chirurgie,  qui  lui  ap- 
prend que  le  trépan  tend  à débarrasser  le  cer- 
veau des  corps  qui  le  compriment  et  gênent  ses 
fonctions.  Aussitôt  elle  s’imagine  que  cette  opé- 
ration peut  lui  être  utile.  Elle  se  présente  à 
nous,  et  nous  demande,  avec  instance,  de  lui 
faire  l’application  du  trépan.  « Calmez- vous , 
plus  tard  nous  examinerons  si  la  trépanation 
peut  vous  convenir  ; telle  fut  notre  réponse.  » 

La  malade  n’est  point  satisfaite.  Rentrée  chez 
elle,  elle  se  perfore  le  côté  droit  du  crâne  avec 


un  vilebrequin;  après  celte  opération  elle  tombe 
sans  connaissance  , et  sa  chute  avertit  ses  pareils 
qui  accourent  réclamer  notre  secours.  Nous  arri- 
vons à l’instant;  la  malheureuse  était  encore  sans 
connaissance  et  blottie  sur  elle-même.  Un  léger 
écoulement  séreux  et  sanguinolent  avait  lieu  par 
l’ouverture  que  cette  femme  s’était  laite.  Nous  ap- 
pliquons une  couronne  de  trépan  qui  laisse  sortir 
une  quantité  considérable  de  ce  liquide.  La  ma- 
lade sort  de  son  anéantissement,  et  nous  accuse 
de  l’avoir  mise  dans  l’état  où  elle  est.  Tous  les 
soins  lui  sont  prodigués , et , au  bout  de  deux 
mois,  elle  est  rétablie  des  suites  de  l’opération  et 
de  la  maladie  qu’elle  éprouvait.  Elle  ne  parle  de 
son  ancien  état,  que  comme  d’une  chute  pour 
laquelle  on  l’a  trépanée. 

Un  idiot,  qu’on  avait  forcé  de  servir  dans  un 
régiment,  reçut,  à la  bataille  de  Wagram , un 
éclat  d’obus  qui  lui  enleva  une  portion  de  l’os 
pariétal  gauche  : cette  portion  osseuse , qui  te- 
nait encore  un  peu  par  des  parties  de  peau,  fut 
détachée  et  recueillie  avec  beaucoup  de  soin. 


w 

2JJ 

Nous  trouvâmes,  à sa  lace  interne,  une  tubéro- 
sité de  forme  olivaire , que  nous  conservâmes. 
Le  blessé  éprouva  plusieurs  accidens  annonçant 
la  commotion  cérébrale.  Ses  facultés  se  réta- 
blirent insensiblement,  son  corps  prit  de  la  force 
et  de  Faccroissement.  Ce  militaire  lit  les  cam- 
pagnes suivantes,  devint  sous-officier  et  officier,* 
il  est  aujourd’hui  receveur  des  contributions  di- 
rectes dans  une  ville  du  midi , oit  il  se  fa  il  re- 
marquer par  son  exactitude  et  son  intelligence. 

Nous  ne  craignons  pas  de  le  répéter,  la  trépa- 
nation diminuerait  de  beaucoup  le  nombre  des 
malheureux  qui  encombrent  les  maisons  d’alié- 
nés, malgré  les  soins  bien  dirigés  de  nos  habiles 
médecins,  MM.  Pariset,  Esquirol , etc. 

Les  habitans  de  quelques-unes  de  nos  cirés 
seraient  moins  exposés  à voir  circuler  dans  les 
rues  les  insensés  qui  y excitent  la  pitié  et  l’effroi. 
Il  est  incontestable,  que  les  maisons  propres  à re- 
cevoir les  aliénés,  ne  sont  pas  suffisantes  en 
France. 

Section  complète  des  Nerfs.  Galien,  Nuck, 


Maréchal , Louis,  Sabatier,  Pouteau,  Guérin, 
\alsalva,  Marc-Antoine,  Petit,  etc.,  ont  prati- 
qué > avec  plus  ou  moins  de  succès,  cette  opé- 
ration dans  le  traitement  de  quelques  névral- 
gies. 

Un  grenadier  russe  est  frappé  d’un  coup  de 
crosse  de  fusil  au-dessus  de  l’orbite  du  coté  droit. 
Les  marques  de  la  contusion  furent  bien  vite  ef- 
facées par  le  seul  moyen  des  applications  d’eau 
froide,*  mais  une  quinzaine  de  jours  après,  au 
moment  où  le  blessé  se  croyait  guéri,  la  par- 
tie contuse  devient  sensible  , la  vue  s’affai- 
blit dans  l’œil  droit , bientôt  elle  est  nulle.  Le 
soldat  nous  déclare  qu’il  est  prêt  à tout  suppor- 
ter pour  guérir.  Nous  pratiquâmes  sur-le-champ 
une  incision  sur  l’endroit  même  où  la  contusion 
avait  eu  lieu;  nous  fîmes  suppurer  la  plaie  pen- 
dant près  de  vingt  jours,  et  le  malade  recouvra 
insensiblement  la  vue. 

i 

Un  officier  danois,  atteint  de  tétanos  à la 
suite  d’une  plaie  d’arme  à feu  , avec  déchire- 


menl  de  toutes  les  parties  charnues  et  fracture 
des  os  de  la  jambe  droite , allait  succomber  iné- 
vitablement à ces  accidens.  L’amputation  de  la 
cuisse  fut  faite  , et  cet  officier  guérit  parfai- 
tement. 

Une  demoiselle , auteur  d’un  roman  où  res- 
pire la  plus  vive  sensibilité,  éprouvait  depuis 
dix-huit  mois  un  tic  douloureux  de  la  face,  le- 
quel avait  épuisé  les  forces  de  la  malade,  altéré 
ses  facultés  morales,  et  résisté  à toutes  les  tenta- 
tives. 


Nous  parlâmes  à cette  demoiselle  de  la  sec- 
tion du  nerf  sous-orbitaire,  auquel  nous  attri- 
buions la  cause  de  ses  longues  souffrances  : elle 
s’y  soumit  sans  balancer.  Ce  rameau  fut  complè- 
tement incisé  à sa  sortie  du  trou  du  même  nom, 
et  elle  marcha  de  jour  en  jour  vers  une  guérison 
qui  ne  se  fit  attendre  que  deux  mois. 

E.  Traitement  moral . 


Ici  les  secours  religieux,  proprement  dits. 


sont  les  grands  ressorts  que  la  Providence  a mis 
à la  disposition  des  ministres  de  la  religion  , 
pour  calmer  le  désordre  moral  dans  lequel  sont 
tombés  plusieurs  individus , surtout  depuis  quel- 
ques années.  Nous  ne  balançons  pas  à le  décla- 
rer, le  jour  où  le  sacerdoce  et  la  médecine  se 
donneront  franchement  la  main,  nous  verrons 

les  plus  redoutables  de  nos  maux  fuira  jamais  de 

« 

notre  pays  ; nous  verrons  les  maladies  de  l’es- 
prit disparaître  devant  cet  accord  , comme  les 
affections  physiques  s’effacent  par  l’effet  des  sai- 
gnées et  autres  moyens  sagement  administrés. 

Est-ce  par  des  substances  ingérées  ou  appli- 
quées à l’extérieur?  est-ce  par  des  opérations, 
qu’on  peut  espérer  de  combattre  l’hypocondrie, 
la  mélancolie , la  monomanie , la  démonoma- 
nie, etc.,  qui  dépendent  d’erreurs,  d’incon- 
duite , d’abandon  de  la  vertu,  de  revers  de  for- 
tune , d’ambition,  etc.?  Non,  le  traitement  mo- 
ral est,  ici,  seul  capable  de  triompher.  Et  qui, 
mieux  qu’un  ministre  de  la  religion,  mais  un 
ministre  bien  pénétré  de  ses  saints  devoirs,  zélé 


2% 

et  éclairé , sage,  prudent,  adroit,  peut  em- 
ployer, avec  succès,  les  consolations,  les  encou- 
ragemens,  les  conversations  rassurantes?  Qui, 
mieux  que  lui , peut  nous  faire  entrevoir  la  vé- 
ritable félicité?  Qui,  mieux  qu’un  ministre  de 
l’Evangile,  peut  inspirer  la  crainte  de  Dieu  et 
démontrer  sa  miséricorde  infinie  ; calmer  la  ter- 
reur que  fait  naître  l’oubli  des  devoirs  envers 
l’Auteur  du  monde? 

Un  médecin  por  tugais  renditla  santé  à un  démo- 
nomaniaque, en  introduisant  dans  sa  chambre, 
pendant  la  nuit,  un  individu  sous  la  forme  d’un 
ange , qui  annonça  au  malade  que  Dieu  lui  avait 
pardonné.  Nous  avons  rendu  le  calme  à un  malade 
semblable,  en  nous  entendant  avec  son  confes- 
seur. Qui , mieux  qu’un  bon  prêtre  , enfin  , peut 
donner  aux  esprits  bourrelés  de  remords,  l’opi- 
nion que  le  Ciel  se  déclarera  en  leur  faveur  , 
doubler  leur  espérance,  raffermir  leur  cœur,  et 
guérir  des  affections  que  la  médecine  pharma- 
ceutique attaquera  toujours  en  vain? 

Lorsqu’un  gouvernement  n’a  pu,  par  un  bon 


système  d'éducation  et  par  des  lois  basées  sur  l'hy- 
giène publique,  prévenir  les  crimes , autres  mala- 
dies sociales,  effets  des  passions , il  doit  sans  doute 
s’occuper  de  les  punir  , afin  d’en  diminuer  le 
nombre. 

Une  législation  criminelle,  bien  conçue,  est 
donc  le  dernier  moyen  qui  lui  reste  ; car,  comme 
le  dit  Montesquieu  : « Ce  n’est  point  le  peuple 
naissant  qui  dégénère  ; il  ne  se  perd  que  lorsque 
les  hommes  faits  sont  déjà  corrompus.  » 

On  ne  doit  donc  pas  être  étonné  de  nous  voir 
aborder  une  question  comme  celle-ci  : les  lion- 
nes lois  et  leur  action.  Nous  les  considérons 
comme  des  moyens  extrêmes  d’arriver  au  but 
que  nous  nous  sommes  proposé,  l’extinction  des 
maladies  sociales  (les  névroses),  si  on  peut  s’ex- 
primer ainsi  j rar  elles  seules  conduisent  aux  dé- 
lires les  plus  affreux,  tels  que  le  suicide,  le  par- 
ricide , le  régicide.  Ce  sont  elles  qui  ont  fait  pas- 
ser sous  nos  yeux  les  atrocités  des  Léger , des 
Papavoine,  des  Gorniet* , etc.  , que  les  siècles  \e& 
plus  barbares  avaient  à peine  connus. 


2&I 


Les  lois , faites  d’après  les  caractères  des 
peuples,  et  basées  sur  celles  de  l’Église,  sont 
donc  des  moyens  de  modifier  les  mœurs,  et, 
par  conséquent,  de  rendre  moins  fréquentes. les 
maladies  qui  nous  occupent,  et  les  crimes  inouïs 
qui  en  sont  si  souvent  les  suites. 

Pour  ne  pas  nous  exposer  au  reproche  d’avoir 
parcouru  trop  longuement  un  sujet  qu’il  ne  nous 
appartient  pas  de  traiter  d’une  manière  particu- 
lière, qu’il  nous  suffise  d’exprimer  nos  désirs  sur 
les  lois  qui  seraient  les  plus  propres  à extirper  le 
suicide,  le  duel,  etc. 

io  Punir  sévèrement  les  auteurs  d’ouvrages 
qui  vantent  les  avantages  de  la  mort  volontaire, 
autres  que  ceux  qui  résultent  du  sacrifice  de  la 
vie  pour  son  Dieu  , son  roi , son  pays  ou  son  pro- 
chain. 

20  Défendre  positivement  de  jouer,  sur  les 
théâtres,  des  pièces  où  sont  représentées  les  in- 
firmités auxquelles  l’homme  est  sujet,  comme 


2Ô2 

celles  qui  font  naître  on  entretiennent  certaines 
passions. 

3o  S’opposer  à l’annonce  (dans  les  feuilles  pu- 
bliques) des  suicides 7 des  meurtres,  surtout  des 
circonstances  qui  les  ont  précédés  ou  suivis. 
« Ces  récits  fréquens  , dit  M.  Esquirol , familia- 
risent avec  l’idée  de  la  mort , avec  le  crime  , 
éveillent  certaines  passions  , remuent  les  sens,  et 
font  regarder  avec  indifférence  la  mort  volon- 
taire. » Les  exemples  fournis  tous  les  jours  à 
l’imitation  sont  contagieux  et  funestes  , et  tel 
individu  poursuivi  par  les  revers  ou  par  quelque 
chagrin , ne  se  serait  pas  tué  s’il  n’eût  lu  dans 
son  journal  l’histoire  du  suicide  d’un  ami , d’une 
connaissance.  La  liberté  d’écrire  ne  saurait  pré- 
valoir contre  les  vrais  intérêts  de  l’humanité. 

« Je  finirai  comme  lui,  » nous  disait  un  mo- 
nomaniaque confié  à nos  soins , en  lisant , dans 
une  gazette,  les  détails  de  la  mort  que  s’était 
donnée  un  anglais  affecté  de  spleen,  et,  quelques 
jours  après  , ce  malheureux  imitateur  n’était  plus. 


263 


Une  très  respectable  mère  de  famille  rapprend, 
en  lisant  une  feuille  publique,  que  son  fils  aîné, 
officier  dans  un  régiment,  a été  tué  en  duel: 
elle  tombe  aussitôt  dans  un  délire  qui  ne  tarde 
pas  à la  priver  de  la  vie.  Une  annonce  moins 
brusque  n’eût  point  amené  une  semblable  fin. 

« Quelques  individus,  dit  M.  Laplace , dans 
son  ouvrage  sur  les  Probabilités,  tiennent  de 
leur  organisation  ou  de  pernicieux  exemples, 
des  pencbans  funestes  qu’excite  vivement  le  ré- 
cit d’une  action  criminelle  devenue  l’objet  de 
l’attention  publique.  Sous  ce  rapport,  la  publi- 
cité des  crimes  n’est  pas  sans  danger.  » 

4°  Ordonner  que  les  corps  des  suicides  les  plus 
mutilés  fussent  exposés  aux  regards  du  public, 
et  ensuite  livrés  aux  amphithéâtres  de  dissec- 
tion , comme  cela  a lieu  en  Saxe  depuis  peu  de 
temps.  Il  faudrait  toutefois  empêcher  que  les 
femmes  enceintes  et  les  nourrices  ne  pussent  ap- 
procher des  lieux  où  ces  corps  seraient  déposés. 

5°  Ne  serait-il  pas  temps  que  la  France,  si 


elle  veut  rester  à la  tête  de  la  civilisation , s'oc- 
cupât sérieusement  d’atteindre  les  pareils  qui 
abandonnent  leur  fruit? 

« Quoi  qu’on  fasse,  nous  dira-t-on,  vous  au- 
rez toujours  des  enfans  délaissés  , et  si  vous 
voulez  vous  opposer  à cet  abandonnement , vous 
multiplierez  les  crimes  d’infanticide.  » Sans  blâ- 
mer l’une  des  institutions  qui  honorent  le  plus 
le  cœur  humain  , sans  prétendre  mettre  un  frein 
à la  pitié,  qui,  jusqu’ici,  a recueilli  ces  êtres  si 
inhumainement  repoussés  , nous  répondrons  que 
ce  délaissement  est  lui-même  l’attentat  que  nous 
voulons  éviter , et  qu’il  est  possible  de  dimi- 
nuer au  moins  le  nombre  d’enfans  trouvés,  dont 
l’accroissement  progressif  est  vraiment  effrayant 
sous  tous  les  rapports. 

« l 

L’avortement , l’exposition  de  part  et  l’in- 
fanticide, sont,  suivant  notre  manière  de  voir, 
trois  monstres  qui  n’en  font  qu’un , et  que  les 
lois  doivent  punir  avec  une  égale  rigueur.  Faut-il 
que  ce  soit  chez  des  Barbares  que  nous  rencon- 


a65 


trions  un  concile  (celui  de  Constantinople  en 
(>99.)  qui  assimile  l'avortement  à l’homicide? 
Homo  est , qui futurus  est , dit  saint- Augustin  ; 
cet  axiome  est  clair  et  doit  être  décisif.  En  effet , 
l’infanticide,  proprement  dit , n’entraîne  pas  de 
conséquences  plus  funestes  pour  la  société  , que 
Favortement  ; il  peut  se  faire  même  que  les  inté- 
rêts de  celle-ci  soient  moins  compromis  dans  le 
premier  que  dans  le  second  de  ces  forfaits  dont 
l’atrocité,  nous  le  répétons,  11e  diffère  en  rien. 

Ainsi,  sans  avoir  recours  au  bûclier,  à la  sub- 
mersion , à l’empâlement , au  hart  ou  au  glaive  , 
on  peut  trouver  des  moyens  capables  d’empê- 
cher la  célation  de  grossesse. 

Poursuivre,  par  exemple,  avec  persévérance  , 
les  séducteurs,  dont  les  excès  seraient  moins  à 
déplorer,  s’ils  étaient  contraints  de  subvenir 
aux  besoins  de  leurs  victimes. 

Recevoir,  dans  des  établissemens  de  mater- 
nité (en  observant  discrétion  et  décence),  les 


filles  enceintes  qui  viendraient  elles-mêmes  an- 
noncer leur  défaite  et  leur  honte. 

Sévir,  avec  rigueur,  contre  les  païens  et  les 
maîtres  qui  maltraiteraient  ces  malheureuses , 
négligeraient  de  prévenir  un  accouchement  se- 
cret , ou  ne  communiqueraient  pas  leurs  soup- 
çons à l’autorité. 

Enfin , se  montrer  moins  indifférent  sur  les  re- 
mèdes abortifs , et  plus  redoutable  aux  personnes 
qui  les  administrent  ou  les  conseillent. 

« Quant  aux  peines,  c’est  un  grand  mal  parmi 
nous , dit  Montesquieu , de  faire  subir  la  même 
peine  à celui  qui  vole  sur  un  grand  chemin , et 
à celui  qui  vole  et  assassine.  Il  est  visible  que, 
pour  la  sûreté  publique,  il  faudrait  mettre  quelque 
différence  dans  la  peine.  A la  Chine,  les  voleurs 
sont  coupés  en  morceaux  ; les  autres  non  : cette 
différence  fait  que  l’on  y vole , mais  que  l’on  n’y 
assassine  pas.  » 

Autrefois  les  peines  étaient  plus  fortes  : on 
pendait  pour  le  vol , et  l’on  comptait  un  voleur 


sur  mille  qu’il  y a à présent;  et  le  nombre  va  en 
croissant  clans  la  progression  la  plus  effrayante. 
Lorsque  la  société  tuait  un  homme  dans  ce 
temps-là , elle  le  faisait  d’après  un  droit  divin; 
Dieu  était  la  source  de  toute  justice.  Maintenant 
qu’on  a rejeté  Dieu  de  la  société  , on  recule 
contre  la  peine  de  mort,  et  l’on  a raison;  car  un 
homme,  comme  homme,  n’a  et  ne  peut  avoir 
aucun  droit  sur  la  vie  d’un  autre.  De  là  ce  peuple 
de  voleurs  et  d’assassins  qui  se  multiplie  au  mi- 
lieu d’un  autre  peuple,  et  qui  l’envahit  de  toutes 
parts.  Nous  délions  qu’on  s’en  tire,  si  l’on  ne 
revient  à la  peine  de  mort , et  par  conséquent 
à Dieu.  Le  législateur,  qui  fait  des  lois  sous  son 
inspiration , peut  appliquer  consciencieusement 
la  peine  de  mort  à tout  délit  que  cette  peine  lui 
semblera  propre  à réprimer;  c’est  même  son  de- 
voir. Hors  de  Dieu,  notre  législation  athée  sera 
toujours  funeste  à la  société,  sous  ce  rapport. 

Que  signifie  la  loi  qui  vient  de  paraître  sur  le 
duel?  Quel  est  son  but  moral?...  Encore  une 
fois,  si  vous  ne  condamnez  le  duel  au  nom  de 


Dieu  ? vous  n’avez  aucun  droit  de  vous  y oppo- 
ser , pas  plus  qu’au  suicide.  On  peut  prouver  cela 
sans  réplique.  Enfin , si  vous  ne  voulez  pas 
considérer  Dieu  comme  la  source  de  toute  jus- 
tice, rappelez-vous  que  la  mort  prompte,  sur- 
tout, est  ce  que  le  Français  craint  le  moins.  Ce 
qu’il  ne  supporte  pas,  c’est  le  remords,  la  dou- 
leur et  l’exil.  Transportez  donc  les  duellistes  dans 
les  colonies  ; faites-les  traîner  sur  la  claie,  comme 
sous  le  règne  d’un  roi  qui  se  connaissait  en  véri- 
table honneur.  Obligez- les  à passer  vingt-quatre 
heures,  ou  plus,  avec  leurs  victimes;  privez-les 
pour  jamais  des  emplois  auxquels  ils  pouvaient 
prétendre  ; vous  ne  verrez  bientôt  plus  couler  le 
sang  français  que  dans  les  combats  légitimes.  Ce 
préjugé  barbare,  cette  action  par  laquelle  on  ar- 
rache froidement  la  vie  à son  semblable,  sera 
détruit  pour  toujours.  Mais  encore  attachez- 
vous  à rendre  le  peuple  vertueux,  et  il  vous  fau- 
dra rarement  recourir  aux  peines,  toujours  si 
difficiles  à appliquer. 

Au  moment  où  nous  sommes  occupé  à trans- 


erire  le  paragraphe  ci-dessus  de  cet  opuscule , 
pour  le  livrer  à l'impression,  on  vient  nous  en- 
gager à nous  rendre  chez  un  père  de  famille 
qu’on  nous  annonce  être  en  danger  de  perdre  la 
raison.  Nous  croyons  devoir  suspendre  un  ins- 
tant le  cours  naturel  de  notre  travail  , pour  faire 
connaître  la  cause  à laquelle  nous  n’avons  pu 
nous  dispenser  d’attribuer  l’état  vraiment  alar- 
mant du  malade. 

Cet  homme,  connu  par  son  zèle  pour  la  reli- 
gion, venait  de  lire  le  dernier  ouvrage  de  l'abbé 
Martial  Mar  cet  de  la  Roche  Arnaud  (mul- 
tiplicité  de  noms,  dans  laquelle  on  trouve  ab- 
dallah , mécréant , traître , mouchard ),  lorsqu’il 
est  tout-à-coup  saisi  d’un  emportement  violent 
suivi  d’égarement  de  l’esprit.  Cette  nouvelle  vic- 
time des  tristes  et  affhgeans  effets  des  lectures  de 
mauvais  livres,  s’exhale  en  propos,  en  menaces, 
contre  celui  qu  il  nomme  « lâche  apostat.  » 

Nous  administrons  les  premiers  secours,  tels 
que  fréquentes  et  larges  saignées  du  pied  , bains 


généraux  , applications  réfrigérantes  sur  la  tête,, 
et  demandons  une  consultation. 

Un  médecin  distingué  de  Paris  est  appelé. 
Après  avoir  conseillé  de  continuer  les  mêmes 
moyens , ce  docteur  déclare  aux  pnrens  qu’il 
prévoit  la  démence.  En  effet  7 rien  ne  peut  apai- 
ser le  malade  ; la  fureur  est  épouvantable,  le  dé- 
lire est  presque  perpétuel  ; nous  avons  même 
craint  un  moment  que  la  mort  ne  terminât 
promptement  l’existence  de  ce  malheureux. 

Aidé  toujours  des  lumières  de  notre  confrère , 
nous  persistons  dans  le  traitement  débilitant,  et 
parvenons  enfin  à obtenir  une  journée  de  calme, 
de  laquelle  nous  profitons  pour  faire  venir  au- 
près du  malade  un  de  ces  prêtres  qui  apportent 
avec  eux  ce  calme  que  donne  la  religion  , ce 
baume  si  salutaire , et  qu’ils  savent  si  bien  faire 
pénétrer  dans  notre  âme. 

Ce  vénérable  ecclésiastique  parvient  à faire 
croire  au  malade  que  fauteur  qu’il  accable  de 


son  indignation  et  de  sa  colère  est  aliéné  • qu’il 
faut  avoir  pitié  de  lui,  et  adresser  de  ferventes 
prières  au  ciel  pour  sa  guérison.  Le  père  de  fa- 
mille dont  nous  venons  de  tracer  la  courte,  mais 
cruelle  histoire , ne  se  ressent  plus  que  d’un  peu 
de  faiblesse , et  prie  sans  cesse  pour  Fauteur 
de  la  plus  horrible  production  qui  ait  souillé  les 
marches  du  sanctuaire. 

Nous  recevons,  à l’instant  même,  des  nou- 
velles du  malade,  qui  paraît  être  entièrement  dé- 
barrassé du  désordre  intellectuel  qu’il  éprou- 
vait, et  que  ni  lui,  ni  aucun  des  siens  n’avait 
jamais  offert.  Il  est  néanmoins  convenablement 
surveillé , et  on  ne  lui  permet  aucune  lecture 
capable  de  renouveler  son  exaltation. 

Nous  pourrions , sans  trop  d’efforts , citer 
d autres  faits  à l’appui  de  notre  opinion  sur  le 
danger  des  mauvais  livres. 


Ce  ne  sont  Là,  toutefois,  que  des  maux  par- 
tiels. La  perle  d un  homme  de  bien  est  peu  sen- 


sible  clans  un  royaume;  sa  famille  seule  en  sent 
tout  le  prix.  Mais  si  l’on  s’arrête  aux  coups  mor- 
tels que  préparent  à la  société  des  productions 
telles  cpie  celle  de  l’abbé  Martial , si  la  croyance 
religieuse  s’altère  dans  le  peuple , à quels  hor- 
ribles événemens  ne  doit-on  pas  s’attendre  ! Des 
considérations  plus  fortes  que  la  crainte  des  sup- 
plices retiennent  les  hommes  dans  l’observation 
des  lois  et  des  devoirs  qui  leur  sont  imposés. 
Laissez  ces  considérations  s’affaiblir,  et  vous 
verrez. 

Marcel , ministre  d’un  Dieu  pauvre,  ministre 
de  la  Croix , ministre  d’un  Dieu  de  paix , con- 
templez d’avance  votre  ouvrage  ; voyez  le  mal 
que  vous,  surtout,  pouvez  faire  à votre  pays, 
et  soyez  seul  comptable  des  orages  que  vous  seul 
aurez  soulevés!  Mais  tremblez  à votre  tour, 
Martial , car  une  révolution  est  comme  un  spec- 
tacle : tous  les  acteurs , quelque  rôle  qu  ils  aient 
joué , sont  égaux , au  mérite  près . 

f.  Terminaison  des  Névroses. 

Il  est  sans  doute  des  névroses  qui  sont  incu- 


râbles  , et  ce  sont  particulièrement  celles  aux  - 
quelles nous  avons  donné  le  nom  de  congéniales, 
parce  qu’étant  toujours  dues  à une  cause  incon- 
nue , on  ne  peut  espérer  de  faire  cesser  l’action 
de  celle-ci. 

Il  en  est  de  même  des  affections  nerveuses  qui 
tiennent  à des  lésions  organiques  de  l’encéphale, 
ou  d’une  branche  du  système  nerveux,  ce  qui 
est  plus  rare  • mais  toutes  ces  névroses  sont  sus- 
ceptibles de  durer  un  temps  infini , et  de  ne  point 
se  terminer  d une  manière  fâcheuse. 

• 

Plusieurs  névroses  peuvent  néanmoins  causer 
promptement  la  mort;  ce  sont  celles  qui  se  com- 
pliquent tout-à-coup  avec  d’autres  maladies  dan- 
gereuses, telles  qu’une  inflammation  intense,  une 
fièvre  de  mauvais  caractère,  une  goutte  vague 
et  violente , etc. 

Il  paraît  qu’en  général  les  autres  affections 
des  nerfs  tendent  presque  toujours  à la  guérison, 
parce  qu’on  peut  faire  cesser  les  causes  qui  les 


274 

ont  produites;  ainsi  les  névroses  sympathiques  et 
symptomatiques  peuvent  se  terminer  favorable- 
ment par  un  traitement  bien  ordonné,  et  même 
spontanément,  ou  par  une  crise,  comme  une 
éruption  à la  peau,  un  abcès,  une  hémorra- 
gie, etc.  Il  existe  enfin  des  névroses  qui,  sans 
amener  l’extinction  de  la  vie,  font  perdre  l’usage 
d’un  ou  de  plusieurs  membres,  d’une  ou  de  plu- 
sieurs fonctions  ; parmi  celles-ci , la  plus  grave 
est  X amaurose  ou  goutte  sereine , que  plusieurs 
praticiens  considèrent  comme  tout-à-fait  au-des- 
sus des  ressources  de  l’art.  Nous  en  avons  ce- 
pendant vu  guérir  par  les  purgatifs  violens.  En- 
fin les  névroses,  la  folie  même,  se  terminent, 
comme  les  autres  maladies,  par  induration  ou 
par  suppuration,  par  la  mort,  ou  par  une  guéri- 
son plus  ou  moins  solide. 

G.  Résultat  des  Nêciopsies  (i). 

Nous  avons  vu  qu’on  meurt  de  névrose , par 

(1)  Nous  préférons  ce  mot  à celui  d’autopsie;  il  ex- 
prime plus  positivement  l’action  de  celui  qui  fouille  la 
mort. 

$ -i 

♦ • 

\ 


complication  d’inflammation  ou  de  toute  autre 
maladie  grave,  \ oici,  en  peu  de  mots,  ce  que 
1 inspection  cadavérique  a laissé  apercevoir  dans 
ce  cas. 

Les  parties  où  siège  la  maladie  sont  phlogo- 
sées  et  tuméfiées*  les  os  du  crâne  sont  souvent 
épaissis  ou  amincis;  on  remarque  quelquefois 
ries  enfoncemens  à sa  surface  extérieure , et 
des  tubérosités  à sa  surface  interne.  Les  émi- 
nences du  crâne  sont  parfois  effacées;  d’autres 
fois  elles  affectent  une  direction  contre  nature. 
Les  membranes  du  cerveau  sont  adhérentes  aux 
os  ou  à cet  organe  ; d’autres  fois  elles  sont  injec- 
tées et  ont  perdu  de  leur  transparence.  Le  cer- 
veau est  tantôt  considérable  et  ramolli;  d’autres 
fois  il  est  petit  et  ferme. 

Tantôt  ce  sont  des  épanchemens  séreux  , san- 
guinolens  ou  purulens  dans  les  ventricules  ; tantôt 
c est  à la  base  du  crâne , d’autres  fois  entre  les 
membranes  elles-mêmes  ; tantôt  tout  le  système 
vasculaire  cérébral  est  considérablement  injecté; 


d’autres  fois  il  est  infiniment  réduit  et  même  os- 
sifié ; tantôt  on  remarque  des  excroissances  char- 
nues à la  faux  du  cerveau  ; d’autres  fois  des  gra- 
nulations dans  le  ventricule  du  cervelet. 

Tantôt  les  plexus  choroïdes  présentent  un 
grand  nombre  de  tumeurs  enkystées ; d’autres 
fois  des  liydatides  viscérales. 

Tantôt  les  couches  des  nerfs  optiques  sont  très 
volumineuses  ; d’autres  fois  elles  sont  à peine  per- 
ceptibles et  desséchées  ; tantôt  le  canal  rachidien 
est  aussi  envahi  par  beaucoup  de  sérosité  ; d'au- 
tres fois  il  est  singulièrement  rétréci  et  laisse  a 
peine  entrevoir  la  moelle  qu’il  contient  ; tantôt 
la  glande  pinéale  est  presqu’ invisible  ; d’autres 
fois  elle  est  grosse  et  pierreuse  ; enfin  on  trouve 
des  lésions  de  différente  nature , suivant  le  lieu 
où  siégeait  la  névrose.  Ainsi , tantôt  c’est  une  tu- 
méfaction d’un  nerf;  d’autres  lois  c’est  un  en- 
gorgement œdémateux,  une  dilatation  variqueuse 
des  vaisseaux  ; d’autres  fois  le  nerf  est  en  sup- 
puration, atteint  de  gangrène,  infiltré,  ou  pré- 


sentant  des  altérations  organiques  , telles  que  des 
ganglions  très  gros,  qui,  situés  sur  un  ou  plu- 
sieurs nerfs,  peuvent  causer  des  névroses  très 
graves.  Cette  circonstance  est  difficile  à rencon- 
trer; car  dans  le  grand  nombre  de  nécropsies 
que  nous  avons  pratiquées  dans  les  hôpitaux  ou 
dans  des  maisons  particulières,  nous  n’avons  eu 
occasion  de  l’observer  qu’une  seule  fois. 

Nous  avons  surtout  remarqué  , à la  suite  des 
plaies  d’armes  à feu,  des  déchiremens,  des  rup- 
tures de  branches  ou  de  rameaux  nerveux , avec 
augmentation  ou  diminution  de  volume  des 
troncs  principaux. 

Nous  aurions  pu  nous  étendre  davantage  sur 
les  nécropsies  faites  à la  suite  des  morts  occasion- 
nées par  des  affections  du  système  nerveux;  mais 
nous  nous  réservons  pour  la  dernière  partie  de 
cet  essai , qui  traite  spécialement  d’une  névrose 
dont  les  suites  sont  plus  souvent  mortelles. 


> ‘ * •' 

- : 

» 


, 


» 


' - 


JfHêîStë 


mmmmmmm 


TROISIÈME  PARTIE. 


DE  L’ÉPILEPSIE  EN  PARTICULIER. 

Une  maladie,  dès  l’invasion  de  laquelle  celui 
qui  en  est  atteint  pousse  un  cri , tombe , perd  la 
connaissance  et  Ja  sensibilité  ; pendant  laquelle  il 
écume , fait  craquer  les  dents , contourne  les 
membres  , et  après  laquelle  il  paraît  être  dans 
l’idiotisme  le  plus*  complet , offrant  aux  per- 
sonnes qui  l’entourent  des  contusions,  des  dé- 
chiremens,  des  fractures,  et  souvent  des  hé- 
morragies abondantes  : voilà,  en  peu  de  mots, 
comment  on  a défini  l’épilepsie,  maladie  (plutôt 
infernale  que  sacrée  ) que  le  législateur  devrait 
se  hâter  de  soustraire  aux  regards  du  public, 
lorsque  la  médecine  est  assez  malheureuse  pour 
ne  pas  la  guérir  promptement. 


Il  nous  serait  très  facile  de  tracer  un  tableau 
plus  fidèle,  et  surtout  plus  hideux,  de  cette  né- 
vrose ; mais  ce  serait  tomber  dans  les  inconvé- 
niens  que  nous  reprochons  à notre  législation , 
avec  d’autant  plus  de  force,  que  nous  sommes 

moralement  certain  que  cette  maladie  nerveuse 

\ 

est  souvent  curable. 

C’est  en  1806  que  nous  est  venue  l’idée  de 
nous  occuper  sérieusement  du  traitement  de  l’e- 
pilepsie.  Nous  nous  trouvions  alors  en  Prusse , 
logé  chez  un  médecin  de  ce  pays,  qui  jouissait 
d’une  grande  réputation  pour  la  cure  de  cette 
maladie.  Ce  docteur  combattait  en  effet  l’épi- 
lepsie sympathique  avec  un  succès  étonnant.  Il 
employait  l’eau  distillée  de  laurier-cerise,  la 
poudre  de  racine  d’armoise,  et  le  prussiate  de 
fer  (bleu  de  Prusse).  Un  régime  convenable  était 
prescrit  pour  seconder  l’elfet  de  ces  substances. 

Nous  avons  attendu  d’être  entièrement  livré 
à nous-même,  et  débarrassé  des  occupations  sans 
nombre  que  suscite  le  service  de  santé  militaire, 


pour  réunir  nos  observations  anciennes  et  nouvel- 
les, et  les  livrer  au  public.  Ce  qui  nous  a principa- 
lement décidé  à poursuivre  nos  recherches  sur 
F épilepsie,  c’est  le  fait  suivant. 

Une  dame  octogénaire,  à laquelle  nous  don- 
nions nos  soins,  en  i8i4j  avait  un  petit  chien  de- 
venu l’objet  de  ses  plus  tendres  affections  ; mais 
il  était  épileptique.  La  bonne  dame  n’avait  rien 
négligé  pour  guérir  le  cher  compagnon  de  sa 
vieillesse.  11  avala  un  jour  un  noyau  de  laurier- 
cerise  dans  le  jardin  de  sa  maîtresse  , et  depuis,  il 
n’a  éprouvé  aucune  de  ces  convulsions  qui , au- 
paravant, se  reproduisaient  tous  ies  jours. 

Il  est  inutile  de  présenter  ici  l’exposé  de  tout 
ce  qui  a rapport  à la  nature , à la  marche  et  aux 
symptômes  de  l’épilepsie.  Le  profond  et  bien  vé- 
nérable baron  Portai,  a satisfait  tous  les  méde- 
cins sur  ces  points  divers,  et  cette  maladie  étant 
du  nombre  de  celles  qui  frappent  le  système  ner- 
veux , il  a été  question , dans  la  deuxième  par- 
tie de  ce  livre , de  tout  ce  qui  tend  à éclairer 

18 


le  diagnostic  des  névroses.,  que  nous  nommerons 
encore  les  maladies  de  la  civilisation  , ou  plutôt 
de  ses  excès  , dussions-nous  déplaire  à plus  d’un 
novateur.  Ensuite  , comme  il  faut  adopter  au- 
tant d’épilepsies  qu’elles  reconnaissent  de  causes 
déterminantes  (car  les  causes  éloignées  ou  prédis- 
posantes sont  celles  qui  sont  également  propres 
à toutes  les  maladies  nerveuses  , et  que  nous 
avons  énumérées  ailleurs),  nous  leur  donnerons, 
autant  que  possible,  des  noms  tirés  de  ces  causes 
ou  des  parties  sur  lesquelles  ces  maladies  se  se- 
ront fixées,  et  nous  passerons  immédiatement  au 
traitement  le  plus  approprié  à chacune  d’elles , 
en  citant  une  ou  plusieurs  observations  à l’appui. 

On  a prétendu  , jusqu’à  ce  jour,  que  l’épilep- 
sie avait  constamment  son  siège  dans  le  cerveau  ; 
il  n’en  est  pas  ainsi  : point  d’attaque  complète 
d’épilepsie,  il  est  vrai , sans  trouble  cérébral  plus 
ou  moins  considérable  ; ce  désordre,  sans  contre- 
dit , est  le  sine  quâ  non  de  la  maladie , surtout 
d’après  le  nom  qu’on  lui  a assigné.  Mais  l’épi- 
lepsie peut  débuter  dans  un  autre  organe  ; la 


s83 


preuve,  c’est  que  si  vous  arrêtez  à temps  celte 
vapeur  ( aura  epileptica ) qui  part  souvent  d’un 
point  éloigné  de  l’encéphale  , l’accès  épileptique 
n’aura  pas  lieu  complètement , c’est-à-dire , que 
le  cerveau  ne  sera  point  atteint. 

Tous  les  organes  reçoivent  des  nerfs  ; or  l’épi- 
lepsie se  déclare  soudain  dans  l’un  comme  dans 
l’autre  de  ces  organes,  suivant  les  causes  agis- 
santes. L’épilepsie  a donc  son  siège  primitif  dans 
le  système  nerveux. 

v 

Il  est  sans  doute  des  épilepsies  dont  le  siège 
immédiat  est  dans  le  cerveau,  puisque  ce  viscère 
est  l’origine  de  tous  les  nerfs,  quoi  qu’en  aient 
ditBichat,  Legallois,  etc....  Ces  épilepsies  sont 
les  plus  funestes  et  les  plus  difficiles  à guérir;  car 
la  scène  se  passant  primitivement,  et  presque  tou- 
jours entièrement,  dans  un  organe  si  essentiel  à 
la  vie  et  à l’exercice  de  nos  facultés  intellectuel- 
les , la  perte  de  ces  facultés,  ou  la  mort  de 
l’individu,  en  sont  presque  toujours  les  suites. 

Il  est  bien  d’autres  maladies  qui  donnent  lieu 

18.. 


a«4 

4 des  symptômes  aussi  effraya  ns  que  ceux  que 
nous  offrent  les  épileptiques.  Par  exemple,  toutes 
les  affections  graves  du  poumon,  du  cœur,  de 
l’estomac,  du  foie , etc. , sont  souvent  et  promp- 
tement suivies  de  délire,  d’assoupissement,  ou 
de  soubresauts  des  tendons.  Dira-t-on,  pour  cela, 
que  ces  affections  n’avaient  pas  eu  lieu  d’abord 
dans  les  organes  que  nous  venons  de  nommer? 

D’apres  ces  questions,  il  serait  impossible,  ce 
nous  semble,  de  ne  point  admettre  autant  d’é- 
pilepsies qu’il  existe  d’organes  susceptibles  d’être 
affectés  par  ces  maladies , ou  de  causes  capables 
de  les  produire.  Ces  causes  et  ces  organes  étant 
différens,  les  traitemens  doivent  l’être  aussi,  et 
nous  osons  soutenir  qu’on  aurait  guéri  un  plus 
grand  nombre  d’épilepsies,  si  on  se  fût  plus  at- 
taché aux  causes  qui  peuvent  leur  donner  nais- 
sance. 

Isous  définirons  donc  l’épilepsie,  une  névrose 
avec  ou  sans  symptômes  cérébraux , et  nous  la 
diviserons  en  idiopathique  ou  essentielle  , en 
sympathique  et  symptomatique. 


! 


CHAPITRE  PREMIER. 


/épilepsies  idiopathiques  ou  essentielles. 

• J 

Les  épilepsies  essentielles  sont  celles  qui  se 
déclarent  immédiatement  sur  le  cerveau  ou  sur 
l’une  de  ses  dépendances.  , 

A.  Epilepsies  sans  causes  connues . 


L’épilepsie  que  nous  apportons  en  venant  au 
monde , est  excessivement  obscure.  En  effet  , 
comment  s’assurer  si  elle  tient  à un  vice  de  la 
conformation  intérieure  du  crâne,  à une  lésion 
de  la  substance  cérébrale  ou  des  membranes  qui 
l’enveloppent,  à une  commotion  imprimée  à l’en- 
fant par  sa  mère , pendant  quelle  en  était  en- 
ceinte? Comment  déterminer  la  nature  de 
cette  commotion  ? Cependant  point  d’espoir 
de  guérison  , si  la  véritable  cause  est  ignorée  ; 
aussi  a-t-on  toujours  considéré  l’épilepsie  congé- 


^86 

niaie  comme  rebelle  aux  ressources  de  la  mé- 
decine. 

Toutefois  les  pères  de  famille  doivent  se  ras- 
surer, s’ils  ont  le  courage  de  celui  dont  l’enfant 
fait  le  sujet  de  l’observation  suivante. 

Premier  Fait.  Un  colonel  d’infanterie  se 
marie  immédiatement  après  la  campagne  de 
i8i4;  avec  une  veuve  éminemment  nerveuse, 
qui,  au  bout  de  trois  mois,  s’aperçoit  quelle  est 
grosse.  Au  sixième  mois  de  sa  grossesse  elle 
éprouve  une  frayeur  à la  suite  de  laquelle  elle 
est  deux  heures  sans  connaissance.  Elle  n’en  ac- 
couche pas  moins  à terme  d’un  garçon  bien 
constitué,  mais  qui,  deux  mois  après  sa  nais- 
sance, est  frappé  d’épilepsie.  Il  est  confié  à une 
nourrice  lymphatique  , saine  et  d’une  douceur 
remarquable. 

Le  nourrisson  continue  d’éprouver  des  accès 
d’épilepsie  qui  se  renouvellent  tous  les  quinze 
jours.  On  a recours  à divers  traitemens.  L’en- 


aSy 

faut  arrive  à l’âge  de  huit  ans  saris  qu’on  s’aper- 
çoive du  plus  petit  changement  dans  son  étal  de 
maladie;  au  contraire,  les  attaques  périodiques 
sont  plus  violentes.  Le  père  est  persuadé  que  son 
fils  a c le  l’eau  dans  la  tête , et  que  la  trépanation 
peut  le  sauver.  11  ajoute  : « J aime  mieux  le  voir 
succomber  à cette  opération  , que  de  le  conser-  • 
ver  dans  une  position  si  cruelle.  » Une  couronne 
de  trépan  est,  appliquée  sur  le  pariétal  droit  ; 
une  once,  environ,  d’un  liquide  jaune  et  teint 
de  sang  s’échappe,  et  fin  trépide  père  conserve 
celui  qu’il  nomme  tout  son  avenir.  Cet  enfant 
est  aujourd’hui  âgé  de  près  de  quinze  ans  , et  ne 
ressent  plus  rien.  Seulement  on  le  ménage  beau- 
coup , à cause  de  son  extrême  sensibilité. 

Comme  nous  l’avons  déjà  fait  observer,  le  lieu 
d’élection  n’est  pas  toujours  parfaitement  indi- 
qué pour  se  livrer  à cette  opération  , mais  il  faut 
tenter,  et  dans  ce  cas,  meliits  anceps , quàm  nul - 
him , etc.  Nous  examinerons,  plus  loin,  à quels 
signes  on  peut  reconnaître  l’endroit  du  cerveau 
où  l’épanchement  s’est  effectué. 


288 


Deuxième  Fait.  Une  demoiselle  de  vingt- 
sept  ans,  orpheline,  riche,  jolie  et  épilep- 
tique, n’avait  jamais  voulu  déclarer  sa  mala- 
die, dans  la  crainte  de  ne  pouvoir  se  marier.  Les 
accès  ne  se  manifestaient  cpie  la  nuit,  circons- 
tance qui  dérobait,  aux  nombreux  prétendans, 
l’affection  qui,  trois  fois  par  mois,  venait  de- 

j 

ranger  le  sommeil  de  la  malade , et  la  plonger 
dans  le  désordre  le  plus  complet.  Un  notaire  en- 
fin est  préféré , et  l’ union  conjugale  a lieu.  Cette 
fois,  du  moins,  la  rédaction  du  contrat  ne 
donna  lieu  à aucune  réclamation , et  ne  parut  pas 
coûter  trop  cher. 

Dix-huit  mois  se  sont  à peine  écoulés,  que  la 
malade  donne  le  jour  à deux  garçons,  au  milieu 
même  de  tous  les  symptômes  de  la  maladie  dont 
le  mariage  ne  l’a  point  délivrée.  Le  mari  paraît 
d’abord  satisfait  j mais  il  s’effraie  bientôt  sur  le 
sort  de  scs  jumeaux , quoique  sa  femme  ne  lui 
ait  présenté  la  maladie  dont  elle  est  affectée, 
que  comme  le  résultat  d’une  grande  susceptibi- 
lité nerveuse.  En  effet,  ces  pauvres  en  fa  11s  sont 


289 

pris , presqu’en  même  temps  , d’épilepsie.  Un 
médecin  éclairé  est  consulté  , et  prend  les  pré- 
cautions les  plus  sages  pour  préserver  ces  êtres 
innocens  de  secousses  nouvelles.  Efforts  super- 
flus ! l’épilepsie  leur  a été  transmise  héréditaire- 
ment, et  désormais  rien  ne  pourra  les  débarras- 
ser de  ce  fléau , si  la  Providence  ne  vient  à leur 
secours. 

Ces  deux  enfans  se  promenaient  un  jour  en  ca- 
lèche découverte  (ils  avaient  alors  trois  ans),  sous 
la  seule  surveillance  d’une  femme  de  chambre. 
Les  chevaux  s’emportent , la  calèche  est  renver- 
sée : l’un  de  ces  infortunés  n’a  que  le  bras  droit 
démis,  mais  l’antre  reçoit  un  coup  de  pied  de 
cheval  qui  fracture  l’os  occipital.  Les  soins  les 
mieux  dirigés  lui  sont  prodigués.  Une  portion 
de  cet  os  qui  était  enfoncée  , est  enlevée  avec 
adresse , la  plaie  pansée  avec  méthode  , et  le  ma- 
lade, après  trois  mois  de  traitement,  se  trouve 
guéri  de  tous  ses  maux.  Son  hère  succomba , un 
an  apres,  dans  des  convulsions  affreuses.  Nous 
sommes  parvenu  à rendre  une  épilepsie  hérédi- 


taire  moins  fréquente  et  beaucoup  moins  vive, 
en  soumettant  la  demoiselle  de  dix-huit  ans,  qui 
en  était  atteinte , à un  régime  qui  axait  presque 
changé  son  tempérament  essentiellement  ner- 
veux. 

Troisième  Fait.  Une  demoiselle  âgée  de  dix- 
sept  ans,  très  maigre,  fort  pâle  et  bien  réglée, 
issue  de  parens  nerveux,  ayant  été  nourrie  par 
une  femme  très  irritable,  est  affectée  d’épilepsie 
au  moment  où  l’on  devait  le  moins  s’y  attendre. 
Des  médecins  sont  aussitôt  appelés.  Rien  n’est 
négligé;  tous  les  traitemcns  sont  successivement 
mis  en  usage,  abandonnés,  repris,  et  toujours 
sans  succès.  Les  parens  espèrent  que  nous  serons 
plus  heureux,  et  viennent  nous  consulter.  Nous 
proposâmes  plusieurs  moyens,  qui  tous  avaient 
déjà  échoué.  Gomment  trouver  la  véritable  cause 
d’un  désordre  si  opiniâtre  ? Cependant  les  pa- 
rens insistent,  et  la  jeune  personne  ajoute,  avec 
l’accent  de  la  résolution  la  plus  forte  : « Mon- 
sieur , je  veux  guérir  ou  mourir.  » C’était  bien  là 
le  langage  du  désespoir,  c’était  bien  là  aussi  une 


29 1 

épilepsie  constitutionnelle  , si  on  peut  s’exprimer 
ainsi.  Les  païens  nous  laissèrent  également  carte 
blanche.  En  conséquence , la  malade  fut  sou- 
mise au  traitement  suivant. 

Régime.  Des  alimens  très  substantiels  , mais 
sous  un  petit  volume,  tels  que  les  gelées  de 
viande , le  chocolat  ferré,  les  consommés  con- 
tenant des  jaunes  d’œufs*  de  l’eau  très  aérée  pour 
unique  boisson  ; un  lit  composé  d’une  paillasse 
remplie  de  fleurs  de  tilleul  et  de  feuilles  d’oranger 
desséchées  ; l’air  de  la  campagne  ; les  bains  de 
gélatine,  dans  lesquels  on  jetait  deux  pintes  d’é- 
ther acétique  au  moment  d’y  entrer;  le  repos  de 
l’âme,  des  distractions  agréables  ; des  lectures 
amusantes  (car  une  application  convenable  à l’é- 
tude est  salutaire  pour  prévenir  les  passions  qui, 
suivant  l’ingénieuse  idée  de  Billion , ouvrent  la 
porte  par  laquelle  il  sort  le  plus  d’individus  de 
ce  monde);  tel  fut  le  régime  recommandé. 

.Traitement.  Des  pilules  de  musc  et  d’assa- 
fœtida.  Ces  substances  furent  d’abord  données  à 


292 

la  dose  d’un  grain,  et  portées  progressivement  à 
vingt  grains  par  jour  ; des  lavemens  contenant 
jusqu’à  deux  onces  de  teinture  éthérée  de  casto- 
reum ; des  vésicatoires  volans , saupoudrés  de 
camphre  et  d’aimant,  et  promenés  sur  le  bas- 
ventre  ; quelques  commotions  électriques  impri- 
mées à cette  partie  ; tels  sont  les  moyens  curatifs 
que  nous  avons  mis  en  usage  le  Ier  mars  1826 
et  qui  ont  été  suivis  avec  une  persévérance  uni- 
que. Aujourd’hui,  3 septembre  1827,  la  malade 
n’éprouve  plus  rien.  Tout  fait  espérer  qu’aucun 
accident  ne  se  reproduira.  O11  est  dans  l’inten- 
tion de  profiter  de  cet  heureux  changement  pour 
marier  cette  demoiselle. 


CHAPITRE  II. 

ÉPILEPSIES  IDIOPATHIQUES  PRODUITES  PAR  DES 
CAUSES  PHYSIQUES. 


B . Épilepsie  idiopathique  cérébrale. 

Premier  Fait.  Un  élève  en  droit , âgé  de 
vingt  - trois  ans , d’un  tempérament  très  irri- 
table, d’une  cornplexion  grêle,  reçoit  un  vio- 
lent coup  de  poing  sur  la  tempe  droite;  il  tombe, 
et  devient  épileptique.  Il  n’avait  jamais  éprouvé 
aucune  atteinte  de  cette  maladie;  ses  père  et  mère 
avaient  toujours  joui  d’une  santé  parfaite.  Ce 
malheureux  jeune  homme  succombe  à la  sixième 
attaque  épileptique.  La  nécropsie  est  pratiquée; 
on  découvre  un  épanchement  séreux  dans  le 
ventricule  droit.  Le  trépan  pouvait  être  utile  ici, 
en  enlevant  la  cause  qui  comprimait  le  cerveau. 

Deuxième  Fait.  Lu  ouvrier  maçon,  âgé  de 


2o4 

/ 

quarante  ans,  d’une  constitution  pléthorique, 
11’ayant  jamais  éprouvé  que  des  indispositions 
légères , est  tout  - à - coup  frappé  d’épiiep- 
sie.  Le  médecin  consulté  reconnaît  que  cette  ma- 
ladie est  Telle t de  l’action  du  soleil.  En  effet,  le 
malade  avait  travaillé , exposé  aux  rayons  ardens 
de  cet  astre  et  la  tête  découverte,  pendant  une 
journée  du  mois  de  juillet  1816.  Des  applica- 
tions froides  sont  faites  sur  la  tête,  plusieurs  sai- 
gnées du  pied  sont  pratiquées  successivement.  Le 
malade  se  rétablit  lentement.  Il  s’est  toujours 
bien  porté  depuis. 

Troisième  Fait.  Un  clerc  de  notaire,  âgé 
de  vingt  ans,  épileptique  depuis  l’âge  de  dix- 
huit  mois,  meurt  dans  un  accès  violent  de 
cette  maladie.  La  nécropsie  est  faite.  On  ne 
trouve  d’autre  cause  qu’une  épaisseur  considé- 
rable des  os  du  crâne,  dont  les  sutures  avaient 
disparu.  Les  os  pariétaux,  surtout , présentaient 
une  épaisseur  d’un  demi-pouce.  On  conçoit  qu  ici 
l’art  ne  peut  être  d’aucun  secours. 

Quatrième  Fait.  Un  Suisse,  âge  de  dix- 


huit  ans  j reçoit  un  coup  de  bâton  sur  le  sommet 
de  la  tête,  qui  le  rend  épileptique.  Six  mois 
après,  dans  un  accès  de  cette  névrose,  il  tombe 
d’un  deuxième  étage  dans  la  ri;e,  et  sur  les  pieds. 
Un  sang  jaunâtre  jaillit  aussitôt  par  les  narines 
et  les  oreilles;  des  voniissemens  bilieux  se  suc- 
cèdent d’une  manière  e (Trayante.  On  crut  un  ins- 
tant que  ce  jeune  homme  ne  résisterait  pas  à la 
commotion  cérébrale.  Plusieurs  lois  les  veines 
des  pieds  sont  ouvertes  ; un  émétique  en  lavage 
est  donné , et  le  malade , au  bout  de  deux  mois, 
est  entièrement  rétabli.  Il  y a quatre  ans  que  cet 
événement  est  arrivé  ; aucun  accident  épilep- 
tique n'est  encore  venu  renouveler  les  inquiétudes 
des  parens. 

Cinquième  Fait.  Un  pharmacien,  âgé  de 
quarante  ans,  dune  constitution  robuste,  de- 
vient tout -à -coup  épileptique.  Le  médecin, 
consulté,  a subitement  recours  aux  anti-spasmo- 
diques , d’abord  les  plus  simples,  ensuite  les  plus 
énergiques.  Les  accès  se  rapprochent  au  point  de 
se  reproduire  six  fois  par  jour.  Leur  durée  était 


■xfi 

d’une  demi-heure.  Un  autre  médecin  est  appelé, 

et  reconnaît  que  la  pléthore  sanguine  est  la  seule 

\ 

cause  de  la  maladie,  li  saigne  à outrance  tous  les 
huit,  quinze  et  trente  jours;  prescrit  une  diète 
sévère,  et,  plus  tard,  un  régime  atténuant.  Le 
malade  ne  tarde  pas  à être  débarrassé  entière- 
ment de  l’épilepsie  cérébrale  qui  faisait  le  déses- 
poir de  sa  famille. 

Sixième  Fait.  Un  boucher,  jeune  encore, 
de  Rouen,  reste,  pendant  trois  ans,  un  des 
épileptiques  les  plus  malheureux  que  nous  ayons 
vus.  Les  accès  ne  lui  laissaient  pas  une  heure  de 
répit.  11  finit  par  succombera  un  hydrotorax  sur- 
venu en  peu  de  temps.  Nous  rencontrâmes  des 
concrétions  osseuses  sur  la  dure-mère. 

. * 

Septième  Fait.  Louis  de  S....,  âgé  de  trente- 
deux  ans  , était  depuis  long  - temps  entre 
les  mains  de  deux  médecins  fameux  de  Paris, 
pour  une  épilepsie  dont  les  attaques  étaient  aussi 
très  fréquentes.  Il  nous  fut  présenté  le  i3  août 
1 8 1 ; nous  crûmes  reconnaître  la  présence  d un 


997 

corps  particulier  exerçant  une  pression  sur  le 
cerveau , voici  à quels  signes  : le  malade,  dans 
l’intervalle  des  accès , éprouvait  constamment  le 
besoin  de  porter  la  main  sur  le  pariétal  gauche, 
qui,  disait-il,  lui  semblait  beaucoup  plus  gros 
(même  sans  y toucher)  que  celui  du  côté  op- 
posé. En  efïèt,  cet  os  nous  parut  plus  élevé  à la 
vue.  Immédiatement  après  les  attaques , la  tête 
était  penchée  de  préférence  sur  l’épaule  gauche  * 
il  y avait  ambfyopie , et  la  pupille  du  côté  droit 
était  contractée,  tandis  que  l’autre  présentait 
un  état  de  dilatation  extrême. 

Nous  fîmes  raser  la  tête,  et  avec  un  cylindre 
métallique  creux,  nous  Ja  percutâmes  dans  tous 
les  sens.  Le  malade  nous  dit  : « Il  me  semble  que 
ce  côté  ( en  portant  la  main  sur  la  bosse  parié- 
tale droite)  résonne  plus  clairement  que  l’autre.  » 
Nous  ne  balançâmes  pas  à déclarée  que  , sous  le 
pariétal  indiqué , existait  la  cause  de  la  com- 
pression cérébrale  qui  avait  déterminé  l’épilepsie. 

En  conséquence,  nous  proposâmes  une  cou- 

J9 


ronne  de  trépan.  Les  parens  s’y  refusèrent.  Nos 
confrères  ne  dirent  ni  oui,  ni  non.  Huit  jours 
après  notre  proposition,  le  malade  mourut. 

Nécropsie.  Nous  trouvâmes  à la  face  externe 
de  la  dure-mère,  sous  l’os  pariétal  gauche,  un 
kyste  adhérent  à celte  membrane,  et  rempli 
d’une  matière  de  consistance  de  suif.  Ce  kyste 
aA  ait  la  forme  et  la  grosseur  d’une  pomme  d’apis. 
La  bosse  pariétale  était  presque  usée.  Combien 
de  fois,  depuis  cet  événement , les  parens  ne 
nous  ont-ils  pas  témoigné,  et  verbalement  et 
par  écrit,  leurs  regrets  de  ne  s’être  pas  rendus 
à notre  opinion  ! Nous  transcririons  ici  leurs  let- 
tres s’ils  nous  y avaient  autorisé.  Ce  n’est  pas  la 
première  fois  que  nous  avons  eu  occasion  de  re- 
courir à ces  moyens  d’exploration  pour  nous  as- 
surer du  lieu  d’un  épanchement,  ou  de  toute  au- 
tre cause  de  compression  cérébrale.  Déjà,  dans 
une  brochure  que  nous  publiâmes  sur  les  épan- 
chemens  en  général  (en  Poméranie  suédoise) , 
nous  avons  fait  mention  de  la  percussion  du 
crâne.  Nous  aurons  occasion  d’y  revenir. 


Huitième  Fait.  Un  chirurgien;,  sous-aide-ma- 
jor, employé  dans  Fliôpital  dont  le  service  nous 
était  confié  , en  Pologne , fut  pris  d’épilepsie. 
11  n’était  âgé  que  de  dix-neuf  ans.  Son  tempé- 
rament, nerveux,  l’avait  souvent  exposé  à des 
aifections  spasmodiques  graves.  Toutes  les  pré- 
cautions furent  prises  pour  mettre  ce  jeune 
homme  à l’abri  de  nouveaux  accidens  épilepti- 
ques. Il  n’en  fut  pas  moins,  quinze  jours  après, 
frappé  d’un  nouvel  accès,  auquel  il  succomba. 

Nècropsie.  Les  vaisseaux  des  membranes  du 
cerveau  étaient  variqueux,  et  d’une  grosseur  à 
laquelle  nous  aurions  de  la  peine  à croire,  si 
nous  11e  nous  en  étions  assuré  nous-même. 

Neuvième  Fait.  François  de  B....,  homme  de 
lettres , âgé  de  quarante-sept  ans , nerveux  et 
lymphatique , tomba  tout-à-coup,  en  1816, 
dans  une  attaque  d’épilepsie  presque  foudroyante  ; 
le  lendemain  il  mourut  dans  un  deuxième 
accès. 


Nècropsie.  Le  crâne  offrait  une  épaisseur  cou- 


/ 


3oo 

sidérable.  Le  tiers  antérieur  clu  lobe  droit  du 
cerveau,  plus  affaissé,  était  dans  un  état  de  ra- 
mollissement extraordinaire.  Un  épanchement 
séreux  avait  commencé  à se  former  à la  base  du. 
crâne.  Les  couches  des  nerfs  opticpies  du  même 
coté  ( droit),  ressemblaient  assez  à de  la  bouillie 
brunâtre. 

♦ 

Dixième  Fait.  Madame  Marie  de  M , âgée 

de  29  ans,  épileptique  depuis  l époque  de  la  pu- 
berté, perdit  la  vie  après  une  chute  dans  laquelle 
elle  s’était  fracturé  les  jambes. 

JSécropsie.  Le  crâne  offrait  un  volume  et  une 
épaisseur  considérables.  La  dure-mère  adhérait 
à toute  la  face  interne  de  l’occipital  ; substance 
du  cerveau  calleuse  ; très  peu  de  sérosité  dans 
les  ventricules  latéraux. 

Onzième  Fait.  Louise  La  13....,  âge  de  3 2 ans, 
ouvrière  en  robes,  d’un  tempérament  nerveux, 
mourut  d’épilepsie , dont  elle  était  atteinte  de- 
puis quinze  ans. 


3oi 

Nécropsie.  Arachnoïde  opaque  et  épaissie; 
epanchement  de  sérosité  sanguinolente  dans  l’in- 
téricur  de  la  dure-mère;  ventricules  du  cerveau 
d’une  capacité  peu  commune.  Plusieurs  hyda- 
tides  dans  ces  cavités.  Petits  kystes  séreux  dans 
le  tissu  des  plexus  choroïdes. 

/ 

Douzième  Fait . M.  Adolphe  de  L , 0fïi- 

cier  supérieur  d’artillerie,  reçoit  en  duel , le  len- 
demain de  la  bataille  de  Friedland  , un  coup 
d’épée  qui  pénètre,  par  la  tempe  gauche,  dans- 
le  cerveau.  Une  portion  de  la  lame  reste  dans  cet 
oigane.  Lextiaction  n en  fut  faite  que  2/j.  heures 
après  la  blessure.  Cet  officier , qui  avait  perdu 
1 usage  de  l’œil  du  côté  blessé , fut  peu  de  temps 
<i  se  remettre  de  ce  coup  d’epee,  quoique  très 
grave  sans  doute;  mais  ce  rétablissement  n’était 
que  simulé.  Six  mois  après,  un  accès  d’épilepsie 
épouvantable  se  déclara  : quatre  hommes  suffi- 
rent à peine  pour  mettre  le  malade  à l’abri  des 
accidens  qu  auraient  pu  produire  les  contrac- 
tions et  les  efforts  que  faisait  ce  malheureux  pour 
se  débarrasser,  nous  dit-il  après  l’attaque,  du 


pouls  qu  'il  portait  sur  la  tête.  Il  éprouva  vingt- 
cinq  accès  de  la  même  intensité  que  le  premier  , 
et  succomba  au  vingt-sixième. 

Nécropsie.  Abcès  considérable  dans  le  tiers 
antérieur  du  lobe  gauche  du  cerveau;  traces 
nombreuses  d’inflammation  des  membranes  qui 
enveloppent  cet  organe. 

Ti  'eizième  Fait.  Mademoiselle  Emma  de  P... , 
âgée  de  20  ans,  nerveuse  à l’excès,  devient  épi- 
leptique sans  causes  appréciables;  seulement  ses 
facultés  intellectuelles  avaient  paru  dès  long- 
temps altérées,  mais  si  légèrement,  qu’on  n’y 
avait  fait  que  très  peu  d’attention.  Au  sixième 
accès  , cette  demoiselle  fut  enlevée  à sa  mère 
désolée. 

s 

Nécropsie.  Les  os  du  crâne  sont  un  peu  plus 
épais  que  dans  l’état  ordinaire.  Les  éminences 
de  la  base  du  crâne  , les  moins  apparentes,  sont 
entièrement  effacées,  ainsi  que  la  plupart  des 
fosses  ; les  apophyses  les  plus  saillantes  présen- 


3o3 

tent,  des  directions  contre  nature;  enfin  toutes 
les  parties  de  l’intérieur  de  cette  boîte  osseuse 
sont  plus  ou  moins  viciées. 

Le  cerveau  avait  dû  nécessairement  souffrir  de 
ce  désordre  des  parties  dures;  aussi  les  circon- 
volutions antérieures  paraissent-elles  fort  peu. 
Epanchement  considérable  d’un  liquide  aqueux 
dans  les  ventricules  latéraux,  à la  base  du  cer- 
veau, et  jusque  dans  le  tiers  supérieur  de  la  co- 
lonne cervicale  ; dilatation  excessive  des  troi- 
sième et  quatrième  ventricules;  vaisseaux  injec- 
tés et  volumineux  ; le  cervelet  est  d’un  tiers  plus 
développé  qu’à  l’ordinaire. 

Quatorzième  Fait.  Pierre  G...,  sergent  au  dix- 
neuvième  régiment  d’infanterie  de  ligne,  nous 
fut  envoyé,  en  1809,  à l’hopilal  de  Schœnbrun 
(Autriche).  Ce  militaire,  âgé  de  28  ans,  d’une 
constitution  athlétique,  portait  une  balle  de 
plomb  dans  la  partie  antérieure  du  cerveau. 
L’extraction  de  ce  corps  fut  faite  aussitôt,  et  la 
plaie  ne  fut  pas  long-temps  à se  cicatriser.  Les 


maux  de  tête,  l’insomnie , les  fourmillemens 
des  jambes  nous  engagèrent  à retenir  le  malade, 
quoiqu’il  eut  témoigné  plusieurs  fois  l’intention 
de  sortir  pour  assister  à la  bataille  de  Wagram 
qui  se  préparait.  11  ne  tarda  pas  à tomber  dans 
des  attaques  d’épilepsie  d’une  force  et  d’une  fré- 
quence peu  communes.  La  tête  fut  rasée  et  per- 
cutée avec  le  cylindre  métallique.  Le  malade 
disait  éprouver  des  sons  bien  plus  obscurs  aux 
bosses  coronales  qu’aux  autres  parties  du  crâne. 
Tout  se  réunissait  donc  pour  nous  indiquer  le 
lieu  de  l’épanchement  que  nous  redoutions. 
Deux  couronnes  de  trépan  furent  appliquées  sur 
le  coronal , réduit  à une  seule  table  par  le  coup 
de  feu.  Deux  onces  de  pus  sanieux  s’écoulèrent. 
Le  blessé  fut  pansé  méthodiquement  pendant 
deux  mois,  qui  suffirent  pour  le  mettre  dans  le 
cas  de  rejoindre  son  régiment,  toutefois  avec  les 
précautions  qu’exigeait  l’état  de  la  cicatrice. 

Quinzième  Fait.  Joseph-Louis  L , sous- 

officier  du  génie,  entra  à l’hôpital  d’Onsolre- 
deck , près  La  Haye  (Hollande).  Ce  militaire > 


3o5 

dont  les  études  avaient  été  sérieuses,  et  les  oc- 
cupations constantes  , éprouvait  des  attaques 
d’épilepsie,  qui,  heureusement,  nous  dit-il,  ne 
se  renouvelaient  que  de  mois  en  mois  ,•  mais  la 
céphalalgie  qui  lui  était  survenue  depuis  peu, 
était  si  vive,  qu’elle  l’avait  décidé  à venir  nous 
demander  du  soulagement. 

La  tête  fut  percutée  dans  tous  les  sens.  Le 
malade  nous  fit  observer  que  ce  moyen  d’explo- 
ration ne  produirait  aucun  diagnostic  certain. 
« Il  me  semble,  ajouta-t-il,  qu’un  corps  par- 
ticulier flotte,  dans  la  base  du  cerveau,  lorsque 
je  retourne  brusquement  la  tête  sur  l’oreiller.  » 
Cet  intéressant  jeune  homme  mourut  subitement 
le  lendemain,  dans  des  convulsions  affreuses. 

Nécropsie.  La  glande  pinéale,  seule,  est  vo- 
lumineuse, squirrheuse  et  baignée  dans  quatre 
onces,  au  moins,  de  sérosité. 

r 

C.  Epilepsie  idiopathique  rachidienne. 

Les  parties  contenues  dans  le  rachis  ( épine 


3o  6 


du  dos)  sont  également  sujettes  à des  altérations 
qui  engendrent  l’épilepsie , quoiqu’on  ait  observé 
ces  altérations  chez  des  individus  non  épilep- 
tiques. 

Premier  Fait.  M.  Charles  Le  P , chef  de 

bataillon,  reçut,  à l’affaire  de  Polostb  , en  1812, 

plusieurs  coups  de  crosse  de  fusil  dans  le  dos, 

apres  avoir  fait  une  chute  de  cheval  sur  le  siège. 

En  donnant  de  l’argent,  cet  officier  sortit  des 

mains  des  soldats  russes  qüi  l’avaient  si  mal 

traité.  Jeune  encore  et  robuste,  il  n’avait  jamais 

» 

été  malade,  ni  même  incommodé.  Porté  à l’am- 
bulance , on  le  fit  saigner  deux  fois  dans  un  jour, 
et  l'on  couvrit  la  colonne  épinière  de  ventouses 
scarifiées,  ensuite  de  vésicatoires  volans.  Des 
douleurs  atroces  se  fixèrent  dans  toute  l’étendue 
de  cette  partie  , notamment  dans  les  lombes. 

t 

Le  lendemain  , saignée  copieuse  du  pied,  fric- 
tions éthérées  sur  les  membres  inférieurs. 

Le  soir  il  fallut  partir.  Chacun  connaît  les 
motifs  de  la  retraite  précipitée  que  les  armées 


françaises  furent  contraintes  d’effectuer  à cette 
époque. 

Quelques  jours  après,  nous  rencontrâmes  cet 
officier  à Wilna  ; il  souffrait  plus  que  jamais,  et 
marchait  courbé  en  avant.  Nous  eûmes  à peine 
le  temps  de  lui  parler.  Enfin  nous  le  revîmes  à 
Kœnisberg  ; là,  du  moins,  nous  pûmes  l’écou- 
ter avec  attention  : il  avait  éprouvé  plusieurs  at- 
taques d’épilepsie.  11  put  encore  prendre  la  poste, 

4 

et  se  rendre  à Ma  v en  ce  : nous  arrivâmes  ensem- 

v * 

blé  dans  cette  ville.  Le  malheureux  y succomba 

J 

le  lendemain,  dans  un  accès  épileptique  qui 
dura  près  de  deux  heures. 

* 

Nécropsie.  Le  crâne  et  le  cerveau , vus  avec 
la  plus  scrupuleuse  attention  , n’offrent  rien  de 
remarquable.  Nous  voulions  nous  en  tenir  là  , 
lorsque  le  chirurgien,  ami  du  défunt,  nous  pro- 
posa d’examiner,  avec  le  même  détail , le  canal 
rachidien  j voici  ce  que  nous  y observâmes.  Les 
vaisseaux  étaient  très  considérablement  gorgés 
de  sang  ; tout  le  rachis  plein  de  sérosité  rougeâtre. 


3o8 


Nous  oublions  de  dire  que  le  cânal  vertébral 
était  comme  rétréci  vers  les  cinquième,  sixième 
et  septième  vertèbres  dorsales. 

Deuxieme  Fait . La  femme  d’un  pasteur  lu- 
thérien , jeune  encore  et  d’une  santé  brillante  , 
habitait  le  village  de  Rantzin , près  Greisswald 
( Poméranie  suédoise).  Poursuivie  par  des  soldats 
wurlembergeois  , qu’elle  avait  rencontrés  en  se 
promenant  , cette  dame  arrive  chez  elle  où  elle  ne 
trouve  personne.  Elle  court  dans  la  chambre  de  son 
mari  , s’arme  d’un  fusil  à deux  coups,  et  parvient, 
par  une  contenance  peu  familière  à son  sexe  , à 
mettre  ses  assaillans  en  fuite.  Voulant  replacer 
l’arme  dont  elle  s’était  si  courageusement  servie , 
elle  tombe  sur  un  angle  de  table,  qui  pénètre 
dans  les  parties  molles  du  dos  à un  demi* pouce 
de  profondeur.  Elle  a la  force  de  se  relever  mal- 
gré ses  douleurs  déchirantes,  et  d’aller  s’étendre 
sur  un  sofa. 

Son  mari  et  un  domestique  arrivent  et  la 
trouvent  dans  un  état  alarmant.  Ou  vient  nous 


3og 

chercher  à l’hôpital  <1’ Anklam.  Plusieurs  sai- 
gnées sont  pratiquées , des  ventouses  scarifiées 
appliquées  sur  l’épine , et  des  frictions  faites  avec 
de  l’eau  de  Cologne  sur  les  cuisses  et  les  jambes. 
La  plaie  est  convenablement  pansée  , et  quinze 
jours  suffisent  pour  mettre  fin  aux  souffrances 
de  cette  intrépide  Amazone.  Ce  ne  fut  qu’alors 
qu’elle  raconta  les  circonstances  de  son  aventure. 
Trois  mois  après  elle  fut  prise  d’épilepsie  , mala- 
die dont  elle  n’avait  jamais  éprouvé  d’atteinte, 
et  mourut  au  cinquième  accès. 

Nécropsie.  La  tête  ne  nous  laisse  rien  voir 
qui  puisse  fixer  notre  attention  ; mais  le  canal 
rachidien  est  occupé  par  une  grande  quantité  de 
liquide  brunâtre. 

D.  Epilepsie  idiopathique  dentaire. 

Les  dents  ont  aussi  des  nerfs  qui  leur  sont 
fournis  par  les  maxillaires  supérieur  et  inférieur, 
et  par  le  sous-orbitaire , tous  venant  de  la  cin- 
quième paire  , laquelle  naît  de  la  substance  grise 
du  cerveau. 


3io 


Les  nerfs  dentaires  peuvent  être  irrités , en— 
flammés,  etc.  , et  dès-lors  donner  lieu  à l’épi— 
lepsie. 

Premier  Fait.  Une  demoiselle  de  dix-sept  ans, 
saine , forte,  n’ayant  jamais  été  malade,  et  appar- 
tenant à des  parens  également  bien  portans , 
souffrait  d’une  dent  molaire  à peine  tachée.  Cette 
demoiselle  voulut  absolument  se  débarrasser  de 
la  cause  de  la  douleur. 

Un  dentiste  habile  se  refuse  à l’extraction,  et 
propose  la  cautérisation  , la  lime  , le  plombage  , 
etc.  La  demoiselle  se  refuse  à l’emploi  de  ces 
moyens , les  considérant  comme  au  moins  inu- 
tiles. Enfin  le  dentiste  fait  retentir,  aux  oreilles 
de  notre  jeune  entêtée,  les  mots  luxation , replan- 
tation ; la  demoiselle  se  fait  rendre  compte  de 
ces  deux  opérations  et  des  suites  qu’elles  peuvent 
avoir.  Elle  n’y  trouve  que,  des  avantages  et  s’y 
soumet.  La  dent  malade  est  luxée  à demi  et  raf- 
fermie de  nouveau  par  les  procédés  et  les  précau- 
tions connus. 


Le  lendemain  des  douleurs  surviennent  dans 
tout  le  coté  droit  de  la  tête  , plus  tard  des  spas- 
mes violons  , et  enfin  une  attaque  d’épilepsie  des 
plus  fortes.  La  malade  ne  voulut  plus  revoir  le 
dentiste.  Un  chirurgien  est  appelé  et  attribue  les 
accidens  à la  rupture  incomplète  du  nerf  de  la 
dent  qu’on  avait  luxée.  Tel  fut  également  notre 
avis.  La  dent  fut  extraite  sur-le-champ  -,  la  dou- 
leur fut  vive  , mais  aucun  accident  ne  se  renou- 
vela . 

i 

Deuxieme  Fait.  Un  avoué  , âgé  de  trente  ans, 
d’un  tempérament  nerveux,  n’ayant  jamais  été 
sérieusement  malade  , appartenant  à des  parens 
d’une  santé  parfaite,  est  contraint  de  se  faire  ex- 
traire une  dent  canine  très  noire.  Se  croyant  dé- 
figuré par  l’effet  que  produisait  l’intervalle  résul- 
tant de  l’absence  de  cette  dent , il  consulte  un 
dentiste , qui  lui  propose  une  dent  étrangère. 
L’avoué  accepte  \ nous  ne  savons  si  cette  dent 
provenait  de  la  mâchoire  d'un  client  mécontent  ; 
ce  qu’il  y a de  certain  , c’est  que  des  douleurs 
intenses  se  manifestent  le  lendemain  dans  tout  le 


3l  2 

coté  gauche  de  la  tète,  et  surtout  clans  l’arcade 
alvéolaire. 

Le  dentiste  est  appelé  , et  veut  enlever  la  dent 
intruse.  Le  malade,  aimant  mieux  souffrir  en- 
core que  d’être  défiguré  , repousse  cette  propo- 
sition. Deux  jours  après  , douleurs  intolérables, 
attaque  d’épilepsie.  La  dent  est  enlevée  et  les  ac- 
cidens  ne  reparaissent  plus. 

E.  Epilepsie  idiopathique  laryngée. 

Pi  ' emier  Fait.  Un  musicien  de  l’ancien  4°e 
régiment , s’etant  mis  mal  avec  ses  chefs  , et 
craignant  d’encourir  leur  disgrâce,  prend  le  parti 
de  se  détruire.  Il  s’arme  d’un  rasoir  et  se  fait 
une  incision  transversale  à la  partie  antérieure 
du  col.  Le  chirurgien  de  service  , appelé  , panse 
la  plaie  après  en  avoir  réuni  les  lèvres.  Quelques 
heures  après,  une  attaque  d’épilepsie  a lieu. 

Le  chirurgien-major , à sa  visite  , se  fait  rendre 
compte  de  ce  qui  s’était  passé,  fait  découvrir  la 
plaie  , et  incise  complètement  un  rameau  du  nerf 
laryngé,  (pii  n’avait  été  que  légèrement  intéressé. 


3 1 3 


La  plaie  esf  repansée  convenablement  , et  le 
blessé  guérit  en  peu  de  temps  sans  aucun  autre 
accident.  • 

Deuxieme  Fait.  M.  Es,....,  médecin  ordi- 
naire aux  armées  , reçoit  un  coup  d'épée  qui  pé- 
nètre dans  le  larynx.  Ce  docteur  n’avait  jamais 
été  malade  et  appartenait  à une  famille  bien  por- 
tante. Les  soins  les  plus  éclairés  , les  plus  assidus 
lui  sont  prodigués.  11  devient  épileptique  le  troi- 
sième jour  de  sa  blessure,  et  meurt  au  sixième 
accès  de  l’affection  nerveuse. 

Nécropsie.  Rien  dans  le  cerveau  ni  dans  la 
moelle  épinière.  Le  larynx , parcouru  avec  une 
attention  minutieuse,  laisse  apercevoir  le  rameau 

v 

interne  du  nerf  laryngé  ( entre  le  cartilage  thy- 
roïde et  l’os  hyoïde)  présentant  une  tumeur  occa- 
sionnée par  le  fer  qui  avait  pénétré  dans  cette 
partie. 

i < J • % 

F.  Epilepsie  idiopathique  pectorale . 

/ ail  unique.  François  T , officier  de  oui- 

«o 


9 


3i4 

rassiers  , âgé  Je  trente-neuf  ans , d’un  tempéra- 
ment sanguin-nerveux , ayant  les  muscles  sail— 
lans  , lit  une  chute  Je  cheval , et  eut  la  poitrine 
foulée  par  les  pieJs  Je  cet  animal.  Cet  officier  fut 
saigné  plusieurs  fois , et  n’en  resta  pas  moins  sujet 
à des  accès  d’épilepsie.  Il  ne  put  résister  à la 

septième  attaque  de  cette  maladie. 

/ 

Nécropsie.  L’intérieur  du  rachis  n’offre  pas  la 
plus  petite  lésion.  Les  organes  de  la  poitrine  sont 
sains  , mais  les  nerfs  principaux  de  cette  cavité 
présentent  un  développement  qu’on  ne  rencontre 
pas  ordinairement. 

G.  Epilepsie  idiopathique  abdominale . 

Ei  ‘emier  Fait.  Madame  Louise  de  C , âgée 

de  4i  ans  ; d’un  embonpoint  médiocre  , devient 
épileptique  à la  suite  d’une  querelle  avec  son 
mari  ? qui  la  renverse  et  lui  marche  sur  le  ventre. 
Cette  malheureuse  succombe  au  troisième  accès. 


Nécropsie.  Aucune  altération  des  organes 


contenus  clans  la  tête,  le  rachis  , la  poitrine  et  le 
bas-ventre  ; mais  le  système  nerveux  abdominal , 
les  nerfs  mésentériques,  surtout,  attestent , par 
quelques  lésions , qu’ils  ont  subi  un  ébranlement 
considérable. 

Deuxième  Fait.  Une  blanchisseuse  du  iqe  ré- 
giment, âgée  d’environ  30  ans,  d’un  tempéra- 
ment nerveux , d un  caractère  petuient , apparte- 
nant à une  famille  où  l’épilepsie  n’a  jamais  paru  , 
et  n ayant  pas  connu  elle-même  cette  maladie  , 
reçut,  au  siège  de  Dantzik , un  coup  de  sabre 
d’un  soldat  pris  de  boisson.  La  plaie  pénétrait 
dans  l’intérieur  du  ventre.  Les  saignées  fréquen- 
tes , et  les  autres  moyens  employés  en  pareil  cas  , 
parvinrent  à remettre  cette  femme,  sinon  corn- 
ph  tement  , assez  bien  du  moins  pour  qu’elle 
put  continuer  son  métier.  Un  mois  après  elle 
tomba  dans  un  accès  d’épilepsie , qui  se  renouvela 
douze  fois  en  trois  jours  - enfin  cette  malheu- 
reuse succombe. 


JS écropsie.  Toutes  les  cavités  principales  sont 


Ltü.. 


3i6 


examinées  sans  offrir  la  moindre  altération  orga- 
nique. Nous  trouvâmes  cependant.,  en  parcou- 
rant l’abdomen  , le  plexus  mésentérique  supé- 
rieur à moitié  divisé. 

Troisième  Fait.  Un  tambour  de  l’ex-garde 
impériale,  âgé  de  ans,  d’une  petite  stature, 
d’un  tempérament  nervoso-sanguin  , reçoit  en 
duel  un  coup  d’épée  qui  pénètre  dans  le  ventre 
jusqu’à  la  deuxième  vertèbre  lombaire. 

Ce  militaire , couvert  de  blessures  , quoique 
jeune  encore , n’avait  cependant  jamais  ressenti 
d’affection  spasmodique.  Il  fut  convenablement 
soigné  de  son  nouveau  coup  d’épée,  et  en  guérit 
en  moins  de  deux  mois,  au  bout  desquels  il  fut 
atteint  d’un  premier  accès  d’épilepsie.  Les  moyens 
connus  sont  inutilement  employés  ; il  meurt 
à la  sixième  attaque  de  cette  affection. 

Nécropsie.  Rien  d’extraordinaire  dans  les  trois 
grandes  cavités  , ni  dans  le  rachis  ; mais  la 
première'  paire  de  nerfs  lombaires  est  fortement 


développée.  Elle  présentait  meme  une  grosseur 
qui  semblait  annoncer  que  la  pointe  du  fer  l’avait 
piquée. 

//.  Epilepsie  idiopathique  génitale. 

Premier  Fait.  Etienne  R... , officier  au  1 8e  ré- 
giment de  ligne,  âgé  de  07  ans,  avait  toujours 
joui  d’une  bonne  santé  , quoique  nerveux.  Il 
reçut,  à l’affaire  du  18  octobre  1 8 1 3 , devant 
Leipsick  , un  coup  de  mitraille  qui  lui  enleva 
toutes  les  parties  génitales  extérieures.  Deux 
heures  après  , un  violent  accès  d’épilepsie  se 
manifeste.  La  plaie  est  réduite  autant  que  pos- 
sible à l’état  de  plaie  simple.  Il  guérit  parfaite- 
ment de  cette  blessure  , mais  il  resta  épileptique 
pendant  six  mois,  au  bout  desquels  il  succomba 
dans  une  attaque  plus  forte  que  la  première. 

Nécropsie.  La  tête , le  rachis  , la  poitrine  , 
l’estomac  , le  ventre  et  tous  les  viscères  qu’il 
renferme , sont  examinés  avec  soin  , et  ne  pré- 
sentent rien  qui  indique  la  cause  de  l’épilepsie , 


que  nous  nommerons  traumatique , puisqu’elle 
s’est  déclarée  immédiatement  après  la  blessure, 
qui  dut  imprimer  un  ébranlement  considérable 
au  système  nerveux. 

Deuxième  Fait.  M!»e  veuve  V , âgée  de 

53  ans,  se  décide  à se  faire  extirper  un  polype 
utérin.  Nous  ignorons  ce  qui  se  passa  pendant 
l’opération  , qui  lit  cruellement  souffrir  la  ma- 
lade , par  les  décbiremens  quelle  nous  dit  avoir 
ressentis,  mais  nous  savons  positivement  qu’elle 
n’éprouva  son  premier  accès  épileptique  que  le 
lendemain  de  l’opération  qu’elle  venait  de  subir. 
Cette  femme  succomba  au  dix-huitième  accès. 

i 

JYécropsie.  Rien  d’extraordinaire  dans  les 
cavités  principales.  L’utérus  seul  présente  des 
ulcérations  profondes,  suite  inévitable  des  solu- 
tions de  continuité  produites  dans  cet  organe, 
par  les  tractions  exercées  sur  sa  surface  mu- 
queuse , au  moyen  des  inslrumens  ou  des  mains 
du  chirurgien  qui  avait  opéré  la  malade. 


Troisième  Fait.  Un  comte  russe  , âgé  de 


3iq 

47  ans  , d’une  constitution  robuste  , reçut  un 
coup  de  pied  de  clieval  sur  les  parties  génitales, 
qui  donna  lieu  à une  vive  inllammation  de  ces 
parties  , et  par  suite  à un  double  sarcocèle 
énorme.  L’opération  que  l’on  pratique  en  pareil 
cas  est  proposée  , le  malade  s’y  décide  et  la  sup- 
porte avec  courage.  La  cicatrisation  de  la  plaie 
est  promptement  amenée.  Il  restait  cependant 
quelques  spasmes  dans  cette  région,  qui  furent 
combattus  par  les  moyens  connus.  L’épilepsie 
s’est  enfin  déclarée , et  a été  guérie  au  huitième 
accès,  par  l’eau  de  laurier-cerise  portée  à deux 
onces  par  jour. 

I.  Epilepsie  idiopathique  crurale. 

Fait  unique.  Un  grenadier  à cheval  de  l’cx- 
garde  impériale , ayant  toujours  été  bien  portant, 
reçoit , à la  bataille  de  Lutzen  , un  coup  de 
lance  qui  ouvre  l’artère  crurale  (du  côté  droit) 
à sa  partie  supérieure. 

Le  chirurgien  consulté  fait  la  ligature  de  ce 


3 20 


vaisseau  , et  au  moment  même  où  il  serre  le  lil , 
le  blessé  tombe  clans  une  attaque  d’épilepsie  qui 
se  reproduit  six  lois  en  vingt-quatre  heures. 

Un  autre  chirurgien  est  appelé.  Il  présume  que 
le  blet  du  nerf  qui  accompagne  l’artère  crurale 
dans  cette  partie  de  la  cuisse,  a été  compris  dans 
la  ligature  , et  propose  de  revenir  à l’opération, 
pour  tâcher  de  séparer , s’il  est  encore  possible , 
le  nerf  de  l’artère.  Cet  avis  fut  suivi , la  sépara- 
tion fut  faite,  la  ligature  de  l’artère  seule  eut 
lieu  , et  le  malade  cessa  d’éprouver  des  attaques 
d’épilepsie. 

On  ne  manquera  pas  de  nous  dire  que , d’a- 
près notre  manière  de  voir,  il  existe  autant 
d’épilepsies  idiopathiques  que  nous  avons  de 
troncs,  et  même  de  filets  nerveux  accessibles  aux 
agens  extérieurs  , et  qu’alors  nous  aurions  du 
faire  mention  des  épilepsies  brachiale  , cubitale , 
tibiale , etc.,  etc.  Nous  soutenons,  en  effet,  la 
première  proposition  ; mais  n ayant  jamais  ob- 
servé d’autres  épilepsies  idiopathiques  que  celles 


que  nous  avons  exposées  dans  cet  essai , et  vou- 
lant ne  pas  nous  écarter  de  la  résolution  que 
nous  avons  prise  de  ne  rapporter  que  ce  que  nous 
avons  vu,  nous  nous  sommes  renfermé  stricte- 

r 

ment  dans  les  faits  qui  se  sont  passés  sous  nos 
yeux,  afin  qu’on  ne  puisse  pas  nous  les  contester. 


. 


V '• 


. 

■ 


l 


. 


\ 


. 


I 


$=j» ne(  o^Ç  of=?  0^foÇ=2  o^t  0^ 


CHAPITRE  III. 

Épilepsies  idiopathiques  produites  par  des 
causes  morales. 

i 

Premier  Fait.  Deux  officiers  d’un  régiment  de 
chasseurs  à cheval  se  battent  en  duel,  à la  suite 
d’une  vive  discussion  sur  un  sujet  excessivement 
futile. 

L’un  d’eux  (n’ayant  jamais  été  sérieusement 
indisposé,  et  appartenant  à une  famille  saine), 
ne  pouvant  atteindre  son  adversaire,  jette  son 
épée , et  éprouve  un  accès  de  colère  qui  déter- 
mine soudain  une  attaque  d’épilepsie. 

Saignée  considérable  du  pied  gauche.  Le  len- 
demain, nouvelle  attaque  $ le  malade  est  encore 
saigné  des  deux  pieds. 

Deux  jours  après,  attaque  moins  intense.  Sai- 
gnée de  la  jugulaire.  Cette  attaque  fut  la  der- 
nière, et  cet  officier  promit  de  se  corriger.  Nous 


324 

l’avons  revu  effectivement  dans  un  état  de  santé 
satisfaisant,  dix  ans  après  son  aventure. 

Deuxieme  Fait.  Un  officier  anglais  se  bat  en 
duel  avec  un  élève  en  droit  de  l’école  de  Paris. 
Le  sort  favorise  ce  dernier  ; en  conséquence  il 
fait  feu  sur  l’officier;  la  balle  passe  à très  peu 
de  distance  de  l’oreille  droite.  L’officier  tombe 
sur-le-champ  dans  une  attaque  d’épilepsie  ef- 
froyable. 

Un  élève  en  médecine,  témoin  de  l’elève  en 
droit,  ouvre  la  jugulaire  droite  de  l’officier, 
qui  revient  insensiblement , et  remercie  ces  mes- 
sieurs en  les  priant  de  lui  raconter  ce  qui  lui  est 
arrivé.  Au  récit  qui  lui  est  fait  sur  sa  demande , 
il  tombe  de  nouveau  dans  un  accès  épileptique, 
se  coupe  la  langue  et  se  casse  deux  dents  inci- 
sives. 

Saignée  de  la  jugulaire  et  du  pied.  Le  ma- 
lade revient  encore  à mesure  que  le  sang  coule. 
On  le  transporte  chez  lui , où  il  ne  tarde  pas 


a se  rétablir.  Il  déclara  que  jamais  ni  lui , ni 
aucun  des  siens  n’avait  éprouvé  de  semblables 
choses. 

Ti  'oisième  Fait.  Une  demoiselle  , nommée 

Victorine  B , âgée  de  ans  ; issue  d’une 

famille  saine  d’un  caractère  gai  et  doux  7 tra- 
versant le  Cliamp-de-Mars  , est  surprise  par  une 
dét  onna  lion  de  plusieurs  coups  de  canon  qui 
la  fait  tomber  dans  une  violente  attaque  d’épi- 
lepsie. 

Le  lendemain  elle  éprouve  un  second  accès 
de  cette  maladie  et  meurt. 

Nécropsie.  Un  peu  de  sang  épanché  entre 
l’arachnoïde  et  la  dure-mère  ; une  quantité  assez 
considérable  à la  base  du  crâne. 

Lés  vaisseaux  de  la  pie-mère  sont  fortement 
injectés.  Les  ventricules  latéraux  sont  remplis  de 
sang.  La  substance  cérébrale  est  également  très 
injectée  et  ferme. 


3 aG 

i 

Quatrième  Fait . Une  demoiselle  , âgée  de 
ar  ans  , bien  porlante  , apprend  qu’une  de  ses 
amies  est  dans  le  malheur  sans  pouvoir  la  secou- 
rir. Aussitôt  elle  s’affecte  , devient  triste , mo- 
rose ; elle  pâlit,  maigrit , et  finit  par  devenir 
épileptique. 

Un  vénérable  ecclesiastique  , qui  avait  fait 
germer  dans  ce  jeune  cœur  les  vertus  les  plus 
touchantes , trouve  le  moyen  de  venir  au  secours 
de  l’amie  de  la  malade.  Cette  dernière  est  pru- 
demment instruite  du  changement  avantageux 
qui  s’est  opéré  dans  la  position  de  son  amie. 
La  gaîté  renaît  aussitôt  , et  quelques  jours  suffi- 
sent pour  rétablir  entièrement  la  malade  , qui 
avait  éprouvé  déjà  sept  accès  épileptiques  en  très 
peu  de  jours. 

Cinquième  Fait.  Un  jeune  colonel  de  dragons, 
Prussien  d’origine  , appartenant  à une  famille 
saine  , et  n’ayant  lui-même  jamais  été  atteint 
d’aucune  maladie  sérieuse  , conçoit  un  amour 
passionné  pour  une  jeune  veuve  polonaise. 


3 27 

Un  jour  il  rencontre  un  lieutenant  de  hussards 
français  chez  celle  dont  il  sollicitait  vivement  la 
main.  Il  sort  sans  dire  mot,  rentre  chez  lui,  et 
de  vient  rêveur  au  point  de  donner  de  l’inquié- 
tude à ses  parens. 

Tout-à-coup  on  l’entend  jurer  contre  les  Fran- 
çais , et  tomber  dans  une  attaque  d’épilepsie 
effrayante.  Il  éprouva  plusieurs  accès  successifs 
de  cette  maladie. 

La  jeune  veuve  en  fut  instruite  et  affectée. 
L’officier  français  fut  obligé  de  partir. 

Le  colonel  se  fit  conduire  auprès  de  la  veuve. 
Un  entretien  eut  lieu,  le  mariage  s’en  suivit,  et 
la  guérison  fut  complète. 

Sixième  Fait.  Un  négociant,  qui  avait  joui 
d’une  fortune  considérable,  est  plongé  dans  la 
plus  affreuse  misère,  et  devient  aussitôt  épilep- 
tique. La  maladie  paraît  terrible,  les  accès  se 
rapprochent,  et  au  bout  de  six  mois  d’horribles 
souffrances  , ce  malheureux  cesse  d’exister. 


Nécropsic.  La  dure-mère  est  injectée  et  adhé- 
rente à plusieurs  points  des  parois  du  crâne. 

Epanchement  considérable  de  sérosité  entre 
les  membranes  arachnoïde  et  pie-mère , à la  base 
du  crâne  et  dans  le  canal  rachidien.  Les  quatre 
ventricules  sont  fortement  distendus  par  une 
sérosité  légèrement  sanguinolente.  Tout  était  sain 
dans  la  poitrine,  l’estomac  et  l’abdomen. 

Septième  Fait.  Un  jeune  homme  sain  et  ro- 
buste, issu  d’une  famille  qui  fut  toujours  bien 
portante  , conçoit  une  passion  vive  pour  une 
demoiselle  qu’il  ne  peut  obtenir  en  mariage.  Il 
tombe  en  épilepsie.  A la  mort  du  père  de  la 
demoiselle  , notre  jeune  homme  conçoit  un  nou- 
vel espoir,  mais  il  éprouve  toujours  de  fréquens 
accès  d’épilepsie.  Enfin  il  obtient  la  main  qu’il 
recherchait  depuis  deux  ans  avec  une  persévé- 
rence  rare  , aussitôt  la  maladie  cesse  , et  aujour- 
d’hui, cinquième  année  de  son  mariage,  il  jouit 
d’une  santé  parfaite. 

Huitième  Fait.  Une  dame  de  27  ans  reçoit  la 


nouvelle  que  son  mari  vient  de  mourir  dans  une 
bataille;  elle  devient  tout-à-coup  épileptique, 
sans  avoir  jamais  été  atteinte  de  cette  névrose. 

La  malade  reste  dans  cet  état  pendant  quinze 
jours  , au  bout  desquels  on  vient  lui  annoncer 
qu’il  y a eu  erreur  de  nom  et  que  son  mari  existe. 
Elle  n’en  croit  rien,  et  continue  d’éprouver  des 
accès  d’épilepsie.  Enfin  son  mari  arrive  , et  avec 
lui  la  guérison  complète  de  la  malade. 

Neuvième  Fait.  Un  ofïicier  du  génie  , âgé 
de  32  ans  , bien  portant  et  l’ayant  toujours  été, 
conçoit  l’idée  de  composer  un  poème,  intitulé 
Austerlitz.  Il  avait  lui-même  assisté  à cette  af- 
faire si  glorieuse  pour  les  armes  françaises.  Il 
travaille  , met  et  remet  sans  cesse  sur  le  métier, 
il  n’est  point  satisfait. 

Une  attaque  d epilepsie  a lieu  ; elle  se  renou- 
velle vingt  fois  ; le  malade  succombe  au  vingL- 
unième  accès. 


Necropsie.  Adhérence  des  deux  portions  de 


33o 


l’arachnoïde  qui  recouvrent  les  deux  hémisphè- 
res , près  de  la  grande  scissure. 

Quantité  de  sérosité  épanchée  à la  base  du 
crâne.  Pie-mère  très  rouge  et  très  injectée. 

\ 

* 

Dixième  Fait.  Un  marchand  plombier,  bien 
portant,  âgé  de  47  ans,  voit  sa  fortune  s’ac- 
croître considérablement  par  d’heureuses  spécu- 
lations. Il  devient  épileptique,  et  meurt  au  trei- 
zième accès. 


Néci'opsie.  Adhérence  des  membranes  du  cer- 
veau entr’eiles  et  à différées  points  du  crâne  et 
du  cerveau. 

Épanchement  considérable  de  sérosité  dans 
les  ventricules  latéraux  et  à la  base  du  crâne. 

Cerveau  sain  , ainsi  que  les  viscères  tliora- 
c biques  et  abdominaux. 


CHAPITRE  IV. 

È /,'ilepsies  sjmpath iques. 

On  doit  entendre  par  épilepsie  sympathique  , 
celle  qui  dépend  de  l’état  de  maladie  d’un 
organe  ? ou  d’un  appareil  d’organes  quelconques. 

Fidèle  à la  marche  que  nous  avons  adoptée , 
nous  nous  contenterons  de  citer  des  obser va- 
lions recueillies  par  nous , ou  par  des  médecins  , 
dans  la  véracité  desquels  nous  avons  une  con- 
fiance entière.  C’est  dans  cette  espèce  d’épilepsie 
que  nous  avons  eu  des  succès  satisfaisans , et  dont 
quelques  feuilles  publiques  ont  déjà  rendu  compte. 
Beaucoup  de  familles  nous  ont  consulté  depuis 
deux  ans.  Plusieurs  se  sont  bien  trouvées  des 
moyens  que  nous  employons , quoiqu’elles  soient 
très  éloignées , et  qu’elles  ne  nous  aient  fait  con- 
naître leurs  épileptiques  que  par  des  mémoires 
ou  des  notes  plus  ou  moins  infidèles.  Nous  nous 
abstiendrons  de  faire  imprimer  ici  les  copies  des 


33a 


lettres  de  remercîmens  qui  nous  ont  été  adres- 
sées. Celte  espèce  de  vanité  cadrerait  peu  avec 
l’intention  que  nous  avons  déjà  énoncée  , de 
n’écrire  que  pour  être  utile  à l’humanité. 

Si  cependant  on  doutait  des  avantages  que 
nous  avons  obtenus  sur  une  maladie  jusqu’ici 
rebelle  à beaucoup  de  tentatives  , nous  offrons 
de  communiquer  ces  lettres. 

Nous  dirons  avec  la  même  franchise  , que 
d’autres  personnes  n’ont  pas  eu  le  même  bon- 
heur , et  qu’en  conséquence  elles  ont  accusé 
d’impuissance  le  traitement  auquel  nous  les 
avions  soumises  sans  les  voir. 

Nous  avons  répondu  à ces  plaintes  : i°  Que 
nous  n’avons  jamais  prétendu  réussir  constam- 
ment dans  le  traitement  de  l’épilepsie , même 
sympathique. 

0.0  Qu’autre  chose  est  de  voir  un  malade,  ou 
de  lui  envoyer  un  régime  à suivre  sur  une  simple 
lettre,  ce  que  nous  n’avons  jamais  refusé. 


333 


3 o Que  les  médecins  chargés  de  diriger  noire 
licitement,  n’ont  pas  toujours  suivi  la  méthode 
indiquée,  peut-être  pour  des  raisons  plausibles. 
Ainsi  les  uns  ont  employé  la  feuille  d’armoise  au 
lieu  de  la  racine  ; les  autres  ont  prescrit  l’eau 
distillée  de  feuilles  de  laurier-cerise  à haute 
dose , tandis  qu’il  faut  commencer  par  une  quan- 
tité très  minime , et  arriver  progressivement  à 
une  plus  considérable. 

D’autres  enfin  ont  négligé  de  prescrire  les  im- 
mersions de  la  tête  dans  l’eau  froide  , le  bracelet 
aimanté,  les  mooca , etc.  , etc.  , et  à ce  sujet 
nous  pourrions  citer  ce  jeune  homme  du  dépar- 
tement du  Morbihan  , qu’un  médecin  venait  de 
soigner  , sans  succès  , par  les  moyêns  que  nous 
mettons  en  usage. 

Sur  les  reproches  que  nous  adressa  notre  con- 
frère , nous  lui  proposâmes  de  nous  confier  son 
malade.  C’est  à Paris  que  ce  dernier  fut  établi  ,• 
il  est  au  sixième  mois  de  son  traitement , il  y en 
a trois  qu’il  n’a  rien  éprouvé  j tandis  qu’aupara- 


vaut  il  avait  trois  ou  quatre  accès  clans  les  vingt- 
quatre  heures. 

A . Epilepsie  sympathique  sanguine. 

Pi  'entier  Fait.  Un  chevalier  de  Saint-Louis,  du 
département  de  l’Orne , nous  écrivit , il  y a un  an , 
pour  nous  demander  un  régime  et  un  traitement 
capables  de  le  débarrasser  de  quelques  attaques 
de  nerfs  qui  lui  rendaient  la  vie  insupportable. 

Nous  l’engageâmes  à venir  nous  voir,  ou  à 
faire  parvenir  un  mémoire  sur  son  âge  , sa  cons- 
titution , les  maladies  auxquelles  avaient  pu  être 
sujets  , son  père  , sa  mère , sa  nourrice  ; celles 
qu’il  avait  éprouvées  lui-même  dans  son  enfance 
et  depuis  ; les  médicamcns  dont  il  avait  fait 
usage  ; les  excès  auxquels  il  s’était  livré  , etc. 
Le  mémoire  nous  fut  envoyé  , et  nous  crûmes  y 
remarquer  que  l’épilepsie  à laquelle  le  malade  ne 
donnait  pas  ce  nom  , mais  que  son  médecin  qua- 
lifiait ainsi  , tenait  à la  difficulté  qu’on  avait 
depuis  long-temps  à entretenir  le  flux  hémor- 
roïdal. 


335 


Un  régime  doux  et  rafraîchissant,  des  dou- 
ches ascendantes  dirigées  vers  l’anus,  quelques 
sangsues  appliquées  tous  les  mois  à cette  partie , 
l’usage  de  la  poudre  de  racine  d'armoise  et  de 
l’eau  distillée  de  feuilles  de  laurier-cerise  , sont 
parvenus  à rétablir  presque  périodiquement  l’é- 
coulement supprimé,  et  le  malade  n’a  plus  res- 
senti d’attaques  d’épilepsie. 

L’eau  distillée  de  laurier-cerise  est  diurétique, 
narcotique,  anti-spasmodique.  C’est  Thilénius  , 
médecin  allemand,  qui,  le  premier,  a employé 
cette  eau  distillée  dans  les  affections  nerveuses. 

Fontana,  Va  ter , Murray,  Langrisch,  Schaub, 
John  Spardow  de  Celiece,  prétendent  que  l’eau 
distillée  des  feuilles  de  cette  plante  n’est  pas  véné- 
neuse ; nous  ne  pensons  pas  ainsi  à ce  sujet  , ne 
fùt-ce  qu’eu  égard  à la  susceptibilité  individuelle, 
qu’on  ne  considère  pas  assez  dans  l’administration 
des  remèdes  dangereux. 


\ 


Deuxieme  Fait.  Une  demoiselle  du  départe- 


336- 


ment  de  l’Hérault , âgée  de  29  ans  > issue  d'uue 
famille  saine , privée  , depuis  un  an  , du  flux 
menstruel , devient  épileptique. 

Elle  nous  fut  présentée  il  y a dix-liuit  mois  ; 
nous  la  trouvâmes  en  très  bon  état  de  santé  , à la 
suppression  près.  Au  moment  où  nous  la  ques- 
tionnions , elle  éprouva  un  mouvement  dans  la 
région  sus  - pubienne.  Elle  nous  dit  aussitôt  : 
« Voilà  que  cela  me  prend , cela  me  monte.  » 
Son  père  , qui  se  trouvait  présent , lui  souffla 
fortement  dans  la  figure , en  la  rapprochant  de  la 
fenêtre  qui  était  ouverte.  L’accès  se  borna  là  j 
mais  la  malade  était  étourdie  et  triste. 

Un  régime  alimentaire  entièrement  végétal  , 
un  exercice  soutenu  , les  saignées  du  pied  , 1 u- 
sage  de  la  poudre  de  racine  d’armoise  et  de  l’eau 
distillée  de  feuilles  de  laurier-cerise  , les  bains 
de  siège  dans  une  forte  décoction  d’armoise,  les 
douches  sur  le  bas-ventre , l’emploi  du  prussiate 
de  fer  à très  petite  dose , etc. , ont  rétabli  l’écou- 
lement, et  l’épilepsie  a cessé.  Cette  demoiselle 


337 

est  aujourd’hui  bien  portante  et  près  de  se 
marier. 

Troisième  Fait.  Un  pharmacien  de  Paris,  âgé 
de  48  ans  , fort , vigoureux  , né  de  parens  sains  , 
et  ayant  été  nourri  par  une  femme  d’une  santé 
parfaite,  éprouvait  tous  les  huit  jours,  depuis 
près  de  vingt  ans  , deux  et  quelquefois  trois 
attaques  d’épilepsie  , sans  qu’on  eût  jamais  pu  en 
découvrir  la  cause. 

Nous  le  questionnâmes  à différentes  reprises, 
sans  obtenir  aucun  renseignement  satisfaisant;  il 
se  rappela  enfin  qu’avant  d’être  atteint  de  cette 
maladie , il  était  sujet  à une  hémorragie  habi- 
tuelle du  nez. 

Nous  lui  conseillâmes  aussitôt  une  saignée  du 

O 

pied  chaque  mois  ; un  régime  délayant  , l’ar- 
moise et  le  laurier-cerise  ; ses  attaques  ont  dis- 
paru. Il  est  bien  maintenant  et  continue  les  mêmes 
moyens  , par  reconnaissance , nous  a-t-il  dit. 

Troisième  Fait.  Un  orfèvre  de  Paris , âgé 


338 


de  4 3 ans  , bien  portant , mais  ayant  les  jambes 
couvertes  d’énormes  varices  , se  fait  appliquer 
sur  ces  extrémités  un  bandage  roulé  et  fortement 
serré. 

Les  varices  disparaissent  et  l’epiiepsie  se  dé- 
claré. Celte  maladie  n’a  cessé  que  lorsque  les 
jambes  ont  été  reprises  de  varices , rappelées  par 
les  bains  de  vapeur  émolliente  , 1 exercice , etc. 

B.  Épilesie  sympathique  lymphatique. 

Premier  Fait.  Un  jeune  liomme  , âgé  de 
iq  ans  , scrofuleux  a 1 exces  , devient  epileptique. 
Il  nous  est  présenté  le  2 2 mars  i825.  La  jambe 
droite  et  le  pied  du  même  côté  sont  couverts 
d’ulcères  fournissant  un  pus  blanc  et  épais. 

Nous  conseillâmes  un  régime  substantiel , les 
viandes  noires  surtout , les  gelées  de  viande  , un 
peu  de  vin  de  Bordeaux;  lair  de  la  campagne, 
les  martiaux,  la  tisane  de  Feltz,  etc.  Mais  les 
parens  nous  dirent  que  le  malade  désirait,  en 


339 

attendant  l’effet  de  ces  moyens , qu’on  lui  indi- 
quât celui  d’empêcher  les  accès  épileptiques  d’être 
aussi  fréquens  ( il  en  éprouvait  jusqu’à  cinq  par 
jour).  L’aura  epileptica  partait  de  la  jambe  ma- 
lade , suivait  la  cuisse,  le  tronc  , arrivait  succes- 
sivement à la  tête , et  faisait  tomber  le  malade 
dans  des  convulsions  affreuses.  Nous  prescri- 
vîmes alors  l’usage  d’un  bracelet  aimanté  appli- 
qué à la  partie  moyenne  de  la  cuisse  droite.  À 
1 approche  de  l’accès , on  serrait  violemment  le 
bracelet;  le  malade  était  engourdi  , mais  l’atta- 
que n’avait  pas  lieu. 

Cette  manière  d’empêcher  la  communication 
avec  le  cerveau  est  presqu’infaillible. 

Il  y a trois  mois  que  ce  jeune  homme  est  en- 
tièrement remis  de  tous  ses  maux  et  se  propose 
de  voyager  , ce  à quoi  nous  nous  garderons  bien 
de  nous  opposer. 


Deuxième  Fait . Une  jeune  dame  , mère  de 
deux  enfans  bien  portans , n’ayant  jamais  elle- 


même  été  madade , est  tout-à-coup  affectée  de 
chlorose. 

Elle  maigrit , pâlit , et  finit  par  devenir  épi- 
leptique. On  cherche  , mais  en  vain  , à faire  cesser 
la  cause  de  cette  maladie. 

Les  injections  de  décoction  de  tan  , l’usage  du 
prussiale  de  fer,  sont  conseillés  , ainsi  qu’un 
régime  alimentaire  fortifiant , les  bains  de  mer  , 
etc.  ; la  malade  guérit  au  bout  de  six  mois  , et 
engraisse  à en  être  effrayée. 

Ti  'oisïeme  Fait.  Un  officier  de  la  garde 
royale  , âgé  de  28  ans  , arrive  lentement  au  der- 
nier degré  du  rachitisme , sans  qu’on  puisse  en 
découvrir  la  cause.  L’épilepsie  se  déclare  d’une 
manière  aussi  terrible  que  soudaine. 

Questionné  sur  toutes  les  circonstances  qui  ont 
pu  donner  lieu  à cette  affection  , cet  officier 
répond  n’avoir  rien  fait  qui  puisse  avoir  déter- 
miné ce  déplorable  état.  Un  médecin  renommé 
de  la  capitale,  conseille  d’abandonner  le  malade 


34 1 

aux  efforts  de  la  nature,  en  ordonnant  toutefois 
la  diète  blanche.  Nous  sommes  appelé  en  con- 
sultation avec  un  autre  médecin  moins  renommé, 
mais  non  moins  habile  que  le  premier  : il  propose 
le  régime  fortifiant,  les  martiaux  , les  bains  aro- 
matiques, et  plusieurs  moxa  sur  toute  la  colonne 
épinière,  l’air  de  la  campagne  , les  frictions  sur 
les  membres  avec  la  teinture  de  quinquina  , etc. 
Nous  nous  rendîmes  à cet  avis,  sans  rien  ajouter, 
et  nous  pouvons  assurer  n’avoir  jamais  été  témoin 
d’une  victoire  aussi  complète.  Ce  traitement  a 
duré  un  an.  L’officier  se  porte  à merveille. 

«/ 

Quatrième  Fait.  Un  enfant  de  huit  ans  , avant 
toujours  été  bien  portant , né  de  parens  parfaite- 
ment sains  , est  tout-à-coup  atteint  d’une  teigne 
faveuse  , qui  envahit  successivement  tout  le  cuir 
chevelu,  et  le  huitième  jour  de  cette  invasion 
le  malade  est  frappé  d’épilepsie. 

Un  médecin  de  nos  amis  est  consulté  et  pro- 
pose , sur-le-champ,  d’attaquer  la  teigne  par 
les  préparations  sulfureuses  prises  intérieure- 


342 

ment  et  administrées  sous  forme  de  douches  sur 
la  tête  , etc. 

•7  / 

Six  mois  suffisent  pour  obtenir  la  guérison  de 
la  teigne  et  de  l’épilepsie. 

Cinquième  Fait.  Un  inaréchal-de-camp , âgé 
de  53  ans  , d’une  santé  robuste , ayant  enté 
plusieurs  gales  les  unes  sur  les  autres  , sans  en 
traiter  aucune  à fond  , est  affecté  d’épilepsie. 

Le  médecin  appelé  attaque  cette  maladie  par 
tous  les  anti-spasmodiques  , les  saignées  , etc.  , 
sans  aucun  égard  pour  la  maladie  de  la  peau, 
qu’il  veut , dit-il , laisser  exister  pour  obtenir 
plus  facilement  la  guérison  de  l’affection  ner- 
veuse. Efforts  inutiles  et  prolongés  , l’épilepsie 
persiste.  Un  médecin  de  Paris  est  consulté,  et 
cherche  à débarrasser  le  général  d’une  gale  qui , 
négligée  , est  devenue  chronique , et  a pu  occa- 
sionner l’épilepsie.  Il  y parvient  effectivement 
par  le  régime  lacté , et  cent  deux  bains  de  vapeur 
sulfureuse. 

L’épilepsie  a disparu  presqu’en  même  temps 


343 

que  la  maladie  de  peau  qui  existait  depuis  plu- 
sieurs années  , malgré  divers  trailemens. 

Sixième  Fait.  Une  dame  hollandaise  > âgée 
de  vingt-neuf  ans,  née  de  parens  non  épilepti- 
ques, mais  goutteux,  éprouve  en  même  temps 
qu’un  accès  de  goutte,  une  attaque  d’épilepsie, 
qui  se  reproduisit  ensuite  chaque  fois  que  cette 
dame  se  ressentait  de  la  première  maladie. 

Un  des  plus  anciens  médecins  de  la  capitale 
est  consulté  : il  ordonne  l’air  de  la  campagne, 
l’usage  de  la  flanelle  et  des  bas  de  laine,  le  ré- 
gime lacté. 

Les  accès  de  goutte  et  d’épilepsie  s’éloignent , 
et  finissent  par  ne  revenir  que  lorsque  la  malade 
commet  quelques  écarts  dans  le  régime  si  sage- 
ment prescrit. 

Cette  dame,  que  nous  avons  vue,  se  recon- 
naîtra peut-être  ici.  Nous  l’eqgageons  à persévé- 
rer dans  ces  moyens,  et  à ne  pas  se  livrer  à d’au- 
tres tentatives. 


Septième  Fait.  Un  officier  d’artillerie , âgé 
de  4r  ans,  atteint  d’ulcères  scorbutiques  aux 
jambes , fait  tous  scs  efforts  pour  se  débarrasser 
de  ces  ulcères.  Ne  pouvant  y parvenir  , il  se  dé- 
cide a les  abandonner  à eux-mêmes.  Il  ne  tarde 
pas  à éprouver  un  premier  accès  d’épilepsie. 
Cette  maladie  se  renouvelle  tous  les  deux  jours. 
Ce  militaire  va  consulter  le  célèbre  Béclard , que 
les  sciences  médicales  regretteront  long-temps. 
Ce  médecin  a ttaque  à fond  la  maladie  scorbuti- 
que par  un  traitement  interne  et  des  remèdes 
locaux.  Le  malade  fut  guéri  de  tous  ses  maux 
après  un  an  de  soins  bien  dirigés. 

Monsieur  Béclard  nous  raconta  lui-même  cette 
observation , la  dernière  fois  qu’il  vint  présider 
le  jury  médical  de  Seine-et-Oise. 

Huitième  Fait.  Voici  un  fait  excessivement 
intéressant,  et  qui  est  connu  de  plusieurs  méde- 
cins de  Paris.  Un  notaire  contracte  une  affec- 
tion siphilitique  qu’il  communique  à sa  femme. 
Jusqu’alors  ce  couple  malencontreux  avait  joui 


<]\ine  bonne  santé  , ses  païens  étaient  parlai- 
tement  sains. 


Un  médecin  est  consulté  et  propose  sur-le- 
champ  les  mercuriaux.  A ce  mot,  les  époux  pro- 
testent qu  ils  \ eu  lent  cire  traites  par  la  salsepa- 
reille , et  que  jamais  un  atome  de  mercure  ne 
seia  pi  îs  par  eux.  La  salsepareille  est  donc  admi- 
nistrée sous  forme  de  tisane , de  sirop  et  d’es- 
sence. Six  mois  s’écoulent  sans  qu’aucun  chan- 
gement, ni  en  bien  ni  en  mal,  s’opère  dans 
leur  état.  Iis  ont  cependant  pris  une  quantité 
prodigieuse  de  salsepareille  , sans  en  mourir, 
contre  l’opinion  de  quelques  esprits  bizarres  ou 
par  trop  étroits. 

Tout— à-coup  le  mari  est  atteint  d’épilepsie , et, 
huit  jours  après,  la  femme  éprouve  la  même  ma- 
ladie. On  va  peut-être  croire  encore  que  cette 
pauvre  salsepareille  a causé  cette  affreuse  né- 
vrose. Pas  du  tout,  ce  végétal  est  continué  à 
plus  haute  dose,  mais  avec  les  frictions  mercu- 
rielles, et  addition  de  muriate  de  mercure  sur- 


oxhréné  à la  tisane;  la  salivation  se  manifeste 
aussitôt,  et,  après  trois  mois  Je  ce  traitement, 
les  époux  n’eurent  plus  qu’à  s’entretenir  de  leurs 
devoirs  futurs.  Ils  sont  très  bien  guéris. 

C.  Épilepsies  sympathiques  génitales . 

Premier  Fait.  Un  étudiant  en  droit,  âgé  de 
^3  ans  , fort  et  bien  portant , avait  depuis  long- 
temps une  funeste  habitude.  Les  conseils  de  ses 
amis  , les  représentations  de  scs  pareils  , les  pré- 
cautions de  son  médecin,  les  tableaux  les  plus 
hideux  des  effets  de  cette  passion  , l’épui- 
sement et  l’espèce  de  nullité  dans  lesquels  se 
trouvait  ce  jeune  homme  , rien  n’avait  pu  le  cor- 
riger. 

✓ - 

Enfin,  il  devient  épileptique.  Il  se  soumet 
alors  à tous  les  traitemens  qu’on  veut  lui  faire 
subir,  lesquels  se  bornent  à l’usage  des  analep- 
tiques, des  lave  mens  de  teinture  éthérée  de  cas- 
toréum  , aux  frictions  d’éther  acétique  sur  les 
extrémités  inférieures  , à lair  de  la  campagne, 
aux  bains  froids,  etc. 


Cet  étudiant  parvint  à se  rétablir  et  pro- 
mit bien  de  ne  pas  recommencer.  En  effet , nous 
savons  qu’il  continue  à se  bien  porter , et  à faire 
des  progrès  dans  la  carrière  qu’il  parcourt. 

Deuxieme  Fait.  M.  E.  L , élève  en  mé- 

decine, est  frappé  d’épilepsie  pour  avoir  cruelle- 
ment abusé  des  plaisirs  vénériens.  Même  traite- 
ment , même  résultat. 

Troisième  F ait . Un  séminariste^  âgé  de  22  ans , 
semontre  tout-à-coup  triste,  rêveur,  et  engraisse 
à vue  d’œil. 

( 

% 

Des  accès  d’épilepsie  ne  tardent  pas  à se  mani- 
fester. Les  parens  effrayés , nous  amènent  ce  jeune 
homme  très  studieux  et  exempt  de  tous  vices. 
Aucune  affection  nerveuse  n’a  paru  dans  sa  fa- 
mille • son  enfance  ne  fut  traversée  par  aucune 
maladie  ; sa  nourrice  était  saine. 

Nous  conseillâmes  aux  parens  de  reprendre 
leur  fils  , de  le  soumettre  long -temps  à un 
régime  atténuant  et  aux  anti-spasmodiques  les 


348 

plus  puissans,  traitement  qui  fut  suivi  pendant  un 
an  sans  aucun  succès.  Le  mariage  finit  par  mettre 
fin  à cet  état,  dont  la  violence  n’aurait  pas  man- 
qué de  causer  la  mort  de  cet  élève  du  sanctuaire  , 
qui  est  aujourd’hui  bien  portant  et  à la  veille 
d’être  père. 

Quatrième  Fait.  Madame  la  comtesse  de  la 

D jeune,  belle,  ayant  toujours  joui  d’une 

santé  brûlante  , ainsi  que  ses  père  et  mère  , 
se  marie  et  devient  promptement  enceinte.  Au 
cinquième  mois  de  sa  grossesse , elle  est  frappée 
d’épilepsie.  Les  médecins  appelés  ont  aussitôt 
recours  aux  saignées,  aux  anti-spasmodiques , etc. 
Rien  n’est  changé  dans  l’état  de  la  malade.  Con- 
sulté à notre  tour,  et , après  un  mûr  examen  des 
circonstances  qui  ont  précédé , nous  conseillons 
d’insister  sur  un  régime  doux,  sur  l’usage  des 
bains  , en  attendant  la  fin  de  la  grossesse.  On  ne 
s’en  tient  pas  à notre  avis , on  a recours  à d’autres 
moyens  qui  ne  font  que  rendre  la  maladie  plus 
intense  , les  accès  plus  fréquens.  Enfin  l’accou- 
chement a lieu  , et  la  malade  guérit  comme 


349 

par  enchantement.  Elle  perdit  son  mari  quel- 
que temps  après  , et  prit  la  résolution  de  ne  pas 
contracter  de  nouveaux  nœuds  ; nous  l’en  félici- 
tâmes; car  il  aurait  pu  lui  arriver  ce  qui  a eu 
lieu  chez  une  autre  dame  , qui , huit  fois  grosse  , 

f 

a été  épileptique  à chaque  grossesse  , sans  qu’on 
ait  jamais  pu  prévenir  cette  régularité. 

Nous  pourrions  citer  une  femme  auteur,  très 

i 

connue  , qui  ne  devenait  épileptique  qu’au 
moment  de  l’accouchement.  Elle  a été  trois  fois 
mère  et  trois  fois  elle  a été  atteinte  d’épilepsie, 
qui  disparaissait  constamment  le  quarantième 
jour  de  ses  couches. 

D.  Epilepsies  sympathiques  de  l'irritation  de 
quelques  organes  extérieurs. 

Premier  Fait.  Un  enfant  âgé  de  9 ans,  appar- 
tenant à des  parens  sains  , fortement  constitué  , 

ajant  été  nourri  par  une  femme  fraîche  et  bien 

\ # 

portante,  se  promenait  aux  Tuileries  avec  un 
camarade  de  son  âge.  C’était  dans  le  mois  d’aout , 


vers  une  heure.  Le  premier  dit  à celui-ci  : « Je 
parie  fixer  le  soleil  plus  long-temps  que  loi.  » 
Il  s’était  mis  en  devoir  de  soutenir  sa  gageure  , 
lorsqu’il  tomba  dans  une  épilepsie  violente.  La 
foule  accourt,  on  entoure  le  malade  ; des  secours 
de  différente  nature  lui  sont  donnés.  Son  jeune 
ami  le  fait  porter  dans  un  fiacre  , et  de  là  chez 
ses  païens , qui  aussitôt  appellent  leur  médecin. 
Celui-ci , tr'es  sagement , prescrit  quelques  caï- 
mans , et  attend  la  deuxième  attaque.  Elle  eut 
lieu  le  lendemain  à-peu-près  à la  même  heure.  Le 
médecin  ordonna  alors  une  saignée  du  pied  , 
prescrivit  aux  parens  de  tenir  le  malade  dans  une 
douce  obscurité , et  de  ne  le  laisser,  qu’insensible- 
inent , s’exposer  à une  lumière  plus  vive.  Ce  con- 
seil fut  suivi , et  le  malade  ne  tarda  pas  à recou- 
vrer la  santé.  On  lui  lit  également  porter  pendant 
quelque  temps  des  lunettes  planes  de  couleur 
verte,  dans  l’intention  de  modérer  l'activité  de 
la  lumière  sur  les  yeux. 

Deuxieme  Fait.  Une  demoiselle  de  18  ans, 
forte  et  bien  portante , issue  de  parens  également 


sains  , nous  est,  présentée  pour  recevoir  nos  soins. 
Chaque  fois  qu’une  musique  douce  et  harmo- 
nieuse frappe  son  oreille , elle  tombe  en  épilep- 
sie. L’harmonica  surtout  produit  ce  terrible  effet 
sur  elle.  Nous  prescrivons  tous  les  moyens  pro- 
pres à fortifier  le  système  nerveux,  jusqu’à  des 
douches  sur  les  apophyses  mastoïdes  ( derrière 
les  oreilles  ) ; rien  ne  peut  rendre  la  malade  inac- 
cessible aux  attaques  d’épilepsie. 

Un  autre  médecin  conseille  de  faire  entendre 
tous  les  jours  à la  malade  , une  bonne  musi- 
que , en  continuant  le  traitement  fortifiant , et 
de  lui  faire  donner  des  leçons  de  harpe  par  un 
maître  du  premier  ordre;  aujourd’hui  les  accès 
sont  moins  forts  et  s’éloignent  de  beaucoup. 
Tout  fait  espérer  que  les  nerfs  auditifs  s’ha- 
bituent aux  vibrations  qui  les  ont  ébranlés  si 
souvent,  et  que  la  malade  ne  tardera  pas  à en 
guérir. 


Troisième  Fait.  Un  enfant  de  8 ans  , né  de 
païens  sains,  n’ayant  jamais  éprouvé  d’autre 


35  'i 

incommodité  qu’un  enchifrèncmenl  continuel , 
veut  absolument  qu’on  le  débarrasse  de  celle 
incommodité.  Son  médecin  conseille  l’usage  du 
tabac. 

A la  troisième  prise  l’enfant  tombe  en  épilep- 
sie. On  continue  l’usage  de  cette  poudre,  et  on 
prescrit  un  traitement  contre  la  nouvelle  mala- 
die ‘7  celle-ci  n’en  continue  pas  moins.  Consulté , 
nous  conseillons  de  cesser  l’usage  du  tabac,  d’a- 
voir recours  à l’emploi  des  bas  de  laine  , de  la 
flanelle  en  caleçons  et  sur  la  poitrine , des  fric- 
tions  sèches  sur  toute  la  périphérie  du  corps,  et 
répétées  deux  fois  chaque  jour.  Le  malade  est 
guéri  , non  seulement  de  l’épilepsie  , mais  de 
l’indisposition  première. 

E.  Epilepsies  symptomatiques,  . 

Premier  Fait.  Un  épileptique , âgé  de  25  ans , 
vient  nous  consulter  après  avoir  passé  par  divers 
traitemens.  Nous  lui  adressons  plusieurs  ques- 
tions tendant  à nous  éclairer  sur  la  véritable 


353 


cause  de  sa  maladie  , dont  il  n’est  atteint  que 
depuis  six  mois.  Enfin,  après  avoir  répondu  à 
nos  différentes  demandes  , il  croit  se  rappeler 
avoir  supprimé , à cette  époque,  une  sueur  habi- 
tuelle des  pieds,  à laquelle  il  était  sujet  depuis 
la  puberté. 

Nous  cherchâmes  à rappeler  cette  sueur,  et, 
après  y être  parvenu  , l’épilepsie  ne  se  manifesta 
plus.  Ce  jeune  homme  est  maintenant  à Aix  en 
■Savoie , où  il  jouit  d’une  santé  parfaite. 

Deuxieme  Fait.  Une  jeune  dame , femme  d’un 
libraire  de  Paris,  vint  nous  consulter  en  décem- 
bre 1825,  pour  une  épilepsie  survenue  à la  suite 
de  la  guérison  d’une  dartre  qu’elle  avait  gardée 
long-  temps.  La  dartre  fut  rappelée  par  des 
vésicatoires , etc.  , et  l’epilepsie  ne  reparut 
pas. 

Troisième  Fait.  Un  enfant  de  18  mois , dont 
la  dentition  ne  pouvait  s’opérer , devint  épilep- 
tique. Des  incisions  furent  pratiquées  sur  les 
gencives  - les  dents  se  montrèrent  et  l’épilepsie  ne 


se  reproduisit  plus.  Des  précautions  furent  prises 
pour  faciliter  l’éruption  des  dents  à venir. 

Quatrième  Fait.  Une  demoiselle  anglaise,  âgée 
de  18  ans,  issue  de  pareils  sains  , est  atteinte  de 
fièvre  scarlatine.  Un  médecin  anglais  ordonne 
des  boissons  rafraîchissantes  froides , l'exposition 
à l’air.  La  rougeur  de  la  peau  s’efface  , et  une 
attaque  d’épilepsie  a lieu.  Un  médecin  français 
est  consulté , prescrit  des  boissons  légèrement 
diaphorétiques,  couvre  la  malade  de  vésicatoires , 
rappelle  l’éruption  , et  l’épilepsie  disparaît.  Celte 
circonstance  a eu  lieu  à Angers  en  i8a5. 

Cinquième  Fait.  Un  colonel  de  cavalerie,  âgé 
de  52  ans,  fortement  constitué  , mais  portant 
depuis  long-temps  une  gale  affreuse  qui  avait 
déjà  résisté  à plusieurs  moyens  , se  débarrasse 
de  cette  maladie  avec  l’eau  dite  de  Metteniberg. 
Une  épilepsie  épouvantable  se  déclare.  On  cher- 
che à rétablir  la  gale  répercutée  ; ou  ne  put  y par- 
venir qu’avec  la  chemise  d un  galeux  dont  on  cou- 
vrit cet  officier,  en  le  faisant  suer  considérable- 


ment  parles  moyens  connus.  La  gale  revint,  et 
l’épilepsie  fut  guérie. 

Sixième  Fait.  Une  jeune  dame,  tenant  beau- 
coup à n’altérer  aucun  des  traits  de  sa  jolie  figure , 
est  atteinte  de  la  petite-vérole. 

La  face  seule  est  couverte  de  pustules.  Un 
médecin  savant  est  appelé,  et  promet  à la  malade 
qu’il  ne  lui  restera  aucune  trace  de  cette  mala- 
die , si  elle  veut  s’en  rapporter  à lui.  La  ma- 
lade se  fie  pleinement  à cette  promesse.  En  con- 
séquence, le  docteur  se  met  à cautériser  les 
boutons  avec  une  dissolution  de  nitrate  d’argent 
fondu  ( pierre  infernale  ).  L’éruption  disparaît 
aussitôt  j le  lendemain  une  épilepsie  affreuse 
(que  la  confiante  dame  n’avait  jamais  éprou- 
vée ) se  déclare.  Un  autre  médecin  arrive , 
fait  couvrir  la  malade  de  vésicatoires  • l’érup- 
tion revient  sur  tout  le  corps , parcourt  ses  pé- 
riodes , et  la  malade  guérit  parfaitement , mais 
avec  quelques  coutures  du  visage.  Il  faut  que 
l’expérience  ait  parlé  plus  liant , avant  de  se  li- 
vrer à de  pareilles  épreuves. 


35G 


Septième  Fait.  Nous  donnions  le  bras  à une 
daine  bien  portante,  âgée  de  3G  ans,  pour  la 
conduire  des  Tuileries  chez  elle,  rue  de  Gre- 
nelle-Saint-Germain. 


En  parcourant  la  rue  du  Bac  , nous  fûmes 
arrêtés  par  un  individu  qui  tomba  à nos  pieds. 
Cet  individu  était  atteint  d’épilepsie , ou  la  simu- 
lait à merveille.  Cette  dame  s’effraye  et  devient 
tremblante  au  point  de  ne  pouvoir  parvenir  à 
son  domicile. 

Chemin  faisant , elle  nous  dit  : « J’avais  tou- 
jours redouté  de  voir  quelqu’un  tomber  du  haut- 
mal.  » Nous  l’assurâmes  que  ce  malheureux  n’é- 
tait pas  atteint  de  cette  maladie  , qu’il  avait 
voulu  seulement  exciter  notre  pitié  ou  surprendre 
la  charité  publique.  Nos  précautions  furent  inu- 
tiles. Arrivée  chez  elle,  la  malheureuse  est  frap- 
pée d’épilepsie.  On  lui  donne  des  soins  depuis  six 
ans,  sans  le  moindre  espoir  de  guérison.  Elle  est 
en  ce  moment  à i’usage  de  deux  onces  d’eau 
distillée  de  feuilles  de  laurier-cerise.  Les  accc'es 


3o7 

sont  cependant  moins  intenses , mais  se  repro- 
duisent aux  époques  menstruelles  et  lunaires. 

Huitième  Fait.  Un  enfant  de  8 ans , sujet  , 
depuis  sa  naissance , aux  vers  lombricaux,  que 
l’on  reconnaît  très  bien  aux  signes  suivans  (com- 
me le  disent  les  docteurs  Roman  et  Valen- 
tin ) : petits  points  d’un  louge  très  vif  sur  la  lan- 
gue ; dilatation  de  la  pupile  ; prurit  au  bout  du 
nez  , concurremment  avec  les  autres  signes  des 
maladies  vermineuses,  etc. 

Cet  enfant  fut  tout-à-coup  frappé  d’épilepsie  , 
dont  il  guérit  promptement  par  la  fougère  rnàïe 
en  poudre  ; cela  devait  être,  attendu  que  cette 
épilepsie  était , à coup  sûr  , symptomatique  de 
l’affection  vermineuse. 

/ 

Troisième  Fait.  Un  officier  de  grenadiers  de 
la  garde  royale,  âgé  de  3q  ans,  prédisposé , depuis 
long-temps,  aux  embarras  de  l’estomac,  devient 
épileptique.  On  lui  administre  l’émétique  j l’épi- 
lepsie disparaît,  et  revient  au  bout  de  six  mois, 


358 


ce  qui  eut  lieu  plusieurs  fois-  Enfin  , le  régime 
lacté  long-temps  continué  , quelques  boissons 
émétisées,  parvinrent  à débarrasser  ce  militaire, 
et  de  l’épilepsie , et  de  l’affection  gastrique. 


Dixième  Fait.  Un  écuyer  de  l’ex-cmpereur,  âgé 
de  4-7  ans,  d une  forte  constitution,  était  dans 
un  état  liabitucl  de  constipation.  Après  avoir  em- 
ployé , sans  résultat , plusieurs  moyens  pour  ob- 
tenir la  liberté  du  ventre  , il  tombe  en  épilepsie. 
Un  médecin  de  Genève  parvient  à le  guérir  par 
les  purgatifs  drastiques. 

Nous  craindrions  de  fatiguer  notre  lecteur,  en 
citant  un  plus  grand  nombre  de  faits  d’épilep- 
sies syptôma tiques.  Il  nous  suffira  donc  de  dé- 
clarer que,  toutes  les  fois  que  1 on  voudra  venir 
à bout  d’une  affection  consécutive  , il  faudra 
rappeler  ou  détruire  la  maladie  essentielle 


I 


OBSERVATION 

Sur  un  cas  fort  rave  cV épilepsie , et  sur  les  pré- 
cautions à prendre  dans  les  questions  qu on 
est  forcé  d'adresser  aux  personnes  atteintes 
de  cette  névrose. 

Ene  demoiselle,  âgée  de  26  ans  , née  d’une 
des  premières  familles  de  France,  fraîche,  jolie  , 
robuste , d’une  sensibilité  exquise,  très  spirituelle 
et  passionnée  pour  les  études  abstraites  , est  affec- 
tée d’épilepsie  depuis  l’époque  de  la  puberté. 

Rien  n’a  été  négligé  pour  mettre  un  frein  à 
cette  horrible  maladie  , mais  aucun  traitement 
n’a  réussi.  Les  parens  sont  au  désespoir.  Un  mé- 
decin de  Genève  est  consulté  , et  conseille  le  ma- 
riage. La  malade  est  presqu’aussitôt  unie  à un 
jeune  homme  ( de  son  choix  ) , d’une  santé  bril- 
lante, de  mœurs  douces,  d’un  caractère  aimable, 
enfin  plein  d’égards  et  de  soins  pour  sa  malheu- 
reuse épouse.  Les  accès  d’épilepsie  continuent  de 
se  manifester  avec  la  meme  violence. 


3Go 

Le  médecin  est  consulté  de  nouveau  ; il  ré- 
pond que,  « lorsque  la  malade  aura  mis  un  enfant 
au  monde,  elle  sera  entièrement  débarrassée  de 

i 

ses  attaques  d’épilepsie.  » Cette  dame  devient 
mère , et  rien  n’est  changé  à son  état  de  mala- 
die , qui  plonge  son  mari  dans  une  tristesse  pro- 
fonde. 

La  malade  nous  est  présentée  après  deux  ans 
de  mariage.  Nous  la  rassurons  sur  ses  crises  ( car 
il  faut  bien  se  garder  de  prononcer  le  nom  d’é- 
pilepsie devant  les  personnes  qui  en  sont  attein- 
tes ) , et  lui  demandons  la  permission  de  nous 
entretenir  avec  ses  père  et  mère  avant  de  rien 
entreprendre. 

« "* 

Un  jour  est  fixé  pour  cet  entretien.  Le  mari  et 
la  nourrice  de  la  malade  y prennent  part.  Il  ré- 
sulte de  cette  entrevue  que  les  pareils  sont  sains 
et  l’ont  toujours  été  ; qu’ils  sont  fortement  cons- 
titués ; que  le  père  est  d’un  tempérament  sanguin , 
et  la  mère  lymphatique  ; que  ni  l’un  ni  l’autre  n’ont 
été  enclins  à aucune  mauvaise  habitude  ; qu’ils 


36 1 

n’ont  point  éprouvé  de  maladies  , ni  d’accidens 
capables  de  fixer  notre  allen! ion  ; qu’ils  n’ont 
fait  usage  d’aucun  remède  violent  ; qu’aucune 
cause  morale  n’a  troublé  leur  félicité  avant  le 
malheur  arrivé  à leur  lille  bien-aimée  ; que  leurs 

deux  autres  enfans  sont  dans  le  meilleur  élat  de 

» 

santé  j que  la  nourrice  de  la  malade  est  encore 
une  femme  remarquable  par  sa  douceur  , sa  force 
et  sa  fraîcheur  ; qu'aucun  vice  particulier  n’a 
souillé  son  existence  ; que  l’enfance  de  la  malade 
a été  calme  et  paisible;  qu’elle  n’a  fait  aucune 
chute  violente  ; que  l’écoulement  périodique  s’est 
déclaré  sans  orage,  a continué  de  même  et  avec 
la  plus  grande  régularité. 

S 

Entreprendre  le  traitement  d’une  maladie  dont 
les  causes  paraissaient  si  décourageantes , 1101  s 
parut,  nous  l’avouons,  une  entreprise  au  moii  s 
hardie.  Mais  les  parens  nous  ayant  pressé  vive- 
ment de  nous  charger  de  diriger  leur  malade, 
nous  nous  décidâmes  à la  voir,  et  voici  l’examen 
que  nous  lui  finies  subir. 


o.3 


30  2 

Demande.  Depuis  quel  âge  vous  apercevez- 
vous  de  vos  crises  nerveuses  ? 

Réponse.  Depuis  l’âge  de  seize  ans. 

D.  Aviez-vous  antérieurement  ressenti  quelque 
douleur  particulière , des  mouvemens  nerveux, 
des  palpitations  de  cœur  ? 

R.  Non. 

D.  Avez -vous  éprouvé,  toujours  avant  vos 
crises  , une  frayeur  quelconque  ? 

R.  Non. 

D.  Vous  n’avez  été  témoin  d’aucune  scène 
attendrissante  , à la  suite  de  laquelle  vous  ayez 
été  sensiblement  émue  ? Vous  n’avez  fait  aucune 
perte  qui  ait  pu  ébranler  vos  nerfs  ? 

R.  Non. 

D.  Assistiez-vous  souvent  au  spectacle  ? Quel 
est  le  genre  de  spectacle  que  vous  préfériez  ? 

R.  Je  n’ai  été  que  très  rarement  au  spectacle  ; 
l’opéra  - comique  est  celui  qui  me  plaît  le 
plus. 

D.  Quel  est  l’effet  que  produit  sur  vous  une 
excellente  musique  ? 


363 


R.  L’effet  d’une  chose  un  peu  plus  qu’ordi- 
naire. 

D.  Avez  - vous  éprouvé  de  violentes  contra- 
riétés ? 

R.  Jamais. 

D.  Avez-vous  beaucoup  lu  ? quels  sont  les  ou- 
vrages que  vous  préfériez? 

R.  La  physique  , les  mathématiques  , l’His- 
toire Ancienne,  ont  particulièrement  fixé  mes 
goûts , ainsi  que  les  trois  règnes  de  la  nature. 

D.  Vous  occupiez-vous  sérieusement  de  pra- 
tiques religieuses  ? 

R.  En  chrétienne  raisonnable. 

D.  Vous  livriez-vous  à beaucoup  d’exercice, 
à des  occupations  amusantes? 

R.  Rarement. 

D.  Vous  rappelez -vous  avoir  fait  une  chute 
sur  la  tète  7 sur  le  dos  , sur  le  siège  , ou  sur  les 
pieds  ? 

R.  Non. 

* 

D.  Etiez-vous  sujette  aux  maux  de  tête , à 
quelque  douleur  du  col  , de  la  poitrine  , aux 
crachemens  de  sang  , aux  hémorragies  du  nez  , 

a3.. 


3G4 

aux  écoulemens  des  oreilles  ; aux  vomissemens  , 
aux  digestions  pénibles  ? 

■ R.  Je  me  suis  toujours  bien  portée , grâce  à 
Dieu  ! 

D.  Avez-vous  éprouvé  quelque  dérangement 
du  ventre  ? 

R.  Non. 

D.  Vous  êtes-vous  quelquefois  piquée  ou  cou- 
pée au  point  d’en  ressentir  des  douleurs  aiguës? 
R.  Non. 

D.  Avez-vous  été  sujette  à quelqu’affection  de 
la  peau  , à des  ulc'eres  , à des  varices , à une 
sueur  habituelle  des  pieds  ? 

R.  Jamais. 

D.  Étiez-vous  sujette  aux  crampes  des  mem- 
bres j aux  rêves  pénibles  ? 

R.  Non. 

D.  Dormiez-vous  long-temps  ; aimiez-vous 

le  lit  ? 

R.  Oui. 

D.  Fréquentiez-vous  les  bals , les  soirées  nom- 
breuses ? 

R.  Rarement  et  sans  plaisir. 


3G5 


I) .  Quelle  était  votre  vie  alimentaire? 

R.  Toujours  saine  et  peu  copieuse. 

J) .  1 reniez  — vous  et  laites— vous  encore  usaee 
de  café , de  thé , etc.  ? 

R.  J ai  souvent  pris  du  café , parce  que  j’en 
sentais  le  besoin  j ] y ai  renonce  depuis  que  je 
suis  malade  ; pour  obéir  à mon  médecin. 

D.  Aviez -vous  l’habitude  de  vous  baigner 
souvent  ? 

R.  Quelquefois. 

D.  Vous  trouviez-vous  bien  pendant  et  après 
le  bain  ? 

R.  Constamment.. 

D.  Vos  crises  reviennent-elles  à des  époques 
régulières?  vous  apercevez-vous  de  leur  ap- 
proche  ? 

R.  Oui. 

D.  Comment? 

R.  Un  frémissement  se  manifeste  au  creux  de 
1 estomac  y que  vous  nommez  épigastre , mes- 
sieurs ; ensuite  à la  poitrine , à la  gorge , puis  à la 
tete;  mes  facultés  s’anéantissent  alors.  Mes  pareils 
vous  diront  le  reste. 


3GG 


1).  Parvenez-vous  quelquefois  à empêcher  ces 
mouvemens  nerveux  d’avoir  lieu  ? 

R.  Oui  j avec  l’alcali  volatil  , que  l’on  me 
passe  sous  le  nez.  ^ 

D.  Et  après  vos  crises  7 êtes-vous  aussi  propre 
aux  occupations  sérieuses  qu’avant  ? 

R.  Oui. 

D.  Quelles  sont  les  odeurs  qui  vous  fatiguent  ? 

R.  Toutes  celles  qui  sont  nauséabondes  ; l’assa- 
fœtida  est  seule  capable  de  provoquer  ce  que 
vous  appelez  mes  crises. 

D.  Quels  sont  les  moyens  dont  vous  avez  fait 
usage  pour  vous  débarrasser  de  vos  spasmes  : 

R.  J’ai  passé  par  tous  les  régimes  et  tous  les 
traitemens  connus  -,  l’aimant  est  le  remède  dont 
j’ai  le  plus  à me  louer. 

» 

Nous  rassurâmes  la  malade , lui  promîmes  de 
la  revoir  7 et  d apporter  quelques  soulagemens  à 
ses  maux.  Elie  nous  accompagna  pour  nous 
demander  s’il  y avait  du  danger  pour  son  fils. 
Nous  lui  répondîmes  que  son  enfant  Réprouve- 
rait rien ; et  quelle  serait  satisfaite.  Ce  dernier  se 


367 

porte  en  effet  à merveille,  et  a été  noam  par  une 
femme  qui  ne  laisse  rien  à désirer  , surtout  sous 
le  rapport  du  tempérament  et  du  caractère. 

Nous  revîmes  le  lendemain  les  parens  et  le 
mari  de  la  malade.  Nous  ne  leur  donnâmes  que 
peu  d’espoir,  mais  nous  leur  recommandâmes 
beaucoup  de  paraître  tranquilles  devant  leur 
malheureuse  fille  et  épouse. 

Après  avoir  pris  de  ces  derniers  tous  les  ren- 
seignemens  sur  l’invasion  , la  durée  et  la  nature 
des  accès  de  cette  épilepsie,  etc.  , nous  conseil- 
lâmes à la  malade  : 

i°  Les  viandes  blanches,  les  plantes  herba- 
cées et  1 eau  bien  aérée , ensuite  la  diète  blanche. 


20  Les  voyages  dans  le  midi  de  la  France  avec 
ses  parens  , son  mari  et  son  fils. 

3°  La  privation  de  toute  lecture  abstraite , des 
spectacles  , des  réunions  nombreuses  , etc. 


4°  L’exercice  à pied,  à cheval  ; les  jeux  de 
volant,  de  billard;  les  occupations  manuelles, 
telles  que  la  tapisserie , la  broderie,  etc. 

5°  Deux  emplâtres  d’extrait  de  ciguë  forte- 
ment aimantés  , l’un  à l’épigastre  , et  1 autre  à 
l’extrémité  inférieure  de  la  colonne  dorsale. 
Après  la  chute  de  ces  emplâtres,  on  devait  en 
appliquer  de  nouveaux. 

G°  Les  bains  froids,  meme  en  hiver  ; en  été 
des  bains  de  rivière  , en  y entrant  par  la  tête. 

70  La  poudre  de  racine  d’armoise , prise  à la 
dose  de  deux  à quatre  gros  dans  un  verre  de  bière 
chaude  , le  soir  en  se  couchant. 

Nous  avons  reçu,  il  y a peu  de  temps,  une 
lettre  du  père  de  la  malade  , datée  d’une  ville  de 
Provence.  Ce  respectable  vieillard  nous  écrit  : 
« Si  cela  continue,  Monsieur,  je  vous  devrai  la 
santé  de  ma  1111e,  mon  repos  et  celui  de  tout  ce 
qui  m'appartient.  » 11  y a près  d un  an  que  le 


360 

traitement , ci-dessus  exposé,  est  commencé  et 
suivi  avec  une  constance  admirable. 


CONCLUSION. 

En  résumant  tout  ce  qui  a été  dit  dans  cet 
Essai,  nous  pensons  sérieusement  que  les  mala- 
dies nerveuses  sont , à proprement  parler , les 
maladies  qu’engendrent  les  ralïinemens  de  la  ci- 
vilisation - que,  pour  diminuer  la  fréquence  de 
ces  affections  , il  faut  s’attacher  moins  à faciliter 
les  progrès  de  l’esprit  humain  qu’à  faire  germer 
dans  le  cœur  de  l’homme  les  vertus  propres  à le 
préserver  des  passions , soit  par  un  système  d’édu- 
cation hase  sur  la  religion  ( car  sans  celle-ci  point 
de  bonne  morale)  , soit  par  des  lois  en  harmonie 
avec  notre  position  sociale.  Ainsi  nos  lois  crimi- 
nelles , notre  Code  pénal  surtout , exigent  une 
réforme  complète.  La  graduation  des  peines , 
leur  application  , la  latitude  laissée  aux  juges , la 
classification  des  crimes  et  délits , tout  a besoin 
d être  changé  ; ces  lois  manquent  par  les  bases. 


En  examinant  seulement  les  horreurs  commises 
pendant  et  depuis  nos  discordes  politiques,  les 
causes  qui  les  ont  amenées  , nous  persistons  à 
considérer  ces  horreurs  comme  les  tristes  et 
affligeans  effets  de  la  névrose  qui,  à cette  époque, 
envahit  le  corps  social  en  France. 

Qui  oserait  contester  aujourd’hui  que  la  cor- 
ruption des  esprits  et  des  coeurs  n’ait  causé  ce 
délire  qui  a fait  passer,  sous  nos  yeux,  tant  d’a- 
trocités inouies  ? Non , l’homme  n’est  pas  ne  assez 
méchant  pour  commettre  de  pareils  attentats. 
Une  éducation  vicieuse  et  d’horribles  exemples, 
peuvent  seuls  le  rendre  aussi  criminel. 

On  a voulu  remédier  à cette  névrose  , on  n’a 
fait  qu’entretenir  son  intensité  , parce  qu  on  n a 
pu  employer  le  véritable  remede  que  tard  j es- 
tait une  monarchie  légitime  et  constitutionnelle, 
qui  a déjà  produit  un  grand  bien  , mais  n’a 
encore  pu  éteindre  les  derniers  symptômes  con- 
vulsifs , parce  qu’il  est  des  maladies  chroniques 
qu'il  faut  observer  long-temps  , et  sur  lesquelles 


les  médicamens  les  plus  convenables  n’agissent 
que  lentement. 

Il  est  donc  à-peu-près  démontré  qu’il  faut  bien 
se  garder  d’agiter  la  passion  la  plus  irritable  d’un 
peuple.  On  a remué  la  vanité  en  France  , qu’en 

a-t-on  recueilli  ? Que  l’on  questionne  , à ce 

sujet , les  médecins  des  maisons  où  sont  reçus  les 
aliénés  , les  familles  dont  quelques  membres  gé- 
missent dans  les  spasmes , les  convulsions  , ou  les 
aberrations  de  l’esprit , inévitables  effets  de  l’in- 
dépendance , de  l’ambition  , ou  du  vice. 

Que  l’on  compare  le  nombre  des  affections 
mentales  , des  suicides,  etc.,  d’aujourd’hui,  à 
ceux  des  époques  antérieures  à t)3  , par  exemple  ! 

L’histoire  des  anciens  peuples  nous  avait  assez 
prouvé  que  les  empires  qui  veulent  sortir  des 
limites  posées  par  la  Providence  , finissent  par 
ne  pouvoir  se  garantir  de  catastrophes  terribles, 
et  même  d’une  décadence  assurée.  Athènes  et 
Rome  sont  encore  là,  pour  attester  que  tant  de 


, 3;a 

lumières  embrasent  lot  ou  tard , suivant  l’expres- 
sion d’un  publiciste  distingué. 

C’est  en  vain  qu’on  chercherait  à blâmer  les 
institutions  religieuses  : elles  n’auraient  jamais 
été  regardées  que  comme  utiles  , qu’elles  sont 
aujourd’hui  reconnues  indispensables  par  les 
hommes  amis  de  l’ordre  , de  la  tranquillité  de 
leur  pays  , et  jaloux  d’assurer  le  bonheur  des 
générations  futures  ; et , en  effet , ne  peut  s’em- 
pêcher de  s’écrier  un  médecin  moderne , quoi- 
qu’entaché  d’un  peu  de  philosophisme  : « Que  ne 
devrait -on  pas  attendre  d’un  certain  nombre 
d’hommes  qui  vivraient  exempts  de  soucis  rela- 
tivement à la  vie  animale , qui  ne  seraient  dé- 
rangés par  aucune  affaire  domestique  , et  qui  y 
choisis  parmi  les  plus  privilégiés  de  la  nature , 
se  réuniraient  ensemble  de  plein  gre , pour  tra- 
vailler de  concert  y se  communiquer  leurs  opéra- 
tions , se  consulter  mutuellement , et  pouvoir 
faire  en  commun  ce  qui  leur  serait  impossible 
privativement.  » Les  institutions  monastiques 
seules  présentent  ces  précieux  avantages. 


On  a dû  voir , dans  la  première  partie  de  ce 
livre  , que  toute  l’organisation  humaine  se  réduit 
à deux  principes  : l’âme  et  le  corps  , ou  l’esprit  et 
la  matière  ; que  la  première  commande , et  l’autre 
exécute,  et  que  ces  deux  puissances  sont  soumises 
à la  volonté  d’une  intelligence  suprême,  infinie, 
dont  on  voit  les  actes  sans  concevoir  leur  source. 

Le  cerveau  est  le  centre  de  l’intelligence  hu- 
maine ; de  là  partent  tous  les  ordres  de  celle-ci , 
qui , d’après  les  impressions  quelle  a reçues  d’en- 
haut  par  les  agens  extérieurs  , comme  la  lumière 
sur  l’œil , les  saveurs  sur  les  nerfs  du  goût  et  de 
l’odorat , etc. , sont  portés  vers  les  extrémités  de 
l’empire  de  la  pensée  par  un  fluide  contenu  dans 
les  nerfs.  Ce  dernier  laisse  en  passant,  dans  les 
chefs-lieux  organiques  , des  secours  , des  ins- 
tructions , et  revient  ensuite  au  cerveau  , rendre 
compte  de  sa  mission , et  recevoir  de  nouveaux 
commandemens , s’il  y a lieu. 

Ces  commandemens  , transmis  par  les  nerfs  , 
sont  exécutés  par  des  organes  qui  portent  le 


nom  de  muscles,  de  glandes,  d’artères,  cœur, 
estomac  , intestins  , etc.  Telle  est  la  vie  : la  rup- 
ture de  son  plus  petit  chaînon  peut  causer  la 
perte  de  tout  l’édifice  , lorsque  Dieu  le  veut. 

Nous  avons  exposé  succinctement  les  deran- 
gemens  auxquels  cet  édifice  est  sujet,  quant  au 
système  nerveux  ; fait  connaître  les  causes  de  ces 
dérangemens,  et  les  moyens  d’y  remédier  ou  de 
les  pallier  , lorsqu’ils  n’ont  pu  être  prévenus  par 
une  éducation  convenable  , ou  combattus  par  des 
lois  appropriées  aux  circonstances  où  se  trouvent 
les  peuples  au  milieu  desquels  on  a laisse  penetrei 
la  corruption. 

Enfin  nous  avons  fait  voir  que  , suivant  les 
cas  , on  peut  retirer  de  très  grands  avantages  du 
trépan  , de  la  section  des  nerfs  , de  l’armoise , du 
laurier-cerise,  de  l’aimant,  etc.,  etc.,  et  que, 
pour  espérer  de  guérir  l’épilepsie,  il  faut,  de 
toute  rigueur,  se  rendre  maître  de  la  cause,  plus 
particulièrement  pour  cette  maladie  que  pour 
d’autres  affections. 


Heureux  si  nous  avons  satisfait  à noire  lecteur  ; 
heureux  surtout  si  nous  parvenons  à être  utile 
aux  personnes  atteintes  de  névroses  ; c’est  là  tout 
ce  que  nous  ambitionnons  ! 

. ;n( . \ f 

Nous  croyons  devoir  présenter  ici,  par  dépar- 
tement , le  nombre  des  épileptiques  connus.  Nous 
n’y  comprendrons  pas  ceux  de  ces  malheureux 
que  l’amour-propre  des  parens  tient  au  secret , 
ni  ceux  que  l’on  traite  dans  les  hôpitaux  ; ils  y 
reçoivent  des  secours,  nous  ne  devons  donc  pas 
nous  en  occuper. 

Puisse  ce  tableau  fixer  l’attention  du  digne 
directeur  des  établissemens  d’utilité  publique  , 
M.  de  Bois-Bertrand  , qui  ne  connaît  d’autre 
ambition  que  celle  d étendre  et  d’affermir  l’em- 
pire de  la  bienfaisance. 

L humanité  loue  déjà  les  nobles  qualités  de  son 
âme  et  de  son  cœur  ; elle  redira  ses  constans 
efforts  en  faveur  des  êtres  qui  languissent  dans 
les  convulsions  et  les  déchiremens. 


3 76 


TABLEAU 

DES  ÉPILEPTIQUES  EXISTAIT  EN  FRANCE. 


Ain. 

1 10 

Report, 

2175 

Report,  44^8 

Aisne. 

i53 

Gers. 

83 

Orne. 

1 3o 

Allier. 

35 

Gironde. 

1 8 1 

Pas-de-Calais. 

i77 

Alpes  ( Basses-). 

10 

Hérault. 

82 

Puy-de-Dôme.  ^ 

1 77 

Alpes  (Hautes-). 

9 

Ille-et-Vilaine. 

175 

Pyrénées  (Basses-). 

68 

Ardèche. 

108 

Indre. 

20 

Pyrénées  (Hautes-). 

i4 

Ardennes. 

34 

Indre-et-Loire. 

J9 

P>  renées- Orient  aies 

1 3 

Arriége. 

3o 

Isère. 

1 70' 

Rhin  (Bas-). 

i36 

Aube. 

28 

Jura. 

80 

Rhin  (Haut-). 

66 

Aude. 

28 

Landes. 

18 

Rhône. 

63 

Aveyron. 

io5 

Loire. 

77 

Saône  (Haute-). 

60 

Bouches-du-Rhône. 

IOI 

Loire  (Haute-). 

17 

Saône-et-Loire. 

1 28 

Calvados. 

99 

Loire-Inférieure. 

ï43 

Sarthe. 

1 20 

Cantal. 

*79 

Loiret. 

17 

Seine. 

280 

Charente. 

35 

Loir-et-Cher. 

1 7 

Seine-et-Marne. 

58 

Charente-Infér. 

93 

Lot. 

1 5 

Seine-et-Oise. 

118 

Cher. 

26 

Lot-et-Garonne. 

75 

Seine-Inférieure. 

190 

Corrèze. 

26 

Lozère. 

8 

Sèvres  (Deux-). 

1 2 

Corse. 

8 

Maine-et-Loire. 

i3q 

Somme. 

160 

Côte-d’Or. 

88 

Manche. 

i83 

Tarn. 

55 

Côtes-du-Nord. 

167 

Marne. 

74 

Tarn-et-Garonne. 

1 1 

Creuse. 

25 

Marne  (Haute-). 

i5 

Var. 

52 

Dordogne. 

1 5o 

Mayenne. 

7 2 

Vaucluse. 

10 

Doubs. 

24 

Meurthe. 

70 

Vendée. 

5o 

Drôme. 

22 

Meuse. 

• i5 

Vienne. 

10 

Eure. 

1 47 

Morbihan. 

i36 

Vienne  (Haute-). 

10 

Eure-  et-Loire. 

20 

Moselle. 

69 

Vosges. 

18 

Finistère. 

1 45 

Nièvre. 

i4 

Yonne. 

45 

Gard. 

85 

Nord. 

200 

Garonne  ( Haute-). 

85 

Oise. 

69 

2175 

CO 

^-r 

Total  665q 

FIN. 


/ 


* 


-■» 
• 4 


. 


i